RECENSIONS D’OUVRAGES POUR LA

 

REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES

 

Thierry LEGRAND : Histoire des religions - Faculté de théologie protestante

thierry.legrand@unistra.fr

 

Toutes les recensions sont consultables sur le site de la RHPR : http ://www.rhpr.net/index.html

 

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• Armand ABÉCASSIS, Judaïsmes. De l’hébraïsme aux messianités juives, Paris, Albin Michel, 2006, 502 pages, ISBN 978-2-226-17105-4.

• Alberto Fabio AMBROSIO, Ève Feuillebois, Thierry Zarcone, Les derviches tourneurs. Doctrine, histoire et pratique, Paris, Cerf, 2006, 212 pages (Patrimoines – Islam), ISBN 978-2-204-08139-9.

• Léon ASKÉNAZI, Leçons sur la Thora. Notes sur la paracha, Paris, Albin Michel, 2007, 453 pages (Spiritualités vivantes 227), ISBN 978-2-226217826-8.

• Léon ASKÉNAZI, La parole et l’écrit. II. Penser la vie juive aujourd’hui. Textes réunis et présentés par Marcel Goldmann, Paris, Albin Michel, 2004, 647 pages (Présences du judaïsme), ISBN 978-2-226-15433-0.

• Christoph AUFFARTH, Hans G. KIPPENBERG et Axel MICHAELS, Wörterbuch der Religionen, Stuttgart, Alfred Kröner Verlag, 2006, XVIII + 589 pages, ISBN 3-520-14001-2.

• David BANON, Entrelacs : la lettre et le sens dans l’exégèse juive, Paris, Cerf, 2008, 394 pages (La nuit surveillée), ISBN 978-2-204-08518-2.

• Katell BERTHELOT, Thierry LEGRAND, André PAUL (dir.), La Bibliothèque de Qumrân, I : Torah. Genèse, Paris, Cerf, 2008, XXXIII + 589 pages, ISBN 978-2-204-08305-8.

• Kattel BERTHELOT et Thierry LEGRAND (dir.), La Bibliothèque de Qumrân, vol. 2. Torah : Exode – Lévitique – Nombres. Édition et traduction des manuscrits hébreux, araméens et grecs, Paris, Éditions du Cerf, 2010, XXXII + 456 pages, 2 cartes, ISBN 978-2-204-08773-5.

• François BOESPFLUG, Thierry LEGRAND, Anne-Laure ZWILLING, Religions, les mots pour en parler. Notions fondamentales en Histoire des religions, Montrouge – Genève, Bayard – Labor et Fides, 2014.

• Eberhard BONS, Thierry LEGRAND (dir.), Le monothéisme biblique. Évolution, contextes et perspectives, Paris, Cerf, 2011, 465 pages (Lectio Divina, 244), ISBN 978-2-204-09311-8.

• Christfried BÖTTRICH, Beate EGO, Friedmann EIßLER, Mose in Judentum, Christentum und Islam, Göttingen – Oakville, Vandenhoeck & Ruprecht, 2010, 181 pages, ISBN 978-3-525-63018-1.

• Jean-Pierre BRACH, Jérôme ROUSSE-LACORDAIRE (dir.), Études d’histoire de l’ésotérisme. Mélanges offerts à Jean-Pierre Laurant pour son soixantedixième anniversaire, Paris, Cerf, 2007.

• Jan N. BREMMER (éd.), The Strange World of Human Sacrifice, Leuven – Paris – Dudley, Peeters, 2007, XI + 268 pages (Studies in the History and Anthropology of Religion, 1), ISBN 978-90-429-1843-6.

• Sebastian P. BROCK, Aaron M. BUTTS, George A. KIRAZ, Lucas VAN ROMPAY (éd.), The Gorgias Encyclopedic Dictionary of the Syriac Heritage, Piscataway (NJ), Gorgias Press, 2011.

• Francis X. CLOONEY, Sagesse hindoue pour qui cherche Dieu. Traduit de l’américain par É. Boné et J. SCHEUER, Bruxelles, Lessius, 2004, 196 pages (L’Autre et les autres 5), ISBN 2-87299-119-0.

• Dan COHN-SHERBOK, Judaism, Londres, Calman and King, 1999, 128 pages (Religions of the World), ISBN 0-415-21164-6.

• Dan COHN-SHERBOK, Fifty Key Jewish Thinkers, London – New York, Routledge, 2007, XIII + 132 pages, ISBN 978-0-415-77140-5.

• François Henri Stanislas DELAULNAYE, Thuileur de l’Écossisme. Édition critique avec présentation et documents inédits, par Claude Rétat, Paris, Dervy, 2007, 627 pages, ISBN 978-2-84454-323-3.

• François DÉROCHE, La transmission écrite du Coran dans les débuts de l’islam. Le codex Parisino-petropolitanus, Leiden – Boston, Brill, 2009, 590 pages (Texts and Studies on the Qurān, 5), ISBN 978-90-04-17272-2.

• Wendy DONIGER O’FLAHERTY (éd.) Hindu-Mythen. Die wichtigsten klassischen Texte. Übersetzt aus dem Englischen von Nikolaus De Palézieux, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2009, 220 pages, ISBN 978-3-534- 23013-6.

• Oliver FREIBERGER, Christoph Kleine, Buddhismus. Handbuch und kritische Einführung, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2011.

• Philippe GAUDIN (dir.), La violence, Paris, Les éditions de l’Atelier / Éditions Ouvrières, 2002, 175 pages (Ce qu’en disent les religions), ISBN 2-7082-3643-1, 15,50€.

• Martin GILBERT, The Routledge Atlas of Jewish History, London – New York, Routledge, 2006, 150 pages, ISBN 978-0-415-39966-1.

• Joachim GNILKA, Qui sont les chrétiens du Coran ? Traduit de l’allemand par Charles Ehlinger, Paris, Cerf – MédiasPaul, 2008, 175 pages, ISBN 978- 2-204-08701-8.

• Satya Narayan GOENKA, Trois enseignements sur la méditation Vipassanā. Préface de William Hart, traduction de Jean-Claude Sée et de Kim Vu Dinh, Paris, Éditions Points, 2009, 186 pages (Points sagesses, 250), ISBN 978-2-7578-1181-8.

• Rachel HACHLILI, Ancient Mosaic Pavements : Themes, Issues, and Trends. Selected Studies, Leiden – Boston, Brill, 2009, XXVIII + 317 pages, ISBN 978- 90-04-16754-4.

• Johannes HAHN, Stephen EMMEL, Ulrich GOTTER (éd.), From Temple to Church. Destruction and Renewal of Local Cultic Topography in Late Antiquity, Leiden – Boston, Brill, 2008, XI + 378 pages (Religions in the Graeco- Roman World, 163), ISBN 978-90-04-13141-5.

• Hans-Peter HASENFRATZ, Der Tod in der Welt der Religionen, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2009, 144 pages, ISBN 978-3-534-22151-6.

• John HINNELLS (éd.), The Routledge Companion to the Study of Religion, Second Edition, London – New York, Routledge, 2010, XIII + 610 pages, ISBN 978- 0-415-47328-6.

• Sarah Iles JOHNSTON, Ancient Greek Divination, Malden (Mass.) – Oxford – Chichester, Wiley-Blackwell, 2008, XII + 193 pages (Blackwell Ancient Religions), ISBN 978-1-4051-1573-5.

• Jean-Georges KAHN, Le Midrash à la lumière des sciences humaines, Paris, Éditions Connaissances et Savoirs, 2006, 142 pages, ISBN 2-7539-0095-7.

• Edward KESSLER, An Introduction to Jewish-Christian Relations, Cambridge – New York, Cambridge University Press, 2010.

• John LAGERWEY (dir.), Religion et société en Chine ancienne et médiévale, Paris, Cerf – Institut Ricci, 2009.

• Jean LARTIGOLLE, Préhistoire de la foi chrétienne. De l’animisme à l’Incarnation, Paris, Cerf, 2004, 192 pages (Initiations bibliques), ISBN 2-204-07541-8.

• Yann LE BOHEC (éd.), Les religions triomphantes. De Mahomet à Thomas d’Aquin, Nantes, Éditions du temps, 2007, 159 pages, ISBN 978-2-84274- 414-4.

• Thierry LEGRAND (éd.) [en collaboration avec B. Chavannes, G. Janus],  En dialogue avec le judaïsme. Ce que chacun doit savoir du judaïsme, Lyon, Éditions Olivétan, 2012.

• Yeshayahou LEIBOwITZ, Les fondements du judaïsme. Causeries sur les Pirqé Avot (Aphorismes des Pères) et sur Maïmonide, Paris, Cerf, 2007, 182 pages (Patrimoines judaïsme) ISBN 978-2-204-08299-0.

• Yeshayahou LEIBOWITZ, Les fêtes juives. Réflexions sur les solennités du judaïsme. Commentaires sur le Cantique des cantiques, les Lamentations, l’Ecclésiaste et le livre de Job. Traduction et notes de P. Haddad et de G. Haddad, Paris, Cerf, 2008, 193 pages (Patrimoines – judaïsme), ISBN 978-2-204-07903-7.

• Patrick LEVY et alii, Le dialogue interreligieux, Paris, Éditions Dervy, 2003, 166 pages, ISBN 2-84454-213-1.

• Fadiey LOVSKY, Corps – âme – esprit, par un protestant, Grenoble, Édition le Mercure Dauphinois, 2002, 78 pages, ISBN 2-913826-21-0.

• Alan B. Lloyd (éd.), A Companion to Ancient Egypt, Malden – Oxford – Chichester, Wiley-Blackwell, 2010, 2 vol., XLIII + XXIII + 1276 pages (Blackwell Companions to the Ancient World)

• Paul MAGNIN (dir.), L’intelligence de la rencontre du bouddhisme. Actes du colloque du 11 octobre 2000 à la fondation Singer Polignac : « La rencontre du bouddhisme et de l’Occident depuis Henri de Lubac », Études lubaciennes II, Paris, Les Éditions du Cerf, 2001, 208 pages, ISBN 2-204-06726-1.

• Angelika MALINAR, Hinduismus, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2009, 304 pages (UTB, Theologie – Religion, 3197), ISBN 978-3-8252-3197-2.

• Angelika MALINAR, Hinduismus – Reader, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2009, 162 pages (UTB, Theologie – Religion, 3198), ISBN 978-3-8252- 3198-9.

• Angelika MALINAR, The Bhagavadgītā : Doctrines and Contexts, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, XII + 296 pages, ISBN 978-0-521- 88364-1.

• Denis MATRINGE, Les sikhs. Histoire et tradition des « Lions du Panjab », Paris, Albin Michel, 2008, 377 pages (Planète Inde), ISBN 978-2-226- 18282-1.

• Takamitsu MURAOKA, A Grammar of Qumran Aramaic, Leuven – Paris – Walpole (MA), Peeters, 2011, XLV + 285 pages (Ancient Near Eastern Studies. Supplement, 38).

• Jeremy NARBY, Francis HUXLEY (éd.), Anthologie du chamanisme. Cinq cents ans sur la piste du savoir, Paris, Albin Michel, 2009, 347 pages (Espaces libres, 206), ISBN 978-2-226-19109-0.

• Jacob NEUSNER, Judaism. The Basics, New York – London, Routledge, 2006, 198 pages, ISBN 978-0-415-40175-3.

• Jacob NEUSNER, Alan J. Avery-Peck, The Routledge Dictionary of Judaism, New York – London, Routledge, 2004, 181 pages, ISBN 978-04-15-30264-7.

• Jean-Pierre OSIER, Le "Vessantara-jātaka" ou l’avant-dernière incarnation du Bouddha Gotama. Une épopée bouddhique, Paris, Cerf, 2010, 230 pages (Patrimoines. Bouddhisme).

• Dorothy M. PETERS, Noah Traditions in the Dead Sea Scrolls. Conversations and Controversies of Antiquity, Leiden – Boston, Brill, 2009, XXIII + 248 pages (SBL – Early Judaism and Its Literature, 26), ISBN 978-90-04-16915-9.

• Éric PIRART, L’Aphrodite iranienne. Études de la déesse Ārti. Traduction annotée et édition critique des textes avestiques la concernant, Paris, L’Harmattan, 2006, 278 pages (Collection KUBABA, série Antiquité 10), ISBN 2- 296-01488-7.

• Laurence PODSELVER, Fragmentation et recomposition du judaïsme : le cas français. Suivi d’une discussion avec Jörg Stolz, Genève, Labor et Fides, 2004, 89 pages (Religions en perspective 18), ISBN 2-8309-1145-8.

• Jacques POTIN, Valentine Zuber (dir.), Dictionnaire des monothéismes, Paris, Bayard, 2003, 559 pages, ISBN 2-227-47158-1.

• Charles S. PREBISH, Damien Keown (éd.), Introducing Buddhism. Second Edition, London – New York, Routledge, 2010, 322 pages (World Religions), ISBN 978-0-415-55001-7.

• Andrew RIPPIN (éd.), The Blackwell Companion to the Qurān, Oxford, Wiley-Blackwell, 2008, XIII + 560 pages (Blackwell Companions to Religion), ISBN 9781405188203.

• Anders RUNESSON, Donald D. BINDER, Birger OLSSON, The Ancient Synagogue from its Origins to 200 C.E. A Source Book, Leiden – Boston, Brill, 2008, XI + 328 pages (Ancient Judaism and Early Christianity, 72), ISBN 978- 90-04-16116-0.

• Suzanne SAÏD, Approches de la mythologie grecque. Lectures anciennes et modernes, Paris, Les Belles Lettres, 2008, 168 pages, ISBN 978-2-251- 44351-5.

• Walid A. SALEH, In Defense of the Bible. A Critical Edition and an Introduction to al-Biqāī’s Bible Treatise, Leiden – Boston, Brill, 2008, VIII + 223 pages (Islamic History and Civilization, 73), ISBN 978-90-04-16857-2.

• William SHEPARD, Introducing Islam, London – New York, Routledge, 2010, XVIII + 333 pages (World Religions Series), ISBN 978-0-415-45518-3.

• Eliezer SCHWEID, The Classic Jewish Philosophers. From Saadia through the Renaissance. Transl. by L. Levin, Leiden – Boston, Brill, 2008, 490 pages (Supplements to The Journal of Jewish Thought and Philosophy, 3), ISBN 978-90-04-16213-6.

• Adin STEINSALTZ, La rose aux treize pétales, Paris, Albin Michel, 2002, 196 pages (Spiritualités vivantes 191), ISBN 2-226-13326-7.

• Charles TAYLOR, Varieties of Religion Today : William James Revisited, Cambridge – Londres, Harvard University Press, 2003, 127 pages, ISBN 0-674-01253-4.

• Kocku VON STUCKRAD, The Brill Dictionary of Religion. Transl. R. R. Barr, 4 vol., Leiden – Boston – Köln, Brill, 2007, 2179 pages, ISBN 978-90-04- 15100-0.

 

 Contemporary Buddhism. An Interdisciplinary Journal. Volume 1, Number 1, May 2000, Richmond, Curzon Press, 109 pages, ISSN 1463-9947.

 Culture and Religion. An International, Interdisciplinary Journal. Volume 1, Number 1, May 2000, Richmond, Curzon Press, 150 pages, ISSN 0143-8301.

 

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TEXTE INTÉGRAL DES RECENSIONS


Culture and Religion. An International, Interdisciplinary Journal. Volume 1, Number 1, May 2000, Richmond, Curzon Press, 150 pages, ISSN 0143-8301

Review : Thierry LEGRAND

 

Dans la lignée du Scottish Journal of Religious Studies, cette nouvelle revue internationale veut offrir au lecteur toute une série d’articles et de contributions qui font le lien – l’éditeur parle d’« interface » – entre les études consacrées à la religion et celles plus spécifiquement liées à la culture. De ce fait, la revue s’intéresse de manière assez large à l’anthropologie et ses domaines connexes (ethnologie, psychologie…) ainsi qu’à l’histoire des religions. Après quelques pages consacrées à la présentation des membres du comité de rédaction, trois articles donnent le ton de cette nouvelle publication. Ils tentent un éclairage nouveau des thèmes de la souffrance (source, expérience, contrôle), du toucher (réflexions à partir des travaux d’E. Lévinas et W. Benjamin) et quelques réflexions sur la « distance » dans le domaine de l’anthropologie religieuse : Talal Asad, « Agency and Pain : an Exploration », p. 29-60 ; David Childester, « Haptics of the Heart : the Sense of Touch in American Religion and Culture », p. 61-84 ; Pablo G. Wright, « Postmodern Ontology, Anthropology, and Religion », p. 85-94. Chaque article est pourvu d’une abondante bibliographie.

La deuxième section (« Review Symposium ») de la revue rassemble cinq contributions à propos de l’ouvrage de Russel T. McCutcheon, Manufactu-ring Religion : The Discourse on Sui Generis Religion and the Politics of Nostalgia. New York, Oxford University Press, 1997. La revue s’achève par un droit de réponse offert à Russel T. McCutcheon et quelques recensions.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2002, Tome 82 n° 4, p. 455 à 517

 

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Fadiey Lovsky, Corps – âme – esprit, par un protestant, Grenoble, Édition le Mercure Dauphinois, 2002, 78 pages, ISBN 2-913826-21-0, 10€

Review : Thierry LEGRAND

 

L’auteur nous entraîne dans une série de méditations sur le thème du corps, de l’âme et de l’esprit. L’ouvrage a la forme d’un recueil de douze lettres adressées par l’auteur à un ami qui l’interroge sur ses convictions. Le style des lettres est vaguement biblique, le contenu théologique est assez faible : quelques réflexions sur la notion d’esprit, les esprits, l’Esprit Saint lié au thème de la Pentecôte et à quelques personnages bibliques, etc. Le tout est émaillé de quelques références aux domaines artistiques : théâtre (J. Racine), peinture (le Maître de Westphalie), littérature (Bernanos).

L’ouvrage est dépourvu d’introduction et de conclusion, la bibliographie est très limitée.

 

Th. Legrand

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Paul Magnin (dir.), L’intelligence de la rencontre du bouddhisme. Actes du colloque du 11 octobre 2000 à la fondation Singer Polignac : «La rencontre du bouddhisme et de l’Occident depuis Henri de Lubac », Études lubaciennes II, Paris, Les Éditions du Cerf, 2001, 208 pages, ISBN 2-204-06726-1, 120FRF

Review : Thierry LEGRAND

 

Ce volume contient les actes d’un colloque consacré à la pensée du Cardinal Henry de Lubac, grand théologien catholique, jésuite, soucieux de la question interreligieuse et notamment du débat christianisme – bouddhisme. Trois faits récents sont à l’origine de ce colloque : 1. Le renouveau d’intérêt pour le bouddhisme en Occident et tout particulièrement en France (5 millions de « sympathisants » bouddhistes) ; 2. l’importance et l’urgence d’un dialogue interreligieux ; 3. la réédition revue et augmentée de La Rencontre du Bouddhisme et de l’Occident (Paris, Cerf, 2000) par H. de Lubac.

L’ouvrage, encadré par un discours inaugural et une allocution finale, rassemble une dizaine de contributions de spécialistes du bouddhisme et de théologiens.

- La première contribution est signée de Jacques Scheuer (p. 19-40), elle traite de l’évolution du bouddhisme ou des bouddhismes dans la seconde moitié du XXe s. : intérêt pour les religions ou philosophies « asiatiques » ; développement des études bouddhologiques américaines et asiatiques ; diversité des disciplines associées à la recherche bouddhologique… Ce champ de recherche immense laisse entrevoir la diversité des formes du bouddhisme asiatique. Celui-ci est depuis toujours multiple, divers, lié au cadre géographique (Sri Lanka, Chine, Corée, Japon…), à la langue, à l’histoire, aux couches sociales, etc. L’Occident est aujourd’hui le témoin d’une double rencontre avec le bouddhisme : d’une part, l’immigration de populations asiatiques a placé l’Occident face à différentes formes de pratiques bouddhistes ; d’autre part, le nombre d’occidentaux intéressés par les différentes facettes du bouddhisme (b. Theravâda, Zen, Tibétain, Sôka Gakkai…) n’a cessé d’augmenter. Cette rencontre du bouddhisme et de l’Occident a pour conséquence le développement de l’édition de textes (enseignements, commentaires, sermons, rituels…) mais aussi le déploiement de multiples réseaux d’échanges dans les domaines culturels, artistiques, éthiques et philosophiques. La contribution s’achève par quelques réflexions sur le dialogue bouddhisme – christianisme et le chemin parcouru depuis Vatican II.

- La contribution de Jean-Noël Robert (p. 41-58) concerne la place des recherches sur le bouddhisme dans l’œuvre de H. de Lubac. La réédition de La Rencontre du Bouddhisme et de l’Occident amène l’auteur à évaluer les positions de plusieurs spécialistes en orientalisme et bouddhologie (M. Said, P. C. Almond, D. S. Lopez).

- Paul Magnin (p. 59-87), grand spécialiste du bouddhisme chinois, s’interroge d’abord sur la nature du bouddhisme (religion, philosophie, voie spirituelle, art de vivre… ?) puis sur l’existence de critères d’unité et d’orthodoxie en son sein.

- L’article de Dennis Gira (p. 90-103) s’intéresse à l’actualité de l’« amidisme », forme de bouddhisme « populaire » encore méconnue en France mais très présente au Japon. L’auteur affirme que cette tradition ancienne, liée au bouddha de la Terre pure, Amitâbha (jap. Amida) est porteuse d’un message pour les chrétiens intéressés par le bouddhisme ; elle permet notamment de souligner la dimension chrétienne de la gratuité de l’amour de Dieu (p. 91 et 102).

- Michel Fédou (p. 111-126) aborde la contribution de H. de Lubac au dialogue interreligieux sous l’angle du rapport entre le christianisme et les autres religions. Dans une première partie, l’auteur évoque les positions de quelques grandes figures protestantes et tente de situer celle de H. de Lubac : « l’Église a mission de recueillir (en le purifiant) la totalité de l’effort humain… l’effort religieux lui-même » (p. 113). Cette affirmation ainsi que d’autres (« tout âme est naturellement chrétienne » p. 116) manifeste l’effort constant de H. de Lubac pour reconnaître la richesse et la diversité de l’expérience religieuse humaine tout en affirmant la place centrale du mystère du Christ. Dans le domaine du dialogue interreligieux, la réflexion de H. de Lubac n’est pas exclusiviste, elle est au-delà de l’inclusivisme sans pour autant s’identifier à une forme de pluralisme. La deuxième partie de l’article présente les options suivies par H. de Lubac pour envisager le débat interreligieux : l’exigence d’une connaissance sérieuse des autres religions ; l’appréciation critique des influences qui se sont exercées entre les religions ; l’évaluation des rapprochements éventuels qui ne doit pas occulter l’existence de divergences fondamentales. L’article s’achève par quelques réflexions sur les liens entre mystique et mystère dans la théologie de H. de Lubac.

- Faisant suite à la contribution du cardinal Paul Poupard sur le magistère de l’Église dans le dialogue entre bouddhisme et christianisme (p. 127-141), l’article de Bernard Senéchal (p. 143-162) nous entraîne sur le terrain missionnaire du dialogue interreligieux dans les monts du Dragon-Coq (Sud-Ouest coréen). Un détour méthodologique lui permet en premier lieu de relever la diversité des bouddhismes tout en affirmant la nécessité d’étudier sérieusement ce qui fait l’unité du bouddhisme. L’auteur fait alors état de son expérience concrète : favoriser l’intégration de l’héritage bouddhique à la foi chrétienne par le biais de nouvelles formes de méditation. Il expose les difficultés d’un dialogue interreligieux qui commence par une phase de dialogue « intra-religieux » : écoute attentive intérieure du retentissement d’une autre tradition religieuse.

- La synthèse finale de P. Magnin, bilan et perspectives (p. 173-180), rappelle les idées fortes de ce colloque. En fin d’ouvrage, la bibliographie générale (p. 185-195) peut servir de « première » bibliographie sur le bouddhisme. Quelques pages sur le projet de publication des Œuvres complètes de H. de Lubac (50 volumes au Cerf) viennent conclure cette publication.

 

Th. Legrand

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Contemporary Buddhism. An Interdisciplinary Journal. Volume 1, Number 1, May 2000, Richmond, Curzon Press, 109 pages, ISSN 1463-9947

Review : Thierry LEGRAND

 

Le bouddhisme en Europe ou aux États-Unis a longtemps été perçu comme un phénomène de mode ou un « snobisme religieux ». Aujourd’hui, force est de constater sa progression numérique et sa meilleure acceptation dans le monde occidental. Contemporary Buddhism propose un lieu de débat et d’échanges sur le bouddhisme de notre temps, ses différents courants, ses aspects pratiques et philosophiques.

Cette nouvelle revue venue d’Angleterre, s’est donnée deux objectifs : 1) elle vise à l’interdisciplinarité ; elle rassemble des contributions d’historiens des religions, mais aussi de psychologues, de théologiens, d’anthropologues et tout autre spécialiste en sciences humaines ; 2) la revue s’intéresse prioritairement aux contributions touchant à l’actualité du bouddhisme : ses développements en Occident, ses relations actuelles avec les autres religions, les différentes écoles qui le compose.

L’article d’Andrew Skilton, « The Letter of the Law and the Lore of Letters » (p. 9-34) manifeste bien l’esprit et l’orientation de Contemporary Buddhism : l’auteur s’intéresse à la question de l’accessibilité des textes du corpus bouddhique. Qu’ils soient écrits en pâli, en sanskrit ou dans d’autres langues, ces textes sont peu accessibles, et souvent incompréhensibles pour le commun des mortels. Les traductions sont soit trop littérales, soit au contraire résolument trop interprétatives ; elles n’offrent qu’une image déformée de la substance textuelle. D’autre part, les éditeurs s’orientent encore trop souvent vers la recherche d’un « original » ou d’un « texte complet » qui n’a, de fait, jamais existé ! Partant d’un travail de recherche sur la littérature Mahâyâna, l’auteur plaide pour un travail d’édition critique qui présenterait une seule recension des textes, sans éclipser pour autant les autres recensions éventuelles. La constitution d’ouvrages synoptiques devrait ainsi favoriser l’accès de tous à la richesse de la tradition bouddhique.

Des notes et une bibliographie détaillée accompagnent chacun des articles.

 

Th. Legrand

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Jacques Potin, Valentine Zuber (dir.), Dictionnaire des monothéismes, Paris, Bayard, 2003, 559 pages, ISBN 2-227-47158-1, 30€.

Review : Thierry LEGRAND

 

Le monothéisme et les monothéismes sont à la mode ces derniers temps, et il est réjouissant de voir surgir des ouvrages qui cherchent à présenter l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur l’une des trois grandes religions monothéistes. Le titre de cet ouvrage collectif n’en trahit pas le contenu ; il s’agit bien d’un dictionnaire ou plutôt, de la juxtaposition de trois lexiques rassemblant l’essentiel des termes et des concepts associés au judaïsme, au christianisme et à l’islam. Aucune introduction ne précède les trois sections du livre. Chacune des trois religions est présentée à partir de 200 mots clés (noms propres, concepts, termes désignant des institutions ou des pratiques), beaucoup sont des transcriptions de termes hébreux ou arabes (Aggada, Bet din, Djinns, Fâtiha, etc.) Il est à noter que la section concernant le christianisme est largement plus développée que la section sur l’islam.

L’ouvrage n’est pas doté d’un index des termes classés par religion, mais d’une liste alphabétique des termes présentés dans l’ouvrage. Il aurait été utile de compléter cette liste par un index thématique beaucoup large. Un système de codes (1,2,3, flèches) permet d’indiquer le développement d’une thématique dans une, deux ou trois des religions monothéistes. Le même système est adopté à la fin de chaque notice. L’ensemble des termes choisis offre une vision assez complète de chacun des trois monothéismes. Cependant, plusieurs manquements sont à signaler : le terme « confirmation » n’apparaît ni pour le christianisme, ni pour le judaïsme ; le « messianisme », si important dans l’histoire du judaïsme (cf. Sabbatai Tsevi) renvoie seulement au christianisme ; « justice » et « justification » sont absents de ce dictionnaire ; « deuil » et « mort » ne sont traités que pour le judaïsme ; il n’y a de « philosophie » et de « pèlerinage » qu’en islam ; le terme « amulette » est seulement développé pour le judaïsme ; la notion d’« intégrisme » n’est traitée que dans la section sur le christianisme. En bref, l’ouvrage est bien écrit, il est agréable et facile à consulter ; il sera utile à la fois pour les étudiants en théologie, et tous ceux qui désirent s’instruire rapidement sur un aspect particulier d’une des trois grandes religions monothéistes. Quelques questions cependant : n’y a t-il eu que trois monothéismes dans le monde et dans l’histoire ? Peut-on faire l’économie d’une réflexion sur le monothéisme dans un dictionnaire qui traite précisément de cette question ? Comment ces religions ont-elles coexisté, quels liens les unissent, quelles sont les perspectives de dialogue ? L’absence d’une introduction conséquente est regrettable.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2004, Tome 84 n° 4, p. 482

 

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Patrick Levy et alii, Le dialogue interreligieux, Paris, Éditions Dervy, 2003, 166 pages, ISBN 2-84454-213-1, 15 €.

Review : Thierry LEGRAND

 

 

Plusieurs spécialistes des religions de l’Inde et de l’Asie, du judaïsme, de l’islam et du christianisme se sont rassemblés à Suresnes en 2001, pour une rencontre inter-spirituelle. Cet ouvrage offre la retranscription de leurs échanges. Il ne faut y chercher aucune contribution magistrale sur le dialogue interreligieux, ses conditions et ses objectifs ; l’ouvrage fait la part belle au dialogue, à l’échange de paroles et à l’interpellation.

Suivant un parcours d’interrogations religieuses balisé par le modérateur P. Levy, les contributeurs (Pir Vilayat, K. Badawi, Pir Zia, Jean Biès, Lam Kunkyab, Jacques Laffite, Alain Porte, Yonatan Shani) interviennent tour à tour et s’interpellent mutuellement. Les sujets proposés à la réflexion des orateurs sont multiples : la définition de Dieu, la fonction du corps dans la religion, les voies qui mènent à Dieu, l’échec de la morale, l’expérience mystique, l’éveil de Dieu en nous, etc. La démarche est intéressante même si elle montre ses limites : le lecteur peut se sentir désemparé par un flot de réflexions qui ressemble parfois à une sorte de collage de belles pensées intellectuelles. La voix protestante y est absente, c’est bien dommage !

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2004, Tome 84 n° 4, p. 482-483

 

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Dan Cohn-Sherbok, Judaism, Londres, Calman and King, 1999, 128 pages (Religions of the World), ISBN 0-415-21164-6.

Review : Thierry LEGRAND

 

La collection Religions of the World propose de brèves introductions aux religions contemporaines : Judaïsme, Christianisme, Islam, Hindouisme, Bouddhisme et nouveaux mouvements religieux. Le présent volume traite de la religion juive en cinq chapitres denses et équilibrés : 1. L’auteur (rabbin de formation) introduit son ouvrage par une description et une réflexion sur le sabbat. Comment vivre cette institution juive dans le monde moderne ? Il poursuit par une brève présentation des institutions juives et des différents mouvements qui composent le judaïsme actuel. Il achève cette première partie par une réflexion sur l’appartenance au judaïsme ; quelques chiffres complètent son exposé.

La France rassemble la quatrième communauté juive après les États-Unis, Israël et l’Union Soviétique. 2. Quelques pages denses suffisent à présenter « l’histoire du peuple juif » (p. 34-55), depuis les origines (Patriarches) jusqu’à la fin du Moyen Âge. La période du Second Temple est assez développée. On constate cependant la quasi absence d’informations sur le mouvement essénien (deux lignes et une datation au premier siècle de notre ère). 3. Le « judaïsme aux temps modernes » (p. 56-74) s’ouvre par une présentation de deux courants marquants (du XVIe s. au XVIIIe s.) : le messianisme (avec Shabbetai Zevi) et le hassidisme. L’a. s’intéresse ensuite aux mutations vécues par le judaïsme à la fin du XVIIIe s. et au début du XIXe s. : Moïse Mendelssohn et ses successeurs firent entrer le judaïsme dans une ère nouvelle. La fin du chapitre développe une réflexion sur l’anti-sémitisme et le sionisme. 4. Incontournable dans une introduction au judaïsme, la section « Croyances et pratiques religieuses » (p. 75-94) énonce l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur les fondements du judaïsme : l’affirmation du monothéisme (cf. la récitation du Shema), l’importance de l’acte créateur, la notion de peuple choisi et la référence à la Torah et ses commandements comme socle de la foi juive. La succession des jours est marquée par une multiplicité de rites, de pratiques (kachrouth) et de prières (Amidah, Kaddish, Alenu, etc.) La célébration des fêtes liturgiques (Pesah, Chavouoth, Soukkot, etc.) et des grands moments de l’existence (naissance, bar/bat mitswah, mariage, funérailles) rythme la vie juive et permet des temps d’édification personnelle et communautaire. 5. Le chapitre sur le « judaïsme au XXIe siècle » (p. 95-110) rassemble quelques enjeux importants : la pluralité des conceptions messianiques ; la survie de l’État d’Israël ; la place des femmes dans le judaïsme.

Bien que succinct, l’ouvrage est agrémenté de plusieurs éléments utiles : des illustrations, deux encarts sur l’art juif et la synagogue, une chronologie, une carte présentant la répartition des communautés juives de par le monde, un glossaire de plus de 130 termes et un index assez complet. Ce livre peut être conseillé aux débutants.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2004, Tome 84 n° 4, p. 484

 

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Adin Steinsaltz, La rose aux treize pétales, Paris, Albin Michel, 2002, 196 pages (Spiritualités vivantes 191), ISBN 2-226-13326-7.

Review : Thierry LEGRAND

 

Adin Steinsaltz a publié de nombreux livres sur le judaïsme et sa spiritualité ; son introduction au Talmud et l’édition française de nombreux traités talmudiques constituent des outils importants. Le présent ouvrage rassemble une série d’essais sur le judaïsme et la spiritualité juive ; il a été traduit de l’anglais par Josy Eisenberg et Michel Allouche. Le titre et le contenu de cet ouvrage font référence à la Cabbale : la « rose aux treize pétales » (début du Zohar) évoque la diversité, la richesse et la complexité des relations entre Dieu et son peuple.

Le premier chapitre nous entraîne sans détour dans l’univers cabalistique complexe des quatre dimensions ou quatre mondes : le monde de l’action (le nôtre, physique et spirituel), celui de la formation (où les malakhim [anges] jouent une rôle de premier ordre), celui de la création (monde du trône et des seraphim) et le monde supérieur de l’émanation, véritable source divine. Les manifestations ou révélations de dieu au travers des dix Sefirot sont alors explicitées (p. 43-59). L’a. montre comment le comportement humain, par le biais d’une mitswah ou d’une transgression, a des conséquences directes sur le système séfirotique. Qu’en est-il de l’âme humaine (p. 60-80) ? Constituant l’étincelle divine en chaque être, l’âme, dont on peut distinguer cinq niveaux, révèle les structures des dix sefirot.

Le chapitre suivant (p. 81-98) s’intéresse aux lieux où s’exprime la sainteté divine : le Temple de Jérusalem est au coeur d’une série de cercles de sainteté, mais celle-ci se révèle aussi au travers du temps qui passe (chabbat et fêtes religieuses). C’est entre autres par l’intermédiaire de l’étude de la Torah et de l’accomplissement de mitswot que l’être humain sera marqué par la sainteté divine. Certains hommes particulièrement saints seront à leur tour des véhicules de la sainteté. D’un chapitre assez classique sur la nature et les modes d’expression de la Torah (p. 99-110), l’a nous entraîne sur les voies subtiles de l’éthique et de l’esthétique dans le judaïsme (p. 111-134).

L’ouvrage s’achève par une vaste réflexion sur la foi juive. L’auteur relève en premier lieu l’importance de la Techouvah (retour vers Dieu et sur soi-même en quête d’une réponse divine), puis il évoque à nouveau la notion de sainteté et sa dimension quotidienne, vécue au travers du respect des mitswot (commandements).

Voici un petit livre intéressant et stimulant sur le judaïsme. Il s’agit plus, cependant, d’une initiation au judaïsme au travers de quelques grands concepts que d’une introduction à la Cabbale.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2004, Tome 84 n° 4, p. 485

 

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Christoph Auffarth, Hans G. Kippenberg et Axel Michaels, Wörterbuch der Religionen, Stuttgart, Alfred Kröner Verlag, 2006, XVIII + 589 pages, ISBN 3-520-14001-2, 51,20€.

Review : Thierry LEGRAND

 

Saluons la parution d’un dictionnaire impressionnant qui fera date parmi les ouvrages de référence en matière de Religionswissenschaft. Il s’agit d’une refonte complète du vénérable Wörterbuch der Religionen d’Alfred Bertholet, publié il y a plus d’un demi-siècle. Menée par trois spécialistes allemands du domaine religieux, l’entreprise a nécessité la participation de 70 contributeurs.

Cet ouvrage, d’une qualité interne et externe remarquable, transmet quelques 2600 notices sur des sujets aussi variés que l’antisémitisme, le colonialisme, John Locke, le Yoga, ou l’Umma islamique. La plupart des articles sont assez brefs (entre 5 et 15 lignes) mais certains s’apparentent à de véritables petites monographies, par exemple : « Afrikanische Religionen », « Altägyptische Religion », « Aufklärung », « Christentum », « Esoterik », « Heil », « Hinduismus », « Islam », « Judentum », « Mensch », « Seele », « Tradition » et plusieurs notices attendues autour du terme « Religion ».

Chaque article s’ouvre par quelques renseignements sur l’étymologie, le sens ou l’usage de tel ou tel terme. Lorsqu’il s’agit de présenter une figure importante de l’histoire des religions ou de la philosophie, les dates et les principales étapes de sa carrière sont indiquées. La grande originalité de cette œuvre collective réside dans les références bibliographiques récentes fournies pour la plupart des termes présentés. Ceci en fait un instrument très précieux pour celui qui veut s’informer rapidement sur un concept, un domaine ou une figure des sciences religieuses.

Bien sûr, le lecteur informé sera souvent frustré par la brièveté des présentations, mais il s’agit bien d’un dictionnaire et non d’une encyclopédie religieuse. Qu’il nous soit permis ici de signaler un outil similaire et complémentaire en langue anglaise : Keith R. Crim (éd.), Abingdon Dictionary of Living Religions, Nashville, Abingdon, 1981 (reprint 1990).

À noter, en fin de volume, un « Register der Schreibvarianten », très utile pour ceux qui ne connaissent pas toutes les transcriptions des termes techniques de l’univers des sciences religieuses.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2006, Tome 86 n° 4, p. 580-581

 

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Charles Taylor, Varieties of Religion Today : William James Revisited, Cambridge – Londres, Harvard University Press, 2003, 127 pages, ISBN 0-674-01253-4, 18,50€.

Review : Thierry LEGRAND

 

Voici un petit essai philosophique réalisé sur la base d’un ouvrage du psychologue et philosophe américain William James : The Varieties of Religious Experience, 1906, rééd. 1985 (trad. Les formes multiples de l’expérience religieuse, 2001). Par ses réflexions novatrices et pertinentes dans les domaines de la philosophie religieuse et de la sociologie des religions, ce livre a connu un large succès aux États-Unis.

Charles Taylor, penseur et philosophe canadien, entre ici en conversation avec W. James et reprend quelques-unes de ses idées percutantes. L’a. y relève la modernité des idées de W. James et la remarquable actualité de ses analyses. La notion d’expérience religieuse individuelle, énoncée en son temps par W. James, trouve un écho particulier dans la société nord-américaine. Elle permet de s’interroger à nouveau sur la place des individus et des institutions religieuses dans les sociétés modernes.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2006, Tome 86 n° 4, p. 581

 

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Philippe Gaudin (dir.), La violence, Paris, Les éditions de l’Atelier / Éditions Ouvrières, 2002, 175 pages (Ce qu’en disent les religions), ISBN 2-7082-3643-1, 15,50€.

Review : Thierry LEGRAND

 

Cinquième volume de la collection « Ce qu’en disent les religions », l’ouvrage propose une étude du thème de la violence au travers de cinq grandes traditions religieuses : les trois monothéismes (judaïsme, christianisme, islam), le bouddhisme et l’hindouisme.

Après une introduction à la thématique sous l’angle philosophique, le lecteur est amené à suivre la présentation du thème de la violence dans les différentes religions mentionnées plus haut. Chaque dossier est présenté par un spécialiste d’une religion (une ethnologue, un pasteur, un rabbin, une traductrice, un philosophe). Les uns et les autres s’efforcent de mettre en évidence les réponses religieuses au problème de la violence.

Qu’il suffise ici de présenter brièvement la contribution intitulée « Le judaïsme devant la violence de la Bible » (p. 29-49) pour se convaincre de la richesse de cet ouvrage. L’article de D. Fahri s’ouvre par une constatation simple et déconcertante : la violence est partout ! La Torah est porteuse d’une violence incroyable qui s’exprime à des degrés divers et de manières différentes dans toutes les sections de la Bible hébraïque. Qu’il s’agisse des récits fondateurs, des écrits prophétiques ou sapientiaux, les textes bibliques évoquent constamment la violence humaine ou divine, l’injustice, le jugement et la vengeance. L’auteur insiste alors sur la violence qui s’exprime dans la législation biblique et les nombreux passages qui menacent de peine de mort ceux qui enfreignent les prescriptions de la Torah (p. 35-38). L’ambivalence est présente dans les écrits de la Bible qui présentent tour à tour un Dieu d’amour et de compassion et un Dieu de rigueur et de violence. La « violence des rapports entre Israël et les nations de l’époque biblique » fait l’objet du chapitre suivant. La violence s’exprime aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la communauté religieuse (cf. les guerres d’Israël). Il s’agit d’une violence à l’encontre des êtres, mais aussi de leurs productions ; une violence contre la culture et contre les cultes : les villes sont rasées et leurs richesses pillées, les lieux sacrés et les idoles sont détruits. Notons que cette violence s’exerce à la fois contre des nations étrangères, mais aussi fréquemment contre des nations sœurs : Ismaélites, Moabites, Édomites et Ammonites font partie de la grande famille d’Abraham si l’on en croit les généalogies bibliques ! Comment le judaïsme a-t-il fait face à cette omniprésence de la violence dans le texte biblique ?

L’auteur aborde un dernier chapitre où il met en évidence le rôle du Talmud dans le processus « d’atténuation » de la violence contenue dans la Bible hébraïque. Il montre comment les maîtres de la tradition orale ont travaillé à rendre inapplicables les nombreux cas de condamnation à mort énoncés dans les textes bibliques. Ils mettront au point toute une argumentation conduisant à l’annulation pure et simple d’un certain nombre de règles. Ainsi, l’exégèse juive qui se développe dans les premiers siècles de notre ère va déployer tout une batterie de techniques, de lectures et d’interprétations visant à contourner les passages difficiles, sans trahir pour autant le texte biblique. Qu’en est-il aujourd’hui ? Même s’il est difficile de parler globalement de l’attitude du judaïsme face à la violence, on peut dire qu’il va dans le sens d’une condamnation de la violence. Il est aussi dans l’attente messianique d’un monde meilleur, fait de paix, de justice et de fraternité. Le judaïsme est aussi et avant tout une religion de perfectionnement de l’individu : toute la vie du fidèle juif est normalement tendue par l’idée de progrès intérieur de l’individu, et ce progrès va dans le sens d’une maîtrise de la violence. On le perçoit aisément, l’exposé de D. Fahri se révèle fort intéressant, même si l’auteur traite souvent du judaïsme comme d’une religion monolithique, sans courant et sans rupture !

L’ouvrage s’achève par une sorte de forum ou de mise en dialogue des différents contributeurs à partir d’une série de questions simples et concrètes : D’où vient la violence ? Quel est le remède à la violence ? Y a-t-il une violence légitime ? Quel est le contraire de la violence ? À la lecture de ce dossier assez riche, l’historien, le théologien et l’exégète restent cependant en état d’insatisfaction : le sujet est parfois abordé d’une manière désordonnée et l’ensemble manque un peu de rigueur scientifique. Peu importe, le sujet est traité sans tabou et l’ouvrage a le mérite d’engager le débat sur une question souvent éludée par les grandes traditions religieuses de notre temps.

Concluons sur une parole protestante, celle de F. Clavairoly, en charge du dossier « Le christianisme affronté à la violence », un chapitre stimulant, presqu’une prédication : « […] le contraire de la violence, c’est l’histoire du pardon, quelque chose qui avance, qui nous emmène après et ailleurs » (p. 172).

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2006, Tome 86 n° 4, p. 582-583

 

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Jean Lartigolle, Préhistoire de la foi chrétienne. De l’animisme à l’Incarnation, Paris, Cerf, 2004, 192 pages (Initiations bibliques), ISBN 2-204-07541-8, 24€.

Review : Thierry LEGRAND

 

Ce livre est un parcours de foi, celui d’un prêtre qui cherche à présenter de manière simple et éclairée l’histoire de la foi monothéiste depuis ses origines jusqu’au développement du christianisme. Il tente de répondre à la question suivante : quel chemin existe-t-il entre la transcendance la plus radicale, celle du Dieu des origines, et l’immanence la plus déconcertante, celle d’un Dieu qui se fait homme en Jésus de Nazareth (cf. p. 163-164) ? L’auteur connaît les ouvrages de référence appartenant à l’histoire des religions, l’histoire d’Israël et celle du christianisme. Il en fait une synthèse intelligible mais qui manque parfois d’esprit critique.

Une première section dédiée au « contexte général » du surgissement du prophétisme est suivie d’une présentation rapide de la « religiosité hébraïque » à la période ancienne. La section suivante « raconte » les développements de la foi monothéiste autour de la période exilique et manifeste l’importance du message prophétique qui s’y déploie. Un chapitre intitulé « Écriture de la Bible : la mission d’Israël au cœur de l’Histoire » entraîne le lecteur dans une histoire de l’écriture – un peu romancée – des livres de la Bible hébraïque. La section sur le « Judaïsme » ne manque pas de surprendre par une certaine partialité de l’auteur et quelques formulations étonnantes sur le judaïsme postexilique (« l’étrange retard de la religion juive », p. 104 ; « la sombre prison dans laquelle le judaïsme s’était enfermé », p. 111, et d’autres expressions dévalorisantes concernant le judaïsme « tombé dans ce piège » ; le « grand sommeil d’Israël », etc.).

À partir de nombreuses citations commentées du Nouveau Testament, les derniers chapitres de cet ouvrage retracent l’histoire de la naissance du christianisme et le développement du message chrétien. Comme nous l’avons signalé, il s’agit bien d’un livre « parcours », une sorte d’essai sur la foi d’Israël, le prophétisme et le surgissement de la foi chrétienne. Deux cartes, une petite chronologie et une bibliographie de plus d’une centaine d’ouvrages de référence viennent compléter l’ouvrage.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2006, Tome 86 n° 4, p. 584-585

 

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Laurence Podselver, Fragmentation et recomposition du judaïsme : le cas français. Suivi d’une discussion avec Jörg Stolz, Genève, Labor et Fides, 2004, 89 pages (Religions en perspective 18), ISBN 2-8309-1145-8, 24CHF.

Review : Thierry LEGRAND

 

Au fil d’un bref ouvrage très stimulant, Podselver expose quelques uns des processus de fragmentation et de recomposition qui sont à l’oeuvre dans le judaïsme contemporain français.

L’introduction énonce à grands traits l’histoire des juifs de France depuis la Seconde Guerre jusqu’à nos jours. Évoquant les mouvements migratoires de juifs venus d’Afrique du Nord à partir des années cinquante, l’auteur rappelle le caractère hétérogène et « multi facette » du judaïsme contemporain. Si l’on note aujourd’hui une certaine revalorisation des pratiques religieuses, un développement des pratiques culturelles en lien avec le judaïsme et une attention pour les textes de la tradition (p. 10), nombreux sont les juifs de France qui vivent leur judéité sur un mode individuel, sans lien avec les institutions religieuses ou communautaires.

Le second chapitre traite du Consistoire israélite, organe officiel du judaïsme religieux. Celui-ci, créé en 1808, rassemble aujourd’hui 230 communautés (80 pour Paris et sa région). Il a pour tâche d’organiser le culte hébraïque dans toutes ses dimensions : instruction religieuse, célébration des mariages, abattage rituel, maintenance et gestion des lieux de culte, etc. À partir d’une enquête menée auprès de rabbins, l’auteur propose un examen de la composition sociale du Consistoire et quelques réflexions sur l’enseignement donné au Séminaire israélite de France. L’analyse fait ressortir les tensions qui subsistent au sein du Consistoire, tiraillements révélateurs de l’évolution de la société juive au cours de ces dernières décennies. La formation des rabbins a connu elle aussi plusieurs modifications : renforcement des études dans le domaine des écrits traditionnels (Talmud, midrashim, etc.), formation complémentaire dans des yeshivot traditionalistes.

Un chapitre intitulé « Sarcelle-ville juive : laboratoire des mouvements sociaux » précise le mouvement de fragmentation communautaire et « l’expression plurielle des judaïcités » perceptibles dans un environnement bigarré, marqué par les différentes vagues migratoires. Bien que rapide, l’analyse ethnographique de Podselver est passionnante ; elle révèle les tentatives actuelles de retours « à la culture d’avant la transplantation » et de « bricolage des références culturelles et cultuelles » (p. 39).

La quatrième étude de ce recueil examine le développement des communautés hassidiques en France depuis le dernier quart du vingtième siècle. Rappelant les étapes historiques et sociologiques qui ont conduit à l’émergence et au déploiement de ces mouvements néo-orthodoxes, l’auteur insiste sur la notion de retour ou conversion (teshouva) qui les caractérise.

À l’image d’une recherche honnête, l’ouvrage s’achève sur une relecture des chapitres précédents par Jörg Stolz, professeur en sociologie de la religion à l’Université de Lausanne. On y trouvera un bon résumé des études de l’a. (p. 61-65) ainsi qu’une série de critiques et de remarques méthodologiques tout à fait pertinentes (p. 65-76).

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2007, Tome 87 n° 1, p. 76-77

 

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Léon Askénazi, Leçons sur la Thora. Notes sur la paracha, Paris, Albin Michel, 2007, 453 pages (Spiritualités vivantes 227), ISBN 978-2-226217826-8, 9,50€.

Review : Thierry LEGRAND

 

Bien connu dans les communautés juives de France et d’Israël, le Rav Léon Askénazi (1922-1996) est une personnalité marquante de la renaissance du judaïsme de l’après-guerre. Penseur et théologien engagé, l’auteur s’est attaché à développer et revitaliser les structures de l’enseignement du judaïsme, en France et en Israël. Grand connaisseur des sources juives anciennes et kabbaliste réputé, il a aussi été un artisan du dialogue avec le christianisme et l’islam.

Un avant-propos présente la vie et l’oeuvre de l’A., en insistant sur son rôle d’enseignant et son engagement dans la revue Ki Mitsion. Une introduction, rédigée par Daniel Askénazi, présente les méthodes exégétiques mises en oeuvre par l’auteur : « Pour lui, la méthode d’exégèse traditionnelle est la confrontation entre ce qui transparaît dans la Bible – la trace, l’héritage que nous avons reçu, résultat de la mémoire et de l’identité de notre peuple – et les événements que nous vivons aujourd’hui et dans notre histoire » (p. 21).

Le corps de l’ouvrage est constitué d’un peu plus de soixante-dix brèves contributions consacrées aux cinquante-quatre sections hebdomadaires (parasha / parashiyyot) de la Torah (ici, au sens de « Pentateuque ») ; ces notices ont été publiées dans Ki Mitsion (pour l’essentiel, entre 1990 et 1996), quelques années avant la disparition de l’A.. Pour chaque parasha, l’auteur fait suivre le résumé de la péricope de quelques notes exégétiques et quelques réflexions sur le passage biblique. À la manière rabbinique, il confronte souvent son analyse à celles des grands penseurs juifs (Rashi, les penseurs du Moyen Âge et les maîtres contemporains de l’auteur) ou des écrits rabbiniques (Talmud, Midrash). L’exégèse est riche et parfois étonnante ; bien souvent, les commentaires et les enseignements de l’auteur sont marqués par les événements de l’actualité de la fin du XXe s.

L’ouvrage s’achève par un index utile rassemblant de brèves notices (« notes bibliographiques », p. 417-444) sur la littérature rabbinique (Midrach, Pirqé, Zohar, etc.) et les grands penseurs du judaïsme (Baal Chem Tov, Jacob Ben Acher, Nahmanide, Kook, etc.).

À ceux qui souhaitent découvrir une interprétation juive de la Torah, suivie, guidée et actualisée, la lecture de cet ouvrage est vivement recommandée.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2007, Tome 87 n° 4, p. 499

 

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Jean-Georges Kahn, Le Midrash à la lumière des sciences humaines, Paris, Éditions Connaissances et Savoirs, 2006, 142 pages, ISBN 2-7539-0095-7, 15€.

Review : Thierry LEGRAND

 

Après une introduction générale et un essai de définition du Midrash sous l’angle méthodologique et sociologique (p. 13-25), l’auteur étudie le Midrash sous trois aspects différents : historique, linguistique et philosophique.

Le premier chapitre, intitulé « L’histoire », s’intéresse d’abord à l’appropriation et à la réinterprétation de l’histoire générale (histoire chronologique) par le Midrash (p. 27-37). L’auteur relève la difficulté qu’il y a à exploiter les données historiques insérées dans le Midrash et présente de manière succincte quelques exemples de personnages et d’événements historiques évoqués dans cette littérature : Jésus, Alexandre, les empereurs Antonin et Julien. Dans la seconde partie du premier chapitre, l’auteur s’intéresse à ce qu’il désigne comme la « chronosphère du Midrash » (p. 37-54), c’est-à-dire la vision particulière de l’histoire révélée dans le Midrash : il s’agit d’une histoire complexe et vivante, comparable à un vaste tissage constitué de passage bibliques, d’anecdotes, de dialogues et d’expériences de rabbis. L’auteur illustre alors, par quelques exemples concrets (Abraham, Moïse, David et la figure du Messie) les procédés mis en oeuvre dans le Midrash, genre littéraire où l’on rencontre « des acteurs inclassables dans les annales historiques évoluant dans un décor introuvable sur les cartes des géographes » (p. 16).

La seconde partie s’intéresse au Midrash en tant que « méthode d’investigation du texte biblique » (p. 55-84). L’auteur passe ici en revue quelquesunes des grandes techniques utilisées dans le Midrash pour interpréter les données bibliques : jeux sur le sens et la place des mots, traitement des homonymes (hésèd signifie « grâce » mais aussi « inceste », « ignominie », p. 64), analyse des expressions bibliques difficiles, explications étiologiques. L’A. évoque alors la richesse des moyens d’expression du Midrash : dires des sages, anecdotes, comparaison (mashal), paraboles, exégèse symbolique et allégorique, interprétation systématique, récits aggadiques, etc.

La troisième section du livre survole quelques grandes questions philosophiques ou thèmes développés dans le Midrash : la création du monde, le corps et l’âme, le logos, la prédestination et le libre arbitre, l’astrologie et la magie, les hommes et les femmes (p. 85-106). L’auteur conclut son livre par une synthèse sur le Midrash et trois exemples de midrashim modernes.

De lecture agréable, l’ouvrage est une invitation à découvrir la richesse des développements midrashiques contenus dans le Corpus midrashicum et le Talmud, mais il ne constitue pas une étude systématique du Midrash. Pour une étude précise et scientifique de la forme et du contenu des midrashim, nous renvoyons le lecteur à deux ouvrages classiques : H. L. Strack – G. Stemberger, Introduction au Talmud et au Midrash, Paris, Cerf, 1986 ; M. Taradach, Le midrash. Introduction à la littérature midrashique, Genève, Labor et Fides, 1991.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2007, Tome 87 n° 4, p. 499-500

 

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Yeshayahou Leibowitz, Les fondements du judaïsme. Causeries sur les Pirqé Avot (Aphorismes des Pères) et sur Maïmonide, Paris, Cerf, 2007, 182 pages (Patrimoines judaïsme) ISBN 978-2-204-08299-0, 29€.

Review : Thierry LEGRAND

 

Les éditions du Cerf présentent ici la traduction d’une série de trente et une causeries radiophoniques données il y a plus de trente années par Yeshayahou Leibowitz (1903-1994), l’un des plus grands penseurs du judaïsme contemporain, un intellectuel connu pour ses ouvrages sur le judaïsme et Maïmonide, ainsi que pour ses prises de positions critiques à l’égard de la politique israélienne. Sur la base d’une étude de quelques passages des Pirqé Avot (« Aphorismes des Pères »), l’auteur déroule sa pensée et ses réflexions personnelles sur la Torah, au fil des semaines et en fonction de l’actualité et des réactions de son auditoire. Il entre ainsi tour à tour en dialogue avec les rabbis de la Mishnah et du Moyen Âge et les penseurs modernes. Les écrits et les idées de Maïmonide, philosophe juif de référence pour l’A., occupent une place particulière dans cette série de causeries (voir Y. Leibowitz, La foi de Maïmonide. Introduction, traduction de l’hébreu et annotation par David Banon, Paris, Cerf, 1992). Parmi la multitude de thèmes abordés dans l’ensemble de ces chapitres, cinq y sont plus particulièrement développés : la Torah et l’importance de son étude (affaire de spécialiste ou pas ?), la prière, le service de Dieu (la foi intéressée ou désintéressée ?), le pouvoir et la liberté humaine.

Il n’est pas besoin d’être un grand connaisseur du judaïsme et de ses écrits fondateurs pour lire cet ouvrage « abordable » dans tous les sens du terme. Un regret cependant : pour guider le lecteur et l’inviter à poursuivre ses réflexions, il aurait été utile, en annexe, de disposer d’une traduction du traité mishnique Pirqé Avot.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2007, Tome 87 n° 4, p. 500-501

 

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Éric Pirart, L’Aphrodite iranienne. Études de la déesse Ārti. Traduction annotée et édition critique des textes avestiques la concernant, Paris, L’Harmattan, 2006, 278 pages (Collection KUBABA, série Antiquité 10), ISBN 2- 296-01488-7, 24€.

Review : Thierry LEGRAND

 

Professeur de langue et de littérature indo-iranienne anciennes à l’Université de Liège, l’A. a publié plusieurs ouvrages et articles sur les textes rédigés en avestique (dialecte oriental de l’iranien ancien) ; il étudie dans ce livre une figure complexe de la mythologie iranienne : Ārti, la déesse « chance », parfois considérée comme l’Aphrodite iranienne.

L’introduction, fort développée (p. 23-104), nous présente la personnalité, les qualités et les attributs de la déesse Ārti, selon les sources iraniennes anciennes. Cette divinité aux contours multiples et variés est invoquée pour la naissance d’un garçon ; elle offre aussi aux fidèles la guérison, la protection, la quiétude, la félicité et la richesse. Son acuité visuelle est comparable à celle de Zoroastre (Zardusht) – qu’elle conduit dans son char ; elle lui permet de repérer l’adversaire et de le châtier (p. 53). Dans le domaine de l’eschatologie individuelle, Ārti préside au sort des défunts qui ont vécu leur vie terrestre selon le bon comportement.

La seconde section de ce livre offre une étude savante et très documentée des Yashts 17 (p. 105-252) et 18 (p. 253-261). Ces hymnes fournissent l’essentiel des informations sur Ārti, déesse honorée par le sacrifice. Les Yashts, qui constituent une des sections sacrificielles de l’Avesta, sont des chants à la louange de plusieurs divinités, des hymnes accompagnant les sacrifices mazdéens. Le recueil des 21-22 Yashts (à l’origine trente hymnes associés aux trente jours du mois) est très important du point de vue de l’histoire des religions, puisqu’on y trouve des informations sur plusieurs divinités indo-européennes – leurs attributs, prérogatives et caractéristiques. Dans cette deuxième partie, l’A. présente une traduction annotée de l’Ard Yasht (Yasht 17), suivie d’une édition critique du texte pehlevi (moyen-persan), et d’une translitération commentée du manuscrit F1.

L’ouvrage s’achève par l’édition commentée et la traduction de l’Ashtad Yasht (Yasht 18), un bref texte liturgique consacré en partie à la déesse Ārti et aux bienfaits qu’elle procure. Il s’agit là d’un ouvrage pour les spécialistes. En effet, les sources iraniennes étudiées par l’auteur sont riches et complexes, et les nombreuses indications philologiques données au fil des pages ne sont accessibles qu’à un public de connaisseurs. Néanmoins, cette traduction en français des textes avestiques s’avère particulièrement utile pour les spécialistes des religions iraniennes.

Qu’il nous soit permis ici de mentionner deux ouvrages indispensables pour l’étude du mazdéisme et des religions de l’Iran ancien : M. Boyce, A History of Zoroastrianism, 2 vol., Leiden, Brill, 1975-1989 ; M. Stausberg, Die Religion Zarathushtras, Geschichte – Gegenwart – Rituale, 3 vol., Stuttgart – Berlin – Köln, W. Kohlhammer, 2002-2004.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2007, Tome 87 n° 4, p. 505-506

 

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Katell Berthelot, Thierry Legrand, André Paul (dir.), La Bibliothèque de Qumrân, I : Torah. Genèse, Paris, Cerf, 2008, XXXIII + 589 pages, ISBN 978-2-204-08305-8, € 89.

Review : Thierry LEGRAND

 

Plus de soixante ans après la découverte des premiers manuscrits de la mer Morte, les textes sont enfin publiés, mais ils restent encore inaccessibles au plus grand nombre. Le projet de la Bibliothèque de Qumrân est précisément de mettre à disposition d’un large public ce trésor de la littérature antique, en réalisant une édition bilingue de tous les textes trouvés à Qumrân ainsi que de certains fragments de la Guénizah du Caire et de Massada. Une équipe franco-canadienne d’une quinzaine de traducteurs travaille sur la base des éditions officielles des textes hébreux, araméens, et grecs. Ces chercheurs accomplissent aussi un travail de vérification et de correction, à partir des photographies de manuscrits ou directement sur les manuscrits eux-mêmes.

Une des originalités de cette nouvelle publication réside dans le principe d’organisation retenu : les manuscrits sont rassemblés en fonction du lien thématique ou formel qu’entretiennent les écrits de Qumrân avec les livres qui constitueront plus tard la Bible hébraïque, de la Genèse aux livres des Chroniques. Cette organisation du corpus permet à la fois de mettre en évidence l’utilisation intensive des livres bibliques à Qumrân, mais aussi la grande liberté d’interprétation dont ils faisaient l’objet. Ce classement éclaire également d’un jour nouveau l’histoire de la transmission des écrits sacrés du judaïsme et du christianisme.

Ainsi, le premier des neuf volumes de cette édition est consacré aux manuscrits bibliques de la Genèse et aux documents anciens qui s’y rapportent. Ces écrits – le Livre d’Hénoch et ses différentes sections, l’Histoire des patriarches (ou Apocryphe de la Genèse), des fragments de testaments, le Document araméen de Lévi et d’autres écrits apocryphes – forment une série de « commentaires » qui développent, explicitent ou explorent plusieurs thèmes bibliques comme le déluge, la vie des patriarches, le sacerdoce des prêtres, et beaucoup d’autres sujets.

Ce premier volume de la série est pourvu d’une introduction générale explicitant le projet et précisant le contenu du livre et son organisation. Chaque écrit qumrânien fait également l’objet d’une courte introduction comprenant une description des manuscrits, présentant les enjeux du texte, dont elle cherche à fournir des clefs de compréhension. Une bibliographie sélective accompagne chaque introduction.

Le corps principal du volume offre l’édition de tous les fragments significatifs du texte original, accompagné de notes critiques. La traduction française, placée en regard, suit scrupuleusement le texte original, tout en restant lisible et compréhensible. Elle est complétée par d’abondantes notes explicatives ; celles-ci précisent les difficultés de traduction, le sens des textes, mais aussi leurs rapports aux autres écrits bibliques ou aux manuscrits de Qumrân.

Un index des sources anciennes, des textes bibliques, des manuscrits qumrâniens, des écrits anciens et de la littérature rabbinique vient compléter cette édition des textes. Enfin, trois listes classées des manuscrits édités offrent la possibilité de retrouver n’importe quel nom ou numéro de manuscrit dans cette publication.

On trouvera une présentation plus développée du projet d’édition à l’adresse

www.premiumorange.com/theologie.protestante/enseignants/legrand/bdqpresent.pdf.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2008, Tome 88 n° 4, p. 556-557

 

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Francis X. Clooney, Sagesse hindoue pour qui cherche Dieu. Traduit de l’américain par É. Boné et J. Scheuer, Bruxelles, Lessius, 2004, 196 pages (L’Autre et les autres 5), ISBN 2-87299-119-0, €21.

Review : Thierry LEGRAND

 

Auteur de différents ouvrages sur les traditions religieuses de l’hindouisme (par exemple Divine Mother, Blessed Mother : Hindu Goddesses and the Virgin Mary, Oxford University Press, 2005), l’A. enseigne la théologie des religions aux États-Unis. Ce livre est la reprise augmentée d’une série de conférences données à l’université jésuite « John Carroll University » de Cleveland (Ohio). Sans chercher à écrire un livre de spécialiste pour les spécialistes, l’A. a voulu faire partager son intérêt pour les traditions religieuses complexes et foisonnantes de l’hindouisme.

Après un chapitre introductif qui cherche à guider le lecteur sur les voies de la sagesse hindoue (p. 17-35), l’ouvrage se poursuit par un récit philosophique de la découverte du soi (p. 37-59). S’intéressant à l’itinéraire spirituel de Bouddha, le troisième chapitre cherche à mettre en évidence les influences réciproques de la pensée bouddhique et de la pensée hindoue (p. 61-78). Les chapitres 4 à 6 sont consacrés à la découverte de trois grandes divinités de l’hindouisme : Krishna (p. 79-104), Shiva (p. 105-125) et la Déesse (p. 127-153). Le septième chapitre s’ouvre à l’actualité en présentant deux personnalités marquantes : Mohandas Gandhi (homme politique et philosophe) et Mahasweta Devi (écrivain et journaliste). L’auteur évoque la vie et le parcours engagés de ces deux personnalités qu’il considère comme des « figures d’humanité » de l’Inde moderne. Des origines de la conscience à l’Inde actuel et ses défis, en passant par la sagesse de quelques divinités classiques de l’hindouisme, l’auteur offre à ses lecteurs un cheminement personnel et spirituel dans le vaste monde de la sagesse hindoue. Il accompagne son analyse de plusieurs citations et d’extraits d’ouvrages anciens relatifs à la sagesse hindoue.

Ce livre s’achève sur quelques « orientations bibliographiques » en langue française et un index assez complet des notions et termes clés utilisés dans l’ouvrage.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2007, Tome 87 n° 4, p. 506-507

 

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Kocku Von Stuckrad, The Brill Dictionary of Religion. Transl. R. R. Barr, 4 vol., Leiden – Boston – Köln, Brill, 2007, 2179 pages, ISBN 978-90-04- 15100-0, €149.

Review : Thierry LEGRAND

 

Cet ouvrage monumental est une traduction révisée du célèbre Metzler Lexikon Religion, édité par C. Auffarth, J. Bernard et H. Mohr ; ses quatre volumes présentent plus de 500 entrées, une quarantaine de cartes, environ 250 illustrations et 17 tableaux chronologiques. Ces derniers sont souvent très développés (15 pages pour l’histoire du judaïsme, 20 pour le christianisme) et sont accompagnés, pour chaque période, d’un paragraphe de commentaires. L’originalité de ce dictionnaire encyclopédique réside avant tout dans le choix des sujets qu’il aborde ; il s’agit de présenter les phénomènes religieux dans le contexte large des sociétés modernes et dans une perspective nouvelle qui tient compte de notions et de thèmes actuels tels que l’identité, l’individualisme, le ré-enchantement, la violence, la bioéthique, etc. Les concepts classiques développés dans les encyclopédies religieuses antérieures sont aussi traités, mais dans une moindre mesure. Une introduction assez dense (p. XI-XXXVI) présente l’histoire de la recherche et de l’enseignement des sciences religieuses, ainsi que les enjeux actuels auxquels les chercheurs se trouvent confrontés.

Du point de vue du contenu, ce dictionnaire propose plusieurs types d’entrées, que l’on peut rassembler sous les rubriques suivantes : 1. notions systématiques relatives aux différentes formes religieuses (rituel, pureté, sacrifice, salut, dualisme, symbole, etc.) ; 2. thèmes de l’actualité religieuse (antisémitisme, droits de l’homme, genre, communication, recherche génétique, avortement, etc.) ; 3. introductions historiques aux grandes religions et mouvements religieux, mais aussi aux traditions philosophiques (philosophie des Lumières) ; 4. introductions aux grandes zones géographiques concernées par le développement des religions et des mouvements philosophiques ; 5. grandes périodes historiques (de l’Antiquité à la postmodernité), 6. figures religieuses, fondateurs de religions, philosophes et théologiens marquants.

Les notices, de taille très variable, sont structurées par des sous-titres suggestifs et comportent quelques références bibliographiques pour approfondir la recherche. En fin de notice, un système de renvois indique les articles connexes à consulter. On trouvera, à la fin du quatrième volume, une liste complète des entrées de ce dictionnaire, mais c’est l’index thématique final qui demeure l’outil majeur de cet ouvrage ; il rassemble les termes techniques, les noms propres et les thèmes abordés. Il contient plus de 6000 entrées qui permettent de faire des recherches approfondies sur un thème, une région ou un auteur précis.

L’ensemble des quatre volumes fournit une masse considérable de données sur les religions actuelles et les phénomènes de société. En ce sens, l’ouvrage est utile à consulter pour qui cherche une information rapide sur le fait religieux. Par ailleurs, la présentation aérée des informations et la présence de nombreuses illustrations et tableaux rendent la lecture des notices agréable. Pour finir, on notera que l’édition papier de ce dictionnaire n’est pas toujours très commode à manipuler, en raison de son poids. Il existe, sur le site des éditions Brill, une version électronique « online » (d’accès payant) qui permet des recherches croisées.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2009, Tome 89 n° 1, p. 84-85

 

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Jacob Neusner, Judaism. The Basics, New York – London, Routledge, 2006, 198 pages, ISBN 978-0-415-40175-3, €43.

Review : Thierry LEGRAND

 

L’ouvrage fait partie d’une vaste collection qui cherche à présenter des connaissances fondamentales sur des sujet précis : la religion, l’islam, l’éthique, la philosophie, l’économie, etc. Rédigés par des spécialistes, ces livres restent accessibles au plus grand nombre. Celui-ci, consacré au judaïsme, est structuré en quatre parties précédées par une introduction qui cherche à répondre à quelques questions fondamentales sur l’identité juive et le devenir d’un judaïsme qui connaît, depuis des siècles, une situation d’éclatement et des formes de vies communautaires très diversifiées.

Le premier chapitre (p. 9-73) offre un contenu assez classique sur les sources de la foi juive (la Torah au sens large), les fêtes juives et leur sens actuel, l’importance et le sens du mariage (les dimensions symboliques du dais nuptial ou Huppah), de la circoncision, etc. Le deuxième chapitre (p. 74-107) traite des principes de la foi juive (monothéisme, commandements, place du sabbat, etc.) et des questions théologiques débattues tout au long de son histoire (problème du mal, justice divine, fin des temps). La troisième section de l’ouvrage (p. 109-167) approche le judaïsme d’un point de vue historique. Un premier sous-chapitre aborde le judaïsme biblique, les judaïsmes du Second Temple et les différentes phases de formation du judaïsme rabbinique. Un deuxième sous-chapitre traite brièvement de l’évolution du judaïsme rabbinique et des courants qui se sont formés dès le Moyen Âge (mystique juive, karaïsme et messianismes). L’A. évoque aussi les grandes figures de la pensée juive de cette période, principalement Judah Halevi et Maïmonide. Il achève son parcours historique par une présentation des judaïsmes de l’époque moderne (judaïsme réformé, orthodoxe et conservateur) et du sionisme. Le quatrième chapitre (p. 169-185) offre une réflexion intéressante sur l’impact de l’Holocauste dans la pensée juive du XXe s. En fin d’ouvrage, un glossaire fort utile pour les débutants précise le sens des termes et expressions utilisés par l’A. Une bibliographie et un index général complètent ce petit volume.

Au fil de ces chapitres, l’A. cite et commente de larges extraits des sources juives (Torah, littérature rabbinique), des commentaires rabbiniques et quelques autres textes de référence comme celui des rabbins réformés de l’Assemblée de Pittsbourg (p. 153). À ce titre, il montre comment toute réflexion sur le judaïsme doit être enracinée dans l’étude des écrits juifs de référence. De ce fait, on ne cherchera pas dans cet ouvrage un exposé systématique sur le judaïsme et ses formes diverses. Il s’agit plutôt d’une réflexion générale, éclairée par les textes, sur le judaïsme, ses pratiques, sa foi et son histoire.

Ce petit livre bien présenté est de lecture agréable, mais on aurait préféré, dans un ouvrage sur les principes fondamentaux du judaïsme, une approche plus méthodique et moins centrée sur le commentaire de textes.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2009, Tome 89 n° 1, p. 89-90

 

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Jacob Neusner, Alan J. Avery-Peck, The Routledge Dictionary of Judaism, New York – London, Routledge, 2004, 181 pages, ISBN 978-04-15-30264-7, €18.

Review : Thierry LEGRAND

 

Voici un petit dictionnaire du judaïsme fort utile pour les étudiants en théologie. Les auteurs, spécialistes réputés du judaïsme, y présentent la définition de plus de 600 termes, concepts, livres, fêtes juives ou figures juives anciennes ou modernes. On y trouvera, par exemple, les termes hébreux classiques utiles à connaître pour qui s’intéresse un tant soit peu au judaïsme (haggadah, amidah, haftarah, ketubot, midrash, etc.), mais aussi la définition des différents courants du judaïsme actuel (Conservative, Orthodox, Reform, New Age Judaism). Quelques personnalités marquantes trouvent aussi leur place dans ce dictionnaire : Saadya, Maïmonide, Joseph Karo, Judah Halevi, E. Wiesel, etc. Les écrits importants du judaïsme sont également brièvement présentés : les livres de la Torah, la Mishnah, le Talmud et les midrashim, mais aussi le Mishneh Torah de Maïmonide, le Shulhan Arukh de Joseph Karo. Une dizaine d’illustrations simplifiées vient agrémenter la lecture de cet ouvrage.

Le système de transcription simplifié des mots hébreux et araméens est précisé dans une brève introduction, mais l’ouvrage est dépourvu d’index et de références bibliographiques. On regrette ainsi l’absence d’une liste en hébreu des noms hébreux transcrits. Par ailleurs, une liste comparée des différentes transcriptions des termes hébreux aurait été également fort utile.

Ce dictionnaire offre une première approche de l’univers juif ; il serait bon d’en avoir une version française.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2009, Tome 89 n° 1, p. 90-91

 

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Martin Gilbert, The Routledge Atlas of Jewish History, London – New York, Routledge, 2006, 150 pages, ISBN 978-0-415-39966-1, €35.

Review : Thierry LEGRAND

 

Réédité plusieurs fois depuis 1969, cet ouvrage est une réimpression de la septième édition, parue en 2006. Il fournit une mise en forme géographique impressionnante de l’histoire juive depuis les origines (« Early Jewish migrations about 2000 BC » p. 1) jusqu’aux récents événements du XXIe siècle (« Anti-semitic incidents reported in Europe, 2004 », p. 146).

Les champs couverts par les 146 cartes présentées sont extrêmement divers : mouvements migratoires des origines à nos jours ; relation entre juifs et chrétiens ; histoire des communautés juives dans le monde et dans certaines villes ; localisation des grands événements de l’histoire juive (par ex. les Khazars, les Karaïtes, le sionisme) ; mise en évidence des violences faites aux communautés juives dans l’histoire. Toutes sortes d’autres sujets plus inattendus sont aussi évoqués par des cartes et des schémas : Napoléon et les juifs (p. 58), la famille Rothschild (p. 60) ; la localisation géographique des grands penseurs juifs (p. 34) et des « justes » qui ont agi en faveur des juifs lors de la Seconde guerre mondiale (p. 104). En bref, l’ouvrage est incontournable pour qui veut enseigner le judaïsme de manière pédagogique. En même temps, il révèle toute la difficulté qui réside dans l’interprétation d’une documentation attrayante qui n’est qu’un support visuel. Par exemple, les cartes précisant l’entrée en Terre promise (p. 3) et la localisation des douze tribus d’Israël (p. 4) laissent le lecteur averti face à une multitude de questions sans réponse. Mais la critique est aisée ! L’ensemble des 146 cartes représente une somme considérable d’informations et l’A., historien réputé, n’a pas ménagé ses efforts pour tenter, à l’aide d’une multitude d’encarts insérés dans les cartes, de fournir des informations historiques complémentaires. On pourrait d’ailleurs suggérer qu’une prochaine édition fournisse une page de commentaires historiques et statistiques après chaque carte ; l’ouvrage y gagnerait encore en qualité.

Les deux dernières éditions de cet atlas (2003 et 2006) ont ajouté quelques cartes fort intéressantes sur la population juive dans le monde, l’immigration juive et la localisation des agressions antisémites en Europe et aux États-Unis. Là encore, la difficulté pour le lecteur sera d’interpréter de tels documents sans avoir à l’esprit l’ensemble du dossier. On pourrait imaginer, par exemple, que la France est restée profondément antisémite, jugement un peu trop rapide, qu’il faudrait bien entendu réévaluer et éclairer par une approche sociologique des relations aux communautés religieuses en France.

Comme toujours lorsqu’il s’agit d’une présentation géographique de l’histoire, le lecteur devra dépasser le cadre de l’information visuelle en s’informant lui-même sur la période qu’il étudie. La bibliographie classée, présentée en fin d’ouvrage, permettra de trouver l’information recherchée, mais elle mériterait une sérieuse remise à jour : la plupart des livres mentionnés datent de la première moitié du XXe siècle et les encyclopédies juives récentes n’y figurent pas. Pour compléter cette information, on signalera, par exemple, un ouvrage remarquable et une encyclopédie fort utile : P. Schäfer, Histoire des juifs dans l’Antiquité, Paris, Cerf, 1989 ; J. Neusner, A. J. Avery- Peck, W. Scott Green, The Encyclopaedia of Judaism, 3 vol., Leiden – Boston – Köln, Brill, 2000.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2009, Tome 89 n° 1, p. 91-92

 

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Anders Runesson, Donald D. Binder, Birger Olsson, The Ancient Synagogue from its Origins to 200 C.E. A Source Book, Leiden – Boston, Brill, 2008, XI + 328 pages (Ancient Judaism and Early Christianity, 72), ISBN 978- 90-04-16116-0, €139.

Review : Thierry LEGRAND

 

Voici un ouvrage pour spécialistes qui fera date dans l’histoire de l’étude de l’institution synagogale. Le livre s’ouvre par une réflexion sur le terme « synagogue » et une évaluation des expressions utilisées dans les écrits anciens et modernes. Les auteurs montrent ensuite comment ce champ de recherche a été profondément renouvelé dans les vingt dernières années. En effet, de nouveaux sites ont été fouillés, de nouvelles inscriptions sont apparues, mais surtout, les débats sur les origines de la synagogue et ses rapports avec l’Église ont pris une place importante dans le domaine des études consacrées au judéo-christianisme. Les origines de la synagogue et son développement en tant qu’institution au tournant de notre ère concernent ainsi une multitude de champs tels que l’archéologie, l’architecture, l’iconographie et la liturgie, mais aussi la sociologie (cf. p. 7-13).

Le corps principal de l’ouvrage (p. 20-294) rassemble les sources anciennes qui évoquent l’existence de lieux de culte juifs, de maisons de prière ou de synagogues, de l’époque perse au IIe siècle de notre ère. Les livres bibliques et apocryphes transmettent une bonne quantité d’informations sur ces lieux de rassemblement, mais on constatera rapidement l’importance du témoignage des quatre évangiles et des Actes des apôtres, abondamment cités dans ce livre. Quelques écrits qumrâniens et certains passages de la Mishnah fournissent un lot non négligeable de renseignements sur l’existence des synagogues à l’époque ancienne, mais ce sont surtout les écrits de Philon et de Flavius Josèphe qui transmettent la plupart des données sur ce sujet. Les découvertes archéologiques des XIXe et XXe siècles donnent accès aux plans des plus anciens lieux de culte juifs (une vingtaine d’illustrations publiées) ; elles permettent aussi d’établir des comparaisons entre les édifices religieux juifs localisés dans les différentes zones géographiques de Palestine et de la diaspora. De nombreuses inscriptions en tout genre viennent compléter le dossier archéologique. Enfin, des fragments de papyri anciens (par exemple ceux d’Éléphantine) apportent des informations précieuses sur l’implantation des communautés juives en Égypte.

La présentation des différentes sources est faite sous forme de notices qui suivent un classement géographique et alphabétique. Les deux zones considérées sont la Palestine et la diaspora. Chaque notice donne des informations sur la source du document étudié (source littéraire, archéologique, inscriptions), sa datation, les données bibliographiques et un commentaire succinct. Lorsqu’il s’agit d’une source littéraire, le texte original est suivi d’une traduction anglaise. Ceci permet une consultation rapide des différentes sources. En fin d’ouvrage, une grande carte permet de situer les zones d’implantation des synagogues anciennes. La Palestine (voir notamment la Galilée), l’Égypte (surtout le Delta du Nil), l’Asie Mineure, la Grèce et la Macédoine sont les principaux foyers de développement des édifices religieux juifs durant la période concernée. Cet ouvrage remarquable est accompagné des outils classiques et indispensables : bibliographie détaillée, index des illustrations, des sources anciennes et des sujets traités. On signalera l’absence de l’article « synagogue » du Supplément au Dictionnaire de la Bible, XIII/74 (Paris, 2003), rédigé par C. Perrot.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2009, Tome 89 n° 1, p. 92-93

 

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Armand Abécassis, Judaïsmes. De l’hébraïsme aux messianités juives, Paris, Albin Michel, 2006, 502 pages, ISBN 978-2-226-17105-4, €28.

Review : Thierry LEGRAND

 

Écrivain et philosophe bien connu du public français pour ses ouvrages sur la Torah, le prophétisme et le messianisme (voir notamment La pensée juive, 1987-1996), l’A. explore inlassablement les mêmes sujets et offre ici une belle somme de réflexions sur le prophétisme en dialogue avec son temps et les institutions sociales et politiques, la diaspora et les différentes formes de judaïsmes au travers de l’histoire. L’ouvrage est présenté par l’A. comme le second volet d’une réflexion qui s’enracine dans l’histoire patriarcale (voir L’univers hébraïque, du monde païen à l’humanisme biblique, Paris, 2003).

Dans le présent ouvrage, l’A. développe une lecture juive de la Torah (de dimension prophétique) et de l’histoire du peuple qui l’a reçue et transmise, mais une lecture qui se fait en dialogue avec les ouvrages critiques de son temps. Comme il le souligne, « la Torah relève donc aussi de l’archéologie, de l’histoire, des codes et traités analogues à ceux de l’ancien Orient » (p. 13) ; les recherches des exégètes modernes sur le contexte procheoriental et l’histoire de la rédaction des différents écrits de la Torah doivent être prises au sérieux pour éclairer l’interprétation des textes hébraïques, mais l’unité de la Torah et sa forme canonique demeurent une donnée essentielle dans le cadre d’une interprétation juive. Au fil de cette vaste relecture de l’histoire prophétique et politique d’Israël, l’A. souligne l’importance de la notion d’interprétation dans la Torah elle-même et dans ses relectures postérieures : il y a d’une part la Loi et d’autre part la réalité de la vie humaine avec ses injustices et ses compromissions ; l’interprétation (celle des prophètes puis des rabbins) offre une troisième voie, qui permet la coexistence des deux premières.

Ce parcours littéraire et théologique, qui débute avec l’histoire des premiers prophètes pour aboutir à celle de Jésus le juif (p. 394s), propose une vision globale (ch. 1 à 14) de l’évolution du judaïsme et de son éclatement en judaïsmes au travers d’une histoire mouvementée. Au terme de son exploration dans la littérature biblique – dont de larges extraits sont cités tout au long du livre – et parabiblique, les réflexions de l’A. sur les origines juives de Jésus et les critiques qu’il formule à l’égard des interprétations chrétiennes et des prises de position des Églises sont honnêtes et méritent l’attention du lectorat chrétien.

Les deux derniers chapitres, très instructifs, semblent avoir été rattachés à l’ouvrage de manière secondaire. Le ch. 14 présente une étude de l’angélologie au travers des traditions juives et chrétiennes anciennes. L’A. y fait trop peu référence à la littérature qumrânienne et aux pseudépigraphes, montrant par là une certaine réticence à faire entrer ces ensembles littéraires dans le patrimoine littéraire du judaïsme. Le ch. 15 offre une introduction succincte mais suggestive à la Mishnah, la Guemara, le Midrash et la notion de « loi » qui permet de réaffirmer la place essentielle des questions herméneutiques dans le judaïsme.

Ce livre, rédigé par un excellent connaisseur de l’univers biblique, n’a rien à voir avec un manuel d’exégèse ou une introduction aux écrits prophétiques de l’Ancien Testament ; il ne constitue pas plus un exposé systématique sur l’existence des judaïsmes ou sur le messianisme. On y trouvera cependant l’exposé d’une réflexion dense et bien documentée sur les relations du peuple d’Israël à son Dieu à travers l’histoire.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2009, Tome 89 n° 1, p. 93-94

 

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Eliezer Schweid, The Classic Jewish Philosophers. From Saadia through the Renaissance. Transl. by L. Levin, Leiden – Boston, Brill, 2008, 490 pages (Supplements to The Journal of Jewish Thought and Philosophy, 3), ISBN 978-90-04-16213-6, €110.

Review : Thierry LEGRAND

 

Professeur de philosophie médiévale à l’Université hébraïque de Jérusalem, l’A. a écrit ou codirigé plusieurs livres sur l’histoire de la philosophie, la culture juive et le sionisme (voir Jewish Identity in Modern Israel, 2002). Le présent ouvrage s’adresse plutôt à un public de spécialistes ; il s’agit d’une refonte magistrale d’une série de cours donnés entre 1966 et 1969 sur quelques grandes figures de la philosophie juive au Moyen Âge.

Dans une brève introduction, l’A. pose les bases de son étude en s’interrogeant sur les origines de la philosophie juive et en précisant quelques éléments de définition. La première partie du livre présente ensuite six personnalités marquantes de la philosophie juive : Saadia Gaon, Isaac ben Solomon Israeli, Bahya ben Joseph Ibn Pakudah, Solomon Ibn Gabirol, Abraham Bar Hiyya et Judah Halevi. Pour chaque figure présentée, l’A. énonce rapidement des éléments biographiques puis s’intéresse à l’oeuvre littéraire du philosophe, en montrant comment celle-ci s’inscrit dans le contexte politique, historique et philosophique de l’époque. Il précise les sources d’inspiration philosophiques de ces personnalités et les influences qui les ont marqués. Il s’intéresse également à l’impact de leurs idées à l’époque médiévale et jusqu’à nos jours.

La seconde section de ce livre est toute entière consacrée à Maïmonide et son oeuvre théologique et philosophique (notamment le Mishneh Torah et le Guide des égarés). La synthèse de l’A. est excellente, et l’on pourra se régaler à la lecture des exposés détaillés de l’éthique de Maïmonide (p. 189-208) et de sa conception de la providence divine et du Dieu créateur (p. 259-291). L’A. y développe aussi quelques réflexions intéressantes sur la place des « treize principes de la foi » dans la pensée et l’oeuvre de ce grand philosophe (cf. p. 169-175).

La section finale de ce bel ouvrage est consacrée au développement de la philosophie juive du XIIIe au XVIe siècle. L’A. y expose d’abord la pensée des disciples de Maïmonide et leur lecture critique de l’oeuvre du maître. Les chapitres 16 à 18 présentent la pensée de trois figures du judaïsme de la fin du Moyen Âge : Lévi ben Gersonide, mathématicien, philosophe et grand commentateur de la Torah, Hasdai Crascas et son ouvrage intitulé La lumière du Seigneur, jugé comparable aux Guide des égarés de Maïmonide (même si le style en est bien différent) et enfin Joseph Albo et son célèbre Livre des principes. Plus brefs, les deux derniers chapitres évoquent d’une part le parcours de quelques philosophes du XVe siècle marqués par l’oeuvre de Maïmonide (Solomon Ibn Verga et Don Isaac Abravanel) et d’autre part, l’influence des idées de la Renaissance sur les penseurs juifs d’Espagne et d’Italie.

L’ensemble de l’étude, d’une grande cohérence, montre que l’A. est allé bien au-delà d’une simple juxtaposition de notices sur les penseurs juifs du Moyen Âge. Il dévoile au contraire une pensée philosophique en dialogue avec la pensée grecque et le christianisme et en évolution permanente ; il fait revivre des penseurs qui composent avec leur temps et les tensions religieuses de la fin du Moyen Âge. Dans ce cadre historique, l’A. met en évidence l’influence extraordinaire des idées de Maïmonide sur les philosophes de son temps et des siècles qui vont suivre.

Ce livre remarquable est accompagné d’une bibliographie classée précisant pour chaque chapitre les sources primaires et secondaires consultées. L’index des noms propres cités est suivi par un index thématique très complet, appelé à rendre de grands services.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2009, Tome 89 n° 1, p. 94-95

 

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Dan Cohn-Sherbok, Fifty Key Jewish Thinkers, London – New York, Routledge, 2007, XIII + 132 pages, ISBN 978-0-415-77140-5, €27.

Review : Thierry LEGRAND

 

L’A., rabbin de formation, est un habitué des présentations synthétiques et pédagogiques du judaïsme – voir son Judaism, Londres, 1999 (recensé dans RHPR 84, 2004, p. 484). Dans le présent ouvrage, dont la première édition a paru en 1997, il rassemble cinquante notices sur les plus grands penseurs juifs de notre ère, de Philon d’Alexandrie à S. Wine, en passant par Maïmonide et Baal Shem Tov. Les notices sont classées par ordre alphabétique, mais une table chronologique simplifiée permet de replacer chaque penseur dans son contexte historique (cf. p. XI-XII). Une carte, utile, permet de visualiser les principaux foyers de développement du judaïsme au Moyen Âge et à l’époque moderne (cf. p. XIII). Pour chaque grande figure, l’ouvrage fournit quelques données biographiques, la liste des écrits et les thèmes théologiques, philosophiques ou mystiques abordés dans ces productions littéraires. Chaque notice est suivie de références bibliographiques sur l’édition des oeuvres du penseur présenté et sur la littérature secondaire qui lui est consacrée. Lorsque cela est utile, l’A. renvoie le lecteur à d’autres notices du même ouvrage.

En rassemblant les différentes figures marquantes du judaïsme dans un livre intéressant et commode, l’A. a dû faire des choix, qu’il n’explicite toutefois pas assez dans sa préface. Pourquoi s’arrêter par exemple à la présentation de S. Wine et ne pas mentionner le grand penseur juif L. Askénazi (1922-1996) ? On s’étonnera aussi de l’absence d’une notice sur Rashi dans cet ouvrage ; certes, il fut avant tout un grand commentateur de la Torah et du Talmud, mais son oeuvre n’est pas seulement exégétique : il a nourri, par son oeuvre et ses responsa, les débats théologiques et philosophiques de son temps. Par ailleurs, l’A. ne signale aucun nom de penseur juif entre le Ier siècle et le IXe siècle de notre ère. On aurait pu mentionner ici quelques grandes figures rabbiniques liées, par exemple, à la compilation de la Mishnah, au moins dans une fiche synthétique présentant les difficultés de documentation pour cette période. L’ouvrage ne comporte aucun index thématique ou liste d’auteurs cités.

Ces remarques n’enlèvent rien à la qualité de ce manuel utile pour les étudiants, les enseignants et tous ceux qui s’intéressent aux études juives.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2009, Tome 89 n° 1, p. 95-96

 

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Yeshayahou Leibowitz, Les fêtes juives. Réflexions sur les solennités du judaïsme. Commentaires sur le Cantique des cantiques, les Lamentations, l’Ecclésiaste et le livre de Job. Traduction et notes de P. Haddad et de G. Haddad, Paris, Cerf, 2008, 193 pages (Patrimoines – judaïsme), ISBN 978-2-204-07903-7, €28.

Review : Thierry LEGRAND

 

Penseur marquant du judaïsme du XXe siècle (voir notre présentation dans RHPH 87, 2007, p. 500-501), l’A. n’a pas entrepris dans ce livre un exposé systématique des solennités juives, mais il commente la Torah et s’interroge sur le sens des fêtes juives au travers de l’histoire. Ses interprétations sont nourries de références à la tradition orale et Maïmonide demeure le philosophe juif auquel il fait constamment référence (cf. p. 14, 33, 41, 189-190). Cet ouvrage rassemble ainsi une série de causeries radiophoniques (diffusées entre 1975 et 1982) transcrites par Ben Tsion Nouriel et d’autres disciples.

Le contenu du livre suit l’ordre du calendrier juif en donnant à la fois une présentation des grandes solennités, mais aussi de temps liturgiques moins connus du public chrétien comme les sabbats particuliers. À cette occasion, l’A. commente avec talent les livres bibliques que la tradition a reliés aux fêtes juives et qui sont lus à cette occasion : l’Ecclésiaste (p. 47-62), le Cantique des cantiques (p. 115-133), Ruth (p. 135-142) et les Lamentations (p. 152-164). L’A. évoque l’origine de ces lectures et précise le sens qu’elles revêtent au travers des siècles et jusqu’à nos jours. On notera tout particulièrement l’exposé sur Hanoukka (p. 63-76) qui développe une réflexion sur la violence, l’héroïsme, la guerre pour la Torah et la guerre sainte. Par ailleurs, dans le même chapitre, la comparaison entre les fêtes de Pourim et de Hanoukka mérite l’attention du lecteur. Un dernier chapitre, un peu à part, offre quelques réflexions sur le livre de Job, que l’A. qualifie d’allégorie en rejoignant les paroles du Talmud : « Job n’a jamais existé ni n’a jamais été créé, mais il s’agit d’une allégorie » (Baba Batra 15a).

Il ne faut pas chercher dans cet ouvrage intéressant et de lecture facile un traitement historique et scientifique de chacune des fêtes juives, mais plutôt une réflexion actuelle sur le sens de ces temps festifs et leurs rapports aux livres de la Torah.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2009, Tome 89 n° 1, p. 96-97

 

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Alberto Fabio Ambrosio, Ève Feuillebois, Thierry Zarcone, Les derviches tourneurs. Doctrine, histoire et pratique, Paris, Cerf, 2006, 212 pages (Patrimoines – Islam), ISBN 978-2-204-08139-9, €24.

Review : Thierry LEGRAND

 

Cet ouvrage rassemble trois grandes contributions consacrées aux « derviches tourneurs », un des ordres soufis désigné sous le nom de Mawlawiyya (en arabe) ou Mevleviye (en turc). La première étude rappelle les origines de la confrérie des derviches tourneurs par une présentation de Jalâm al-Dîn Rûmi, plus connu sous le nom de Mawlanâ (« notre maître »), véritable inspirateur de cette confrérie. L’histoire de ce maître spirituel, célèbre en Iran et en Turquie, est présentée en détail p. 15-81 : le contexte historique, la vie de Mawlanâ (1207-1273) et l’influence de son père, sa formation spirituelle et théologique aux contacts des traditions mystiques de son temps, sa rencontre avec Shams al-Dîn Tabrîzî et son intérêt pour l’extase, la musique et la danse (samâ), la création des premiers groupes de disciples. Vers 1240, Mawlanâ posera les bases des premières confréries et leur donnera les fondements spirituels nécessaires, mais son fils Sultân Walad sera le véritable fondateur et administrateur de la Mawlawiyya (p. 31). L’oeuvre littéraire impressionnante de Mawlanâ a suscité de nombreux commentaires en persan, turc arabe et ourdou ; elle se compose d’un corpus important de poèmes lyriques rassemblés après sa mort, d’une correspondance et d’une série de sermons et discours préservés par ses disciples, ainsi que du célèbre mathnawî ; considéré comme le « Coran » du soufisme, cet ouvrage majeur rassemble, en plus de 25 000 distiques, épopées héroïques, romances et dissertations philosophiques et religieuses (cf. p. 32-37).

La mise en place de la Mawlawiyya dans les zones turcophones et l’étude de son évolution jusqu’au XXe siècle fait l’objet de la deuxième contribution (p. 83-122). T. Zarcone y développe les différentes étapes de la codification du cérémonial de la danse aux XIVe et XVe siècles et son implantation dans les Balkans, en Anatolie et dans le Moyen-Orient arabe (cf. p. 11). L’A. met ici en évidence les particularités de cette confrérie en insistant, par exemple, sur son caractère centralisateur et sa dimension hiérarchique. Les couvents sont classés selon un ordre hiérarchique (p. 93) et l’ordre est dirigé par le çelebi, un descendant de Mawlanâ, qui a toute autorité sur une multitude d’administrateurs des confréries. Dans un chapitre particulièrement dense, l’A. aborde ensuite quelques aspects des pratiques et du rituel mevlevîs : la tonsure, l’investiture, les retraites, le port de la coiffe et le noviciat.

La dernière contribution s’ouvre par une réflexion sur les origines du samâ (ou concert spirituel) et présente de manière assez détaillée l’histoire de la danse des Mevlevîs. On s’intéressera particulièrement à la présentation illustrée de la danse des derviches tourneurs aux p. 145-152.

L’ouvrage est accompagné de plusieurs index indispensables et d’une bibliographie classée sur la vie et l’oeuvre de Rûmi, le développement de la Mawlawiyya et le samâ. Cet outil bibliographique nous paraît particulièrement important dans un domaine où les travaux scientifiques et historiques sont rares.

À la lecture de ce livre, on a parfois l’impression que les auteurs se perdent un peu dans les détails de l’histoire ou des rituels. Mais là n’est pas l’essentiel : nous disposons maintenant, en français, d’un ouvrage savant et passionnant sur l’une des confréries soufies les plus connues dans le monde.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2009, Tome 89 n° 1, p. 101-102

 

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Kattel Berthelot et Thierry Legrand (dir.), La Bibliothèque de Qumrân, vol. 2. Torah : Exode – Lévitique – Nombres. Édition et traduction des manuscrits hébreux, araméens et grecs, Paris, Éditions du Cerf, 2010, XXXII + 456 pages, 2 cartes, ISBN 978-2-204-08773-5, € 68.

Review : Thierry LEGRAND

 

Après un premier volume centré sur les manuscrits de Qumrân en lien avec le livre de la Genèse, le deuxième tome de La Bibliothèque de Qumrân (neuf volumes prévus) est consacré aux textes de Qumrân qui s’inspirent des livres de l’Exode, du Lévitique et des Nombres. Il inclut les manuscrits bibliques en hébreu, grec ou araméen (par ex. 4Qpaléo-Exodem ; 4QSeptante du Lévitiqueb ; 4QNombresb), lorsque le texte qu’ils transmettent diffère de manière significative du texte massorétique sur lequel reposent les traductions bibliques actuelles. On y trouve également les fragments du livre des Jubilés, les Pseudo-jubilés, les Visions du testament d’Amram, plusieurs écrits relatifs aux rituels de purification, ainsi que d’autres écrits apocryphes qui développent, explicitent ou explorent des thèmes bibliques ou législatifs.

Ce deuxième volume est pourvu d’une introduction générale explicitant le projet et précisant le contenu du livre et son organisation. Chaque écrit qumrânien fait également l’objet d’une courte introduction comprenant une description des manuscrits : nombre et état des fragments, problèmes éventuels de reconstitution, datation proposée, etc. L’introduction présente les enjeux du texte et cherche à en fournir des clefs de compréhension. Une bibliographie sélective accompagne chaque introduction. Des tableaux récapitulatifs donnent les listes exhaustives des manuscrits bibliques (Ex, Lv, Nb) découverts à Qumrân.

Le corps principal du volume offre l’édition de tous les fragments significatifs du texte original ; des notes critiques accompagnent le texte hébreu, araméen ou grec, et les divergences entre cette nouvelle édition et les éditions antérieures sont signalées dans les notes. La traduction française, placée en vis-à-vis du texte hébreu ou araméen, suit scrupuleusement le texte original, tout en restant lisible et compréhensible. Elle est complétée par des notes explicatives ; celles-ci précisent les difficultés de traduction, le sens des textes, mais aussi leurs rapports aux autres écrits bibliques ou aux autres manuscrits de Qumrân.

Un index des sources anciennes, des textes bibliques, des manuscrits qumrâniens, des écrits anciens et de la littérature rabbinique vient compléter cette édition des textes. Un glossaire des termes techniques fournit une aide précieuse au lecteur non-spécialiste. Enfin, trois listes classées des manuscrits édités offrent la possibilité de retrouver n’importe quel nom ou numéro de manuscrit dans cette publication.

 

Liste des manuscrits édités en totalité ou en partie : 1Q17 ; 1Q18 ; 2Q2 ; 2Q3 ; 2Q19 ; 2Q20 ; 3Q5 ; 4Q1 ; 4Q13 ; 4Q14 ; 4Q15 ; 4Q16 ; 4Q17 ; 4Q22 ; 4Q23 ; 4Q24 ; 4Q26 ; 4Q27 ; 4Q119 ; 4Q120 ; 4Q121 ; 4Q127 ; 4Q156 ; 4Q176a 19-21 ; 4Q216 ; 4Q217 ; 4Q218 ; 4Q219 ; 4Q220 ; 4Q221 ; 4Q222 ; 4Q223-224 ; 4Q225 ; 4Q226 ; 4Q227 ; 4Q228 ; 4Q274 ; 4Q276-277 ; 4Q278 ; 4Q284 ; 4Q414 ; 4Q422 ; 4Q464a ; 4Q482 ; 4Q484 ; 4Q512 ; 4Q514 ; 4Q543- 4Q54-549 ; 7Q1 ; 11Q1 ; 11Q12 + XQ5a ; Mas 1j.

 

Th. Legrand et K. Berthelot

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°4, p. 588-589

 

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Angelika Malinar, Hinduismus, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2009, 304 pages (UTB, Theologie – Religion, 3197), ISBN 978-3-8252-3197-2, € 16.90.

Angelika Malinar, Hinduismus – Reader, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2009, 162 pages (UTB, Theologie – Religion, 3198), ISBN 978-3-8252- 3198-9, € 8.90.

Review : Thierry LEGRAND

 

Ces deux volumes de l’excellente collection « Uni-Taschenbücher » présentent l’essentiel de ce qu’il faut connaître sur l’hindouisme. L’A., professeure d’histoire des religions à Zürich, est une spécialiste de l’hindouisme, de sa littérature et de sa philosophie. Le premier volume aborde les rubriques classiques qui permettent de faire le point sur la religion hindoue : histoire (des origines au XXe siècle), pratiques, concepts théologiques et philosophiques, institutions et organisation religieuse, etc. L’exposé est clairement présenté, et l’ouvrage est accompagné d’une série d’outils facilitant l’accès à cette religion : encarts, illustrations, carte des lieux sacrés, tableau chronologique, calendrier des fêtes, glossaire des principaux termes utilisés, bibliographie et index divers.

Le second volume rassemble une soixantaine de textes relatifs à la religion hindoue. On y trouvera des hymnes et des textes liturgiques issus des grands corpus sacrés (Rig Veda, Atharva-Veda, Bhagavad-Gîtâ, etc.), des extraits d’écrits du Moyen Âge et de l’hindouisme moderne, ainsi qu’une série d’articles scientifiques relatifs à cette religion. La plupart des textes comportent une brève introduction et la référence aux sources originales. L’ouvrage est de petit format, mais son contenu est dense et bien structuré.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°1, p. 122

 

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Johannes Hahn, Stephen Emmel, Ulrich Gotter (éd.), From Temple to Church. Destruction and Renewal of Local Cultic Topography in Late Antiquity, Leiden – Boston, Brill, 2008, XI + 378 pages (Religions in the Graeco- Roman World, 163), ISBN 978-90-04-13141-5, € 121.

Review : Thierry LEGRAND

 

Ce livre rassemble douze contributions données pour la plupart en 2002, lors d’un colloque de la Westfälische Wilhelms Universität de Münster, sur le thème de la destruction et de la réutilisation des sanctuaires antiques à la fin de l’Antiquité, époque marquée par le « triomphe » de la religion chrétienne. Le phénomène de réemploi ou de réinvestissement des sanctuaires est repérable dès le début de l’histoire de l’humanité, mais les données scripturaires font souvent défaut et les indices archéologiques ne sont pas toujours très convaincants. L’époque concernée offre une quantité impressionnante de données archéologiques et de témoignages écrits qui permettent d’étudier le phénomène dans toutes ses dimensions : le projet et l’événement de la destruction, associés ou non à une situation de conflit, les actes de désacralisation et de re-sacralisation des lieux de cultes, et d’une manière générale les dimensions symboliques, religieuses et politiques associées à ces événements. La publication de cet ouvrage est l’occasion pour l’équipe éditoriale de s’interroger sur les écarts constatés entre les témoignages scripturaires et la réalité mise au jour par les recherches archéologiques (p. 1-22). Ces écarts permettent aussi d’engager une réflexion plus large sur les liens entre paganisme et christianisme, et sur la coexistence des différents cultes à l’époque concernée. De fait, par leurs différentes contributions, et sous l’angle de l’archéologie et de l’étude des sources anciennes, les auteurs apportent un éclairage original sur les transformations religieuses et sociales qui se sont produites à la fin de l’Antiquité. Parmi les contributions les plus stimulantes de cet ouvrage, nous en signalerons trois.

R. S. Bagnall évoque des questions méthodologiques liées à la problématique générale « Du temple à l’église ». Il relève la nécessité d’une étude critique des sources écrites, notamment en ce qui concerne la stratégie littéraire des auteurs qui transmettent un témoignage sur un événement précis de destruction ou de réinvestissement d’un lieu de culte. Par ailleurs, il insiste sur la multiplicité des facteurs qui conduisent à l’abandon, la destruction et la réutilisation d’un sanctuaire : le facteur religieux n’est pas toujours prépondérant.

H. Saradi présente des témoignages concrets de transformation de lieux de culte païens en églises chrétiennes, à partir d’une lecture critique des écrits hagiographiques du IVe au VIIe siècle. Elle montre l’évolution du témoignage des Saints et de la violence exprimée à l’égard des cultes païens au fil des siècles et des changements politiques, sociaux et religieux. D. Bar s’attache à la réévaluation du processus de christianisation de la Palestine qu’il considère comme moins générale et moins rapide que ce qui était affirmé jusque-là par les témoignages anciens et modernes. Mise à part la ville de Jérusalem qui fut transformée très tôt en cité chrétienne, la situation est beaucoup plus complexe et beaucoup moins uniforme dans d’autres cités (Scythopolis, Césarée de Philippe) ou dans des régions plus reculées de Palestine. L’auteur montre, par exemple, que des cultes païens subsistaient encore à une époque tardive et que certains lieux de cultes païens n’ont pas été systématiquement détruits ou réutilisés.

Chaque contribution est accompagnée d’une bibliographie importante, et plusieurs chapitres de cet ouvrage comportent des illustrations et des plans. Signalons également, aux p. 182-197, la transcription et la traduction commentées de fragments coptes (« Let our eyes ») d’un écrit de Shenoute, chef charismatique d’un monastère égyptien (fin du IVe siècle – première moitié du Ve siècle), bien connu pour sa lutte contre le paganisme.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°1, p. 123-124

 

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Jeremy Narby, Francis Huxley (éd.), Anthologie du chamanisme. Cinq cents ans sur la piste du savoir, Paris, Albin Michel, 2009, 347 pages (Espaces libres, 206), ISBN 978-2-226-19109-0, € 9.

Review : Thierry LEGRAND

 

Rassemblant des articles scientifiques, des témoignages, des récits de voyages et des écrits divers, cet ouvrage présente plus de soixante textes passionnants sur le chamanisme. L’originalité de ce livre réside dans son classement chronologique des témoignages : depuis les récits de voyageurs au XVIe siècle jusqu’aux dialogues des scientifiques modernes avec les chamanes d’Amazonie, en passant par les débuts de l’anthropologie au XIXe siècle et le néo-chamanisme des années soixante-dix. Ce classement en sept périodes permet de prendre conscience de la lente évolution des mentalités religieuses et scientifiques vis-à-vis d’un sujet qui n’a cessé d’intriguer et d’embarrasser la communauté humaine, les ethnologues et les anthropologues.

D’un point de vue formel, chaque texte reproduit dans cet ouvrage est accompagné d’une introduction qui présente brièvement le contexte et les protagonistes, ainsi que des éléments descriptifs de l’expérience chamanique réalisée ou observée. Les témoignages sont classés selon sept périodes historiques (de 1535 à l’an 2000), et chacune de ces périodes fait l’objet d’une introduction qui évoque la perception que l’on avait des rites chamaniques et des chamanes à une époque donnée et récapitule les avancées scientifiques en matière de chamanisme. Le chapitre final intitulé « Sources et autorisation » (p. 327-338) fournit de nombreuses informations bibliographiques, mais il manque une bibliographie générale et raisonnée sur le sujet.

Les A. de ce livre captivant ont accompli un travail de classement et d’analyse des textes qui s’avère utile pour tous ceux qui tentent de comprendre un phénomène religieux complexe et déroutant. Mais il s’agit là d’une anthologie qu’il sera nécessaire de compléter par quelques ouvrages spécialisés comme, par exemple, ceux de M. Perrin ou de P. Vitebsky et l’incontournable étude de M. Éliade : Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase, Paris, Payot, 1968.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°1, p. 125

 

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François Henri Stanislas Delaulnaye, Thuileur de l’Écossisme. Édition critique avec présentation et documents inédits, par Claude Rétat, Paris, Dervy, 2007, 627 pages, ISBN 978-2-84454-323-3, € 23.50.

Review : Thierry LEGRAND

 

Ce livre contient la réimpression de l’édition de 1821 d’un ouvrage célèbre dans le monde maçonnique : le Thuileur de l’Écossisme, aussi désigné sous le nom de Thuileur de Delaulnaye. C. Rétat, chargé de recherche au CNRS, en donne ici une édition critique qui impressionne le lecteur non spécialiste.

Le tuileur (orthographe moderne) est un officier de loge maçonnique dont la responsabilité est de « tuiler », c’est-à-dire de vérifier si un membre qui se déclare franc-maçon l’est effectivement. Il a la charge « d’expertiser » les nouveaux membres ou les membres qui pourraient provenir d’une autre loge ; on le considère ainsi comme un gardien vis-à-vis de l’extérieur, mais aussi à l’intérieur même du monde maçonnique (p. 13). Par extension, le terme « tuileur » en est venu à désigner les ouvrages ou aide-mémoires, cryptés ou en clair, qui contenaient l’essentiel des informations à connaître pour « tuiler » un franc-maçon. Le « genre » du tuileur imprimé permettait de limiter les dérives liées à une tradition orale franc-maçonnique devenue trop disparate.

Le Thuileur de l’Écossisme édité en 1821 corrige le texte de l’édition de 1813 et le complète d’une centaine de pages. En produisant cette nouvelle édition, F. H. S. Delaulnaye ne cherchait pas seulement à améliorer le texte de la première édition, mais réagissait également à la parution, en 1820, d’un nouveau tuileur, le Manuel Maçonnique de Vuillaume, qui faisait concurrence à son Thuileur de l’Écossisme.

Dans cette édition critique présentée par C. Rétat, le Thuileur de l’Écossisme est accompagné d’une édition des variantes de la seconde édition par rapport à la première (p. 537-556). Plusieurs planches et documents viennent compléter cet ouvrage. L’ensemble est introduit par une longue présentation fort détaillée (p 7-90) qui précise le vocabulaire maçonnique, éclaire le contenu du Thuileur de l’Écossisme et présente son auteur, François Henri Stanislas Delaulnaye (1759-1830), passionné de religion et de franc-maçonnerie.

Ce dernier s’engagera dans la rédaction d’une grande Histoire des religions dont il fera paraître des extraits dans Le Moniteur, journal officiel à l’époque de la Révolution française. Mais l’ouvrage restera inachevé. L’édition de C. Rétat est passionnante, et l’on souhaiterait s’y investir davantage, mais le Thuileur de Delaulnaye demeure un ouvrage déroutant pour le lecteur non-initié à la franc-maçonnerie.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°1, p. 125-126

 

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Dorothy M. Peters, Noah Traditions in the Dead Sea Scrolls. Conversations and Controversies of Antiquity, Leiden – Boston, Brill, 2009, XXIII + 248 pages (SBL – Early Judaism and Its Literature, 26), ISBN 978-90-04-16915-9, € 104.

Review : Thierry LEGRAND

 

Chargée d’enseignement en sciences bibliques et religieuses à la Trinity Western University de Langley (Canada), l’A. a consacré une grande partie de ses recherches aux écrits de Qumrân et aux traditions noachiques ; elle nous livre ici la synthèse de ses recherches. L’ouvrage est destiné aux spécialistes, il fait partie d’un ensemble d’études transversales qui traitent d’une thématique précise à l’intérieur du vaste champ des études qumrâniennes. Les manuscrits étant désormais tous accessibles dans des éditions scientifiques, l’heure est au bilan et aux recherches thématiques croisées.

L’ouvrage se présente sous la forme d’un parcours analytique qui s’enracine dans les traditions bibliques sur Noé (Genèse, Ézéchiel et le Deutéro-Ésaïe) pour traverser l’ensemble du corpus qumrânien. L’initiative n’est pas nouvelle, mais la recherche de l’A. a, entre autres, le mérite de l’exhaustivité, puisqu’elle étudie tour à tour les grands écrits qumrâniens comme Jubilés, 1 Hénoch et l’Apocryphe de la Genèse (1Q20) et des écrits très fragmentaires comme 1QNoah (1Q19), 4QNaissance de Noé (4Q534-536) ou 4QAges of Creation A-B (4Q180-181).

La structure de l’ouvrage cherche à mettre en évidence les différentes traditions qumrâniennes sur Noé en distinguant les aspects linguistiques d’une part (textes hébreux et textes araméens), et les aspects chronologiques et identitaires d’autre part (écrits sectaires et écrits pré-sectaires). Le terrain est ici très délicat compte tenu des débats actuels vivaces sur trois sujets : 1) l’identité des rédacteurs des manuscrits qumrâniens ; 2) l’histoire de la (ou des) communauté(s) installée(s) à Qumrân ; 3) l’origine des écrits retrouvés dans les grottes de Qumrân.

Les recherches de l’A. aboutissent à quelques conclusions importantes que nous tentons de résumer ici (cf. p. 173-189). La figure de Noé est particulièrement présente dans les écrits qumrâniens, notamment dans les manuscrits rédigés en araméen. Cette constatation appelle un questionnement sur son rôle, son statut archétypal et la place qu’il tenait par rapport à Moïse. L’A. constate l’émergence de deux figures sensiblement différentes : le « Noé hébreu » et le « Noé araméen ». Le premier est davantage associé aux thèmes de l’Alliance, de la bénédiction, de la repentance et de la séparation entre justes et impies. Le second (le Noé « araméen ») nous est présenté sous les traits de la sagesse et de la science, un être visionnaire, récepteur des révélations divines, en contact avec le monde céleste. La coexistence de ces deux figures ou archétypes révèle tout un processus de réflexion et de discussion au sein même de la communauté qui nous a transmis ces écrits.

Soulignons que cet ouvrage présente de nombreuses qualités scientifiques et ouvre de nouvelles perspectives concernant, notamment, l’évolution de la pensée religieuse qumrânienne et l’apport du corpus de textes araméens. Qu’il nous soit cependant permis d’exprimer ici un regret : les traditions néotestamentaires et celles d’autres écrits juifs anciens auraient pu être mieux prises en compte ; elles auraient certainement apporté un éclairage intéressant sur l’interprétation des traditions noachiques au tournant de notre ère.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°1, p. 126-127

 

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Léon Askénazi, La parole et l’écrit. II. Penser la vie juive aujourd’hui. Textes réunis et présentés par Marcel Goldmann, Paris, Albin Michel, 2004, 647 pages (Présences du judaïsme), ISBN 978-2-226-15433-0, € 25.

Review : Thierry LEGRAND

 

Philosophe et théologien engagé du monde juif contemporain, l’A. (1922-1996), très connu aujourd’hui sous le nom de « Manitou », fait partie des penseurs juifs qui ont marqué le XXe s. Ses réflexions sur l’identité juive et son engagement pour un dialogue ouvert avec l’islam et le christianisme (cf. p. 577-609) lui ont conféré une renommée internationale.

Faisant suite à un premier tome des écrits de l’A. (La parole et l’écrit. I. Penser la tradition juive aujourd’hui, Paris, Albin Michel, 1999), le présent ouvrage rassemble, en une somme considérable, plus d’une centaine de textes issus de conférences, d’exposés, de causeries ou de courts articles publiés dans différents journaux. Dans ce deuxième tome, M. Goldmann a classé sous des rubriques très générales (« Universalité, exils et solitude », « Questions et réponses pour aujourd’hui », etc.) un ensemble d’essais théologiques et philosophiques très variés, traversés, pour l’essentiel, par la question de l’identité juive. L’A. développe une réflexion passionnante sur ce thème, qui s’enracine dans son expérience personnelle de juif séfarade connaissant parfaitement la tradition ashkénaze, ayant vécu en Algérie, en France et en Israël. Convaincu de la nécessité pour le peuple juif d’un retour à l’identité hébraïque (cf. p. 8), il revient constamment sur les thèmes de l’exil et de la diaspora, sur la notion de communauté, d’universalité et d’identité.

Parmi les nombreux essais stimulants de ce monument constitué de « paroles » et d’« écrits », nous avons particulièrement apprécié trois articles sur le messianisme (p. 414-430) et une réflexion intéressante sur la méthode universitaire d’enseignement de la culture juive par rapport à l’enseignement traditionnel transmis dans les yeshivot (« L’héritage du judaïsme et l’Université », p. 315-321). Enfin, une série d’articles brefs abordant le thème du dialogue judaïsme-christianisme mérite l’attention du lecteur (p. 577-602). Concluons en disant qu’il n’est pas nécessaire d’être un spécialiste du judaïsme pour apprécier cet ouvrage. Il est certes volumineux, mais la multitude et la variété des contributions qu’il contient permettent différentes entrées.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°1, p. 128-129

 

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Andrew Rippin (éd.), The Blackwell Companion to the Qurān, Oxford, Wiley-Blackwell, 2008, XIII + 560 pages (Blackwell Companions to Religion), ISBN 9781405188203, £ 24.99.

Review : Thierry LEGRAND

 

Dans la série des manuels qui introduisent aux grands corpus d’écrits sacrés, aux religions et aux questions religieuses contemporaines, ce volume de Blackwell rassemble des contributions accessibles qui offrent un éclairage actuel sur toutes les questions touchant au Coran. Réalisé par une équipe internationale de 31 chercheurs, placée sous la houlette d’un des meilleurs spécialistes du Coran, A. Rippin, l’ouvrage s’organise autour de cinq grandes sections qui abordent la contextualisation du Coran, le texte coranique, sa formation, son contenu, son interprétation au fil des siècles et les enjeux d’une lecture actuelle. Chacune des 32 contributions est accompagnée de références bibliographiques thématiques.

Sans pouvoir détailler l’ensemble de l’ouvrage, nous en évoquerons la section centrale consacrée au contenu littéraire et théologique du Coran. A. Rippin (p. 223-223) s’intéresse en premier lieu à la conception de Dieu qui se dégage du Coran : Dieu unique, Dieu de la Révélation, omniscient et tout-puissant, le Dieu du Coran est présenté sous l’angle de la royauté et du jugement, mais aussi de l’alliance. U. Rubin (p. 234-247) aborde le thème classique de la notion prophétique dans le Coran en évoquant le statut des nombreux personnages coraniques qualifiés de « prophètes », ou d’« envoyés » d’Allah. Ces derniers jouent le rôle d’« avertisseurs » du peuple et de témoins lors du jugement, mais leur message s’est heurté au rejet global des nations. Une contribution de K. Zebiri traite des procédés argumentatifs rencontrés dans le Coran (p. 266-281) ; celle d’A. H. Mathias Zahniser concerne la notion de connaissance humaine et de connaissance divine dans le Coran (p. 282-297). K. Mohammed (p. 298-307) aborde le thème de la famille, des femmes et de la sexualité dans les sourates, en montrant de quelle manière le Coran reflète les réalités sociales de son milieu producteur et les conceptions de son époque. La dernière étude de cette section aborde la question toujours sensible du jihad en offrant quelques trop brèves réflexions sur l’utilisation de cette notion à la période contemporaine (p. 308-319). On signalera aussi la bonne synthèse de M. Carter (p. 120-139) sur le vocabulaire coranique et les controverses anciennes et modernes concernant la question des termes d’origine étrangère que le Coran semble transmettre.

L’ouvrage est accompagné d’une bibliographie imposante de plus de 800 titres, d’un index des références coraniques et d’un index thématique qui semble très complet. On regrettera l’absence de quelques cartes, d’une chronologie et d’une liste des sourates, mais indépendamment de ces détails, ce manuel est à conseiller à tous ceux qui cherchent une lecture guidée du Coran.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°1, p. 129-130

 

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François Déroche, La transmission écrite du Coran dans les débuts de l’islam. Le codex Parisino-petropolitanus, Leiden – Boston, Brill, 2009, 590 pages (Texts and Studies on the Qurān, 5), ISBN 978-90-04-17272-2, € 199.

Review : Thierry LEGRAND

 

Spécialiste des langues sémitiques et des études coraniques, l’A. prépare le catalogue des manuscrits coraniques de la Bibliothèque Nationale. Travaillant depuis de nombreuses années sur le codex Parisino-petropolitanus, il en présente ici une étude précise et documentée qui fait honneur à la collection.

L’ouvrage comporte deux grandes sections : une présentation du codex et de l’histoire de la tradition coranique manuscrite (p. 1-208) ; la transcription arabe des fragments de ce manuscrit dans une pagination numérotée en chiffres arabes (1 à 383). Aux p. 185-208, on pourra admirer une série de 28 planches qui permettent de se faire une idée de la variété des styles et des caractéristiques des écritures coraniques anciennes. Les index des manuscrits et des noms propres sont situés au centre de l’ouvrage (p. 181-184).

Le premier chapitre est consacré à l’histoire complexe de la transmission du codex Parisino-petropolitanus. Celui-ci fut découvert au XVIIIe siècle à Fostat, en Égypte, dans un recoin de la Mosquée Amr où l’on entreposait les vieux manuscrits et les vieux objets. La plupart des fragments sont aujourd’hui conservés à la Bibliothèque Nationale de France et à la Bibliothèque Nationale de Russie, à Saint Pétersbourg, mais un folio se trouve encore à la Bibliothèque Vaticane et un autre dans une collection privée à Londres.

Le deuxième chapitre présente une analyse codicologique très détaillée de ce manuscrit qui devait comporter à l’origine 210 à 220 folios. L’état des fragments rassemblés est suffisamment satisfaisant pour que l’on puisse déchiffrer 45 % du texte coranique, mais le début et la fin du manuscrit n’ont pas été préservés. L’étude de ces fragments permet de repérer l’intervention de cinq copistes différents (notés A, B, C, D, E), mais le manuscrit présente également de multiples traces de retouches contemporaines ou postérieures à la copie des différentes sections du Coran. La collaboration d’un aussi grand nombre de copistes s’explique peut-être par la nécessité de disposer dans un bref délai d’une nouvelle copie du Coran. Du point formel, la séparation entre les sourates est matérialisée par une ligne vide (excepté la sourate 9). La fin des versets est indiquée par des signes (points d’encre) qui varient d’un copiste à l’autre. Les nombreuses corrections apportées à ce manuscrit témoignent d’un usage intensif sur une période d’au moins deux siècles. Ainsi, les titres des sourates, initialement absents, ont été ajoutés à l’encre rouge et le regroupement des versets en dizaines témoigne également de l’évolution de la présentation du texte coranique. Par ailleurs, la présence de signes diacritiques ajoutés au texte original témoigne d’une volonté de préciser la lecture coranique ou sa récitation.

Au chapitre 3, l’éditeur s’attache à relever les nombreuses particularités orthographiques du codex Parisino-petropolitanus en le comparant notamment à l’édition coranique dite « du Caire ». Le chapitre suivant (p. 77-108) traite des questions relatives à la division du texte coranique en versets. De fait, des marques de fin de verset ont été supprimées ou ajoutées sans que l’on puisse toujours préciser la chronologie de ces modifications. Le codex étudié présente ainsi les caractéristiques d’un manuscrit retouché au fil des siècles et témoigne de l’évolution des pratiques liturgiques. Le dernier chapitre et la conclusion replacent le codex Parisino-petropolitanus dans l’histoire de la tradition coranique manuscrite (p. 109-169). Selon l’éditeur, l’écriture des copistes serait caractéristique du style hijāzī, marqué notamment par l’inclinaison des alifs et l’élongation verticale de l’écriture. La scriptio defectiva constitue une autre caractéristique de ce codex, mais son emploi varie d’un copiste à l’autre. En résumé, le codex Parisino-petropolitanus est représentatif des copies du Coran réalisées dans le seconde moitié du VIIe siècle ou un peu après (p. 157) ; il serait un témoin proche de la vulgate uthmanienne du Coran, sans pour autant s’y conformer totalement. De fait, à cette époque, il semble que le processus de canonisation du Coran ne soit pas encore achevé.

S’il est encore difficile de préciser le lieu de rédaction de ce codex – à Fostat, en Syrie ou ailleurs –, il paraît clair que le ou les commanditaires de ce Coran devaient être « des personnages de premier plan au sein de la communauté musulmane de l’époque » (p. 161). Par ailleurs, la copie de cet exemplaire semble avoir été destinée à un usage public. L’ouvrage, en tout point remarquable, est destiné à un public d’experts ; il fera date dans l’histoire des publications des manuscrits coraniques.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°1, p. 130-131

 

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Joachim Gnilka, Qui sont les chrétiens du Coran ? Traduit de l’allemand par Charles Ehlinger, Paris, Cerf – MédiasPaul, 2008, 175 pages, ISBN 978- 2-204-08701-8, € 18.

Review : Thierry LEGRAND

 

Dans cet ouvrage, l’A, professeur de Nouveau Testament à Munich, aborde un sujet sensible et d’actualité, celui des origines du Coran et des influences qui ont marqué sa formation. Connu de la recherche comparatiste, ce sujet a été peu traité dans des ouvrages scientifiques, et il faut souligner l’intérêt de la démarche de l’A. qui n’a pas succombé aux pièges d’une lecture apologétique ou à l’attrait du concordisme.

L’essentiel de sa thèse porte sur l’identification d’une des premières branches du christianisme associée au nom des « Nazaréniens » (nasâra). À partir d’une étude synthétique des passages coraniques relatifs aux Nazaréniens (sourates 2, 3 et 5), l’A. cherche à préciser le visage de ce groupe mentionné dans un contexte polémique, en lien avec les Juifs (p. 19-29). Les données coraniques sont ici assez limitées et ne donnent qu’une image imprécise, voire contradictoire de ce groupe. L’A. est ainsi conduit à revenir sur le dossier classique et toujours débattu concernant les termes « nazarénien / nazôréen » et la désignation par le nom de « chrétiens » des adeptes de Jésus (p. 31-39). Il prolonge son étude de l’histoire des Nazaréniens par une analyse du contexte et des tensions dans lesquels les toutes premières communautés chrétiennes de Jérusalem se sont développées (p. 41-85). La question de l’intégration ou du rejet des lois juives et la problématique de l’ouverture aux païens ont constitué des lieux de tensions qui divisèrent le christianisme naissant. L’A. s’interroge sur l’influence possible des communautés judéo-chrétiennes sur le milieu dans lequel vont surgir l’islam et le Coran.

La seconde partie de l’ouvrage est alors consacrée à l’étude des matériaux néotestamentaires repérables dans le Coran (p. 87-109). L’A. relève, entre autres, une proximité entre l’Évangile de Matthieu et le Coran, et l’absence de traditions relatives à Paul ou à sa théologie dans les traditions coraniques. Par ailleurs, les traditions véhiculées par certains écrits apocryphes chrétiens semblent connus du Coran. Cet ensemble de remarques permettent à l’A. d’évoquer l’existence d’un lien entre les milieux judéo-chrétiens et les communautés chrétiennes en contact avec Mahomet au début de son ministère. De fait, par le Coran et les traditions musulmanes, on sait que le Prophète fréquentait les milieux chrétiens et que certains membres de sa famille et de son entourage appartenaient à ces communautés ou avaient été en contact avec elles. Traitée en finale, d’une manière un peu rapide, la question du rapport entre les traditions juives vétérotestamentaires et le Coran vient conforter la thèse générale de l’ouvrage : une forme de judéo-christianisme, marquée par le respect de la Loi, les traditions matthéennes, le rejet de l’apôtre Paul et la connaissance de traditions apocryphes, a pu influencer la rédaction de l’écrit fondateur de l’islam. Un dernier chapitre, un peu inattendu, concerne les inscriptions du dôme du Rocher à Jérusalem. Il entraîne l’A. dans une réflexion sur les origines de l’islam, le statut de Jésus par rapport au Prophète Mahomet, et le dialogue possible entre les trois monothéismes. Sans être révolutionnaires, les thèses de ce livre n’en sont pas moins intéressantes et stimulantes à un moment où le dialogue avec l’islam est plus que jamais nécessaire. Certes, on aurait aimé des analyses plus fouillées et plus développées des passages coraniques concernés, mais l’ouvrage vise un lectorat assez large, et l’A ne présente sans doute que la synthèse de ses recherches. Signalons qu’il a également publié un petit ouvrage très stimulant (Bibel und Coran, Freiburg im Breisgau, Herder, 2004) sur les liens qui unissent la Bible et le Coran, le judaïsme, le christianisme et l’islam.

L’ouvrage est malheureusement resté sans traduction française, alors que, dans ce domaine, les outils scientifiques font encore cruellement défaut.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°1, p. 146-147

 

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Walid A. Saleh, In Defense of the Bible. A Critical Edition and an Introduction to al-Biqāī’s Bible Treatise, Leiden – Boston, Brill, 2008, VIII + 223 pages (Islamic History and Civilization, 73), ISBN 978-90-04-16857-2, € 99.

Review : Thierry LEGRAND

 

L’A., professeur associé à l’Université de Toronto, est un spécialiste de l’exégèse coranique (Tafsīr). Son livre est tout entier consacré à une oeuvre majeure du commentateur musulman Al-Biqāīs (fin du XVe siècle), le traité Al-Aqwāl (titre arabe abrégé), un ouvrage de défense précisant le point de vue de l’auteur quant à l’utilisation de la Bible hébraïque et des Évangiles dans l’interprétation du Coran.

Pour comprendre l’importance de la publication d’un tel traité, il est nécessaire de rappeler brièvement le contexte et l’occasion qui présidèrent à sa rédaction. Al-Biqāī, interprète reconnu pour sa fidélité à la Sunna, avait préalablement rédigé un important commentaire du Coran en utilisant les sources bibliques. La référence aux écrits bibliques n’était pas chose nouvelle dans l’histoire de l’exégèse coranique : on utilisait régulièrement les citations bibliques dans un contexte polémique, pour attaquer le judaïsme ou le christianisme, ou à des fins apologétiques, pour affirmer par exemple que la mission de Mahomet était inscrite dans les corpus sacrés antérieurs au Coran. La particularité du commentaire d’Al-Biqāī résidait dans le fait que cet auteur citait directement les références bibliques sur la base des traductions bibliques arabes, et qu’il utilisait la Torah et les Évangiles pour mieux interpréter le Coran. Ce commentaire du Coran suscita à son époque de vives réactions dans la communauté musulmane et parmi les commentateurs reconnus du Coran (cf. Al-Sakhāwī). En conséquence, Al-Biqāī fut accusé d’hérésie, et son commentaire voué à la destruction. Pour répondre aux attaques multiples qui mettaient en cause ses compétences et sa foi, Al-Biqāī rédigea vers 1480 le traité Al-Aqwāl (The Just Verdict on the Permissibility of Quoting from Old Scriptures), un ouvrage imposant qui développait les arguments de l’auteur en faveur de l’utilité et même de la nécessité d’utiliser la Torah et les Évangiles pour commenter le Coran. Il allait jusqu’à justifier cet usage en faisant référence au Coran lui-même, à Mahomet, et aux commentateurs musulmans qui l’avaient précédé. Contrairement à toute attente, ce traité semble avoir circulé dans le monde islamique de l’époque. Il témoigne de l’intérêt que certains commentateurs musulmans ont porté aux arguments d’Al-Biqāī sur l’importance de la Bible comme texte de référence.

Saleh confirme, dans son introduction (p. 1-48), l’importance d’une édition critique du traité Al-Aqwāl pour mieux comprendre les débats qui agitaient les spécialistes de l’exégèse coranique du XIVe au XVIe siècle. Son édition est basée sur le manuscrit arabe Escurial 1539, mais elle tient compte des trois autres témoins de cet écrit : le Dar al-Kutub, tafsīr 49a, le Dar al-Kutub, tafsīr 1269 et le manuscrit arabe Escurial 1540. L’édition du texte arabe est pourvue d’un apparat critique assez peu développé, mais une série d’index permet de retrouver les références des textes auxquels Al-Biqāī fait allusion dans son traité. L’ouvrage comporte quelques photographies des manuscrits utilisés dans cette édition.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°1, p. 148-149

 

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John Hinnells (éd.), The Routledge Companion to the Study of Religion, Second Edition, London – New York, Routledge, 2010, XIII + 610 pages, ISBN 978- 0-415-47328-6, $ 115.

Review : Thierry LEGRAND

 

Depuis quelques années, les éditions Routledge publient une série de manuels (Companion) dans de nombreux domaines comme les sciences, l’art, l’économie, la littérature, la religion et de nombreux autres champs. Il existe, par exemple, un manuel du doctorant (The Routledge Doctoral Student’s Companion, 2010) utile pour les étudiants en théologie. Le volume présenté dans ces quelques lignes vise à couvrir le vaste champ des sciences religieuses, autant dire que le projet est ambitieux. L’éditeur, John Hinnells, est un spécialiste du zoroastrisme dans ses formes contemporaines (voir l’énorme somme : The Zoroastrian Diaspora, Oxford, 2005), mais ses connaissances dans le domaine des sciences religieuses lui ont permis de diriger plusieurs entreprises éditoriales de grande ampleur (par exemple The New Penguin Handbook of Living Religions, dernière édition, 2003).

Après une introduction générale qui porte sur l’intérêt de l’étude des religions et la nécessaire contextualisation des phénomènes religieux, on lira une notice synthétique fort intéressante sur l’histoire des sciences religieuses dans les cinquante dernières années (G. D. Alles, p. 39-55). L’ouvrage propose alors une série de 29 chapitres, répartis sur trois grandes sections. La première section (« Key approaches to the study of religions », p. 73-242) s’intéresse aux questions épistémologiques et aux différents champs de la recherche dans le domaine des religions : philosophie, sociologie, anthropologie, psychologie, phénoménologie, comparatisme… et théologie. Chaque notice est accompagnée d’une bibliographie assez conséquente sur le sujet abordé.

La section intitulée « Key topics in the study of religions » (p. 243-441) offre un éclairage moderne sur les grands sujets abordés dans un cours de sciences religieuses : la question du genre, la sécularisation, le fondamentalisme, le pluralisme, les autorités religieuses, mais aussi le mythe, le mysticisme et l’herméneutique. Il n’est pas évident de comprendre ce qui a présidé au choix de ces différents sujets et à leur ordre de classement dans cet ouvrage : les notices apparaissent totalement indépendantes les unes des autres, et les approches sont assez différentes.

Le titre général, un peu « fourre-tout », de la troisième section (« Religions in the modern world », p. 443-580) permet de rassembler des contributions diverses sur les questions modernes qui interpellent le domaine des religions : l’économie, la culture, l’environnement, la diaspora, la politique, les médias, etc. On lira ici avec intérêt la notice « Religion and the environment » (p. 492-508) rédigée par le professeur de philosophie R. S. Gottlieb.

Ce volume manque d’unité, mais la chose s’explique sans doute par le genre de la collection et le fait qu’il s’agisse d’un collectif (31 contributeurs). Les notices, denses et parfois difficiles, sont rédigées par des A. anglais et américains de renommée internationale. On regrette cependant que l’éditeur n’ait pas cherché à faire appel à quelques spécialistes français, suisses ou allemands, pour offrir au lecteur une vision moins anglo-américaine du champ des sciences religieuses.

On trouvera, en fin d’ouvrage, un glossaire bien fait d’environ 200 termes ou expressions techniques. L’index final des noms propres et des thèmes abordés est assez exhaustif et permet de croiser les données. Cet ouvrage sera utile aux étudiants avancés qui s’intéressent à la sociologie et à l’anthropologie religieuses, et plus largement à la question de la pertinence des religions dans le monde contemporain.

 

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°1, p. 89-90

 

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Jan N. Bremmer (éd.), The Strange World of Human Sacrifice, Leuven – Paris – Dudley, Peeters, 2007, XI + 268 pages (Studies in the History and Anthropology of Religion, 1), ISBN 978-90-429-1843-6, € 42.

Review : Thierry LEGRAND

 

Peu d’études sont consacrées au thème difficile du sacrifice humain ; cet ouvrage vient ainsi combler une lacune importante dans le vaste domaine des pratiques sacrificielles. De la civilisation aztèque à la Chine en passant par le monde grec et l’Égypte, douze spécialistes internationaux présentent leurs recherches dans ce domaine, en étudiant une documentation textuelle diverse et quelques données archéologiques.

Une introduction de l’éditeur, Jan N. Bremmer, replace la question du sacrifice humain dans le contexte des sociétés antiques et modernes, en s’appliquant à poser les questions essentielles : quels sont les acteurs des sacrifices humains, et dans quels types de sociétés cette pratique s’est-elle développée ? Quelle était la condition sociale des êtres sacrifiés, quel traitement leur faisait-on subir, et dans quel but ? Pour quels dieux et dans quel cadre religieux pratiquait-on ces sacrifices ? Quels lieux (porte de la ville, centre du village, espaces sacrés, etc.) étaient réservés à de telles pratiques ? Sans oublier la question cruciale du traitement des sources : décrivent-elles des pratiques avérées ou sont-elles évoquées pour induire la réflexion des lecteurs ou à des fins polémiques ?

Dans une première contribution, M. Graulich présente la variété des sacrifices humains et leur valeur expiatoire dans le monde aztèque (p. 9-30). L’étude détaillée de J. Borsje évalue l’importance du motif littéraire du sacrifice humain dans la littérature médiévale irlandaise (p. 31-54) ; elle y étudie plus précisément les différents types de sacrifices décrits. La contribution suivante, de J. N Bremmer (p. 55-79), reprend le cas, souvent étudié, des sacrifices humains en Grèce, en évoquant brièvement les sacrifices offerts à Cronos, ainsi que le mythe de Polixène, la vierge sacrifiée, repris dans l’oeuvre d’Euripide (Hécube). L’A. s’attache ensuite à préciser le cadre des sacrifices humains offerts à Zeus Lykaios, en Arcadie et leurs rapports avec des faits réels. La contribution de L. Roig Lanzillotta (p. 81-102) reprend le sujet classique et passionnant des accusations de sacrifices d’enfants ou de cannibalisme dans les écrits chrétiens et non-chrétiens des premiers siècles de notre ère. Il montre comment ce thème, surtout véhiculé par les apologistes chrétiens (Tertullien et Minicius Félix), accompagne le développement du christianisme de la fin de l’Antiquité.

Cet ouvrage présente encore d’autres études très stimulantes comme celle du professeur Ed. Noort (p. 103-125) sur la question épineuse des sacrifices humains dans l’Israël ancien, ou celle qui concerne les sacrifices humains à l’époque védique (A. Parpola, p. 157-177). Signalons encore l’excellente étude de L. Van den Bosch (p. 195-227) sur le sacrifice humain chez les Konds (à l’est de l’Inde, Orissa), une région où de telles pratiques existaient encore au XIXe siècle lorsque les colons britanniques investirent la péninsule indienne. L’A. rappelle les faits et reconstitue l’histoire des Konds et de leurs pratiques religieuses à partir des témoignages des premiers colons et des historiens des religions. Il relève les écarts entre ce qui a été raconté par le passé et ce que nous savons aujourd’hui de cette ethnie et de ses coutumes. La contribution de Van den Bosch est représentative de l’orientation générale de cet ouvrage : l’analyse critique des sources et l’étude comparée de différents documents (écrits, traditions orales, témoignages de voyageurs et restes archéologiques) constituent les éléments fondamentaux de la démarche scientifique, notamment lorsqu’il s’agit d’appréhender un sujet aussi difficile que celui des sacrifices humains. Ainsi, l’ouvrage est intéressant par le sujet qu’il aborde, mais aussi par les questions de méthodologie mises en évidence au fil des études de cas. Une analyse sérieuse des sources est alors indissociable d’une étude précise du contexte historique et sociologique dans lequel les faits étudiés se sont déroulés.

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°1, p. 92-93

 

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Charles S. Prebish, Damien Keown (éd.), Introducing Buddhism. Second Edition, London – New York, Routledge, 2010, 322 pages (World Religions), ISBN 978-0-415-55001-7, € 39.95.

Review : Thierry LEGRAND

 

Les éditeurs de l’imposante Encyclopedia of Buddhism (Routledge, 2007) rassemblent dans un ouvrage de taille raisonnable, à destination d’un large public, les éléments essentiels à la connaissance du bouddhisme. Ce type de manuel s’avère très utile pour comprendre, d’une part la diversité des formes du bouddhisme asiatique, et d’autre part le développement du bouddhisme dans les régions occidentales ainsi que l’impact de cette religion sur les sociétés modernes.

L’ouvrage, fidèle aux principes de la collection, présente un texte aéré, facile à lire, dans lequel ont été insérés des illustrations et de multiples encarts (textes, listes, témoignages, etc.). L’approche éditoriale est résolument pédagogique, et l’on trouvera, par exemple, pour chaque chapitre, les éléments qu’il est nécessaire de connaître (« Key points you need to know »). Cette démarche un peu scolaire montre vite ses limites lorsqu’on entre dans la complexité du bouddhisme. Mais il s’agit là d’un manuel pour débutants, et l’effort de synthèse est louable, notamment parce qu’il conduit souvent le lecteur à vérifier les connaissances acquises.

Les Éd. ont distribué la matière de manière assez classique. Une première section présente le contexte culturel et religieux de l’Inde dans lequel le bouddhisme a pris naissance. Le Bouddha (naissance au Ve siècle, vie et mort, reliques) et ses principaux enseignements (Dharma) font l’objet d’un autre chapitre. Viennent ensuite l’étude de la communauté monastique bouddhiste (sangha) et la présentation du Vinaya Pitaka – section importante du canon pāli – qui permet d’organiser et de réguler la vie monastique. La deuxième section s’intéresse aux développements du bouddhisme, à partir du IVe siècle avant notre ère et jusqu’à son déclin en Inde à la fin du Moyen Âge. Les A. abordent également les questions relatives à la compilation des écrits fondateurs et au développement de la construction des stupas sous le règne d’Ashoka (IIIe siècle). La troisième partie traite des développements du bouddhisme au Tibet, en Asie du sud-est, en Chine, en Corée et au Japon. Une attention spéciale est accordée aux développements du bouddhisme tibétain (depuis son implantation au VIIe siècle jusqu’à nos jours). La dernière partie de l’ouvrage est consacrée au déploiement du bouddhisme dans les sociétés occidentales et aux principes éthiques développés tout au long de son histoire. Les A. concluent par quelques bonnes pages sur l’histoire et le développement des études bouddhologiques et les orientations de la recherche contemporaine dans ce domaine.

L’ouvrage comporte une série de cartes qui précisent les différentes implantations du bouddhisme et son déploiement géographique au travers des siècles. Un premier index offre une chronologie assez détaillée de l’histoire du bouddhisme. Le deuxième index, fort utile, précise le contenu des différents canons de textes fondateurs : le canon pāli, chinois et tibétain. Un imposant glossaire des termes techniques (environ 350 entrées) et un index général, complètent avantageusement cette introduction qui sera utile à tous ceux qui cherchent une porte d’entrée dans l’univers du bouddhisme.

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°1, p. 93-94

 

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Rachel Hachlili, Ancient Mosaic Pavements : Themes, Issues, and Trends. Selected Studies, Leiden – Boston, Brill, 2009, XXVIII + 317 pages, ISBN 978- 90-04-16754-4, € 31.

Review : Thierry LEGRAND

 

Professeur d’archéologie à l’Université de Haïfa, l’A. a publié plusieurs ouvrages et de nombreux articles sur l’art et l’archéologie, les rites funéraires et les symboles du judaïsme du Second Temple. Elle étudie depuis plusieurs décennies l’architecture synagogale et la symbolique des panneaux de mosaïque retrouvés dans bon nombre de synagogues, en Israël et ailleurs. L’ouvrage, de grand format et richement illustré, s’apparente à une vaste synthèse de ses recherches sur les représentations artistiques des pavements de mosaïque, depuis les origines de cet art en Palestine, au IIe-Ier siècle avant notre ère, jusqu’à la fin de la période byzantine, au VIIe-VIIIe siècle de notre ère. L’A. offre une présentation synthétique et thématique, plutôt que strictement chronologique. Le champ géographique de son étude couvre essentiellement le territoire actuel de l’État d’Israël, la bande de Gaza et la zone jordanienne de Petra, mais les sites d’autres régions du bassin méditerranéen sont aussi évoqués. Le premier chapitre (p. 5-15) s’intéresse aux panneaux de mosaïque découverts en Palestine, datés de la fin de la période hellénistique et du début de l’époque romaine ; l’A. dresse un inventaire rapide des sites importants (Massada, Jéricho, Jérusalem, etc.) dans lesquels elle relève les figures les plus représentatives (rosaces, motifs géométriques et floraux) d’un art le plus souvent aniconique, c’est-à-dire sans représentation humaine ou animale. La carte de la p. 15 précise la localisation des sites dans lesquels des panneaux de mosaïque ont été découverts.

Les chapitres II à IV (p. 17-96) traitent des symboles représentés sur les pavements de mosaïque des synagogues du début de notre ère. Ces grands panneaux, encadrés de motifs floraux ou géométriques, sont généralement divisés en plusieurs sous-panneaux (au moins trois) qui renvoient à cinq éléments significatifs : la Torah et son coffre protecteur (évocation du Tabernacle) ; le Temple de Jérusalem (rappel des objets cultuels, du cycle des fêtes) ; des épisodes importants de l’AT (l’Aqeda, la sortie d’Égypte, la révélation sinaïtique, la bénédiction de Jacob, etc.) ; des éléments naturels, des animaux et des volutes (éléments décoratifs classiques des édifices de l’Antiquité) ; la roue zodiacale (rapport aux saisons, rôle du soleil, etc.).

Le cinquième chapitre (p. 97-109) aborde les mosaïques à thèmes nilotiques de la période byzantine. De fait, l’« exotisme » de l’Égypte, de ses paysages et de son histoire ont influencé les mosaïstes pendant des siècles. On trouve ainsi les traces de cette influence sous la forme de différentes représentations : personnification du Nil, scènes de chasse et de pêche, représentations animalières, nilomètres, évocations de la ville d’Alexandrie, etc. Le chapitre suivant (p. 111-147) offre une étude très détaillée de panneaux de mosaïque, très courants au Ve-VIe siècle, contenant un enchaînement de médaillons (tiges de vignes se déployant et s’enroulant) disposés sur une même ligne, horizontalement et verticalement. L’intérieur de ces motifs circulaires est souvent rempli de figures animalières ou florales réalisées avec la plus grande finesse. Le chapitre VII (p. 149-178) rassemble de multiples exemples de pavements de mosaïque d’églises inspirés de la vie rurale : scènes liées aux travaux de la vigne, évocation de la chasse, représentations d’animaux sauvages et domestiques, berger menant son troupeau, joueur de flûte, etc. Le chapitre suivant (p. 179-197) s’intéresse à la personnification des éléments naturels ou des forces de la nature (la terre et la mer représentées par un buste de femme ; les saisons personnifiées, etc.). Le neuvième chapitre (p. 199-208) aborde les représentations symétriques ou antithétiques dans les pavements d’églises ou de synagogues (un même animal ou des paires opposées). Au chapitre dixième (p. 209-217), l’A. s’attarde assez peu sur les panneaux de mosaïque défigurés durant la crise iconoclaste des alentours du VIIe-VIIIe siècle, mais les illustrations fournies témoignent de la violence qui s’est exprimée à cette époque dans les églises, et dans une moindre mesure dans les synagogues.

Le chapitre intitulé « Between Synagogue and Church » (p. 219-242) offre quelques conclusions très stimulantes d’un point de vue comparatiste. L’A. évoque le développement parallèle des deux institutions et les divergences qui s’expriment dans les pavements de mosaïque : par exemple, le choix de la représentation de motifs symboliques tels que l’arche de la Torah ou les objets cultuels dans les synagogues, et la représentation de scènes de la vie rurale dans les églises.

Avant la synthèse finale, l’A. s’attarde sur le travail de l’artiste mosaïste, les écoles et les ateliers de ces façonneurs de tesselles (p. 243-280). Quelques inscriptions en grec et en araméen leur ont permis de s’exprimer et parfois même de décliner leur identité. Mais les informations sont rares et fragmentaires : existait-il des livres ou des catalogues de motifs usuels ? Comment se faisait la transmission du savoir-faire de l’artisan ? Y avait-il des ateliers généraux qui fournissaient la région en artistes itinérants ? Toutes ces questions, rarement abordées dans d’autres ouvrages, trouvent ici quelques réponses. L’ouvrage comporte une bibliographie alphabétique de plus de 400 références et un index thématique assez complet. On ne peut que se réjouir de la publication d’un travail d’une aussi belle facture et d’un intérêt remarquable pour les spécialistes de l’art antique et du symbolisme religieux.

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°1, p. 94-96

 

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Hans-Peter Hasenfratz, Der Tod in der Welt der Religionen, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2009, 144 pages, ISBN 978-3-534-22151-6, € 29.90.

Review : Thierry LEGRAND

 

Spécialiste des religions, professeur émérite de la Ruhr-Universität de Bochum, l’A. a consacré plusieurs articles à la mort et à l’au-delà. Le petit ouvrage qu’il publie se rapproche par sa taille, sa présentation et sa clarté de la célèbre collection « Que sais-je ? ». Comprenant cinq chapitres, il est structuré en deux sections équilibrées, l’une consacrée à une réflexion sur le concept de mort, les différents types et figures de la mort (la mort bénie, violente ou prématurée, la mort sociale, etc.) et la question de la vie après la mort, l’autre centrée sur le thème de la mort dans les grandes religions (AT et judaïsme, christianisme, islam, hindouisme et bouddhisme).

Traitant rapidement de la mort dans les trois monothéismes (seulement cinq pages sur l’AT et le judaïsme, et très peu de références à la littérature rabbinique), l’A. s’attarde plus longuement sur l’hindouisme (p. 81-104), le thème de la réincarnation et le Samsara (transmigration, cycle de renaissances). Au fil de l’exposé, il insère des extraits de textes qui illustrent son propos et rendent la lecture plus attractive, mais les références scripturaires, placées dans des notes en fin d’ouvrage, ne facilitent pas la recherche et le prolongement de la réflexion.

L’intérêt principal de cet ouvrage réside dans le fait qu’il offre une approche globale, un parcours rapide et clair d’une question universelle. On regrettera cependant que l’A. n’ait pas prolongé son enquête au-delà des religions les plus connues. Il manque, par exemple, quelques pages sur la conception de la mort dans le mazdéisme et les religions animistes. Une bibliographie d’environ 120 titres complète avantageusement ce livre.

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°4, p. 604

 

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Suzanne Saïd, Approches de la mythologie grecque. Lectures anciennes et modernes, Paris, Les Belles Lettres, 2008, 168 pages, ISBN 978-2-251- 44351-5, € 17.

Review : Thierry LEGRAND

 

Réédition corrigée et augmentée d’un petit ouvrage publié en 1993 chez Nathan, ce livre offre à la fois une excellente introduction à la mythologie grecque et un panorama de l’interprétation des mythes par les mythologues de l’époque moderne. À la suite d’une introduction brève qui propose une réflexion sur les mythes ainsi que quelques éléments de définition (p. 10-11), le premier chapitre offre un essai de typologie qui distingue trois grandes catégories : les récits des origines (cosmogonies, combats pour la souveraineté, récit de création, origines des peuples et des cités), les aventures des dieux (relations d’opposition et de complémentarité, domaines d’interventions des dieux) et les gestes des héros (exploits, épreuves, malheurs des héros et des héroïnes, l’exemple d’Héraclès et de Thésée, les cycles légendaires de Thèbes et d’Argos, etc.). Cette typologie est intéressante, mais on attendrait une réflexion plus approfondie sur le classement proposé et sa pertinence. Le deuxième chapitre, plus développé, se concentre sur l’écriture des mythes par les poètes et les prosateurs (p. 33-92). Il s’agit pour l’A. de montrer comment, depuis Homère (VIIIe siècle av. J.-C.) et jusqu’à Nonnos de Panopolis (Ve siècle ap. J.-C.), s’est progressivement constitué un immense corpus de textes qui n’a cessé d’évoluer. Ainsi, sur plus d’un millénaire d’écriture, les mythes grecs ont été compilés, modifiés et utilisés dans les compositions poétiques et les productions littéraires des orateurs, des philosophes, des historiens et des mythographes. Le chapitre suivant (p. 93-102) s’intéresse aux lectures des mythes dans la Grèce ancienne, car comme le dit l’A., « Les Grecs ne se sont pas contentés de créer des mythes. Ils ont aussi été les premiers à en faire la critique […] » De fait, ce chapitre passionnant montre comment historiens et philosophes ont inventé une véritable « science des mythes » en cherchant à en extraire le fond de vérité ou en les passant au crible d’une lecture critique (p. 93). Prolongement logique de la section précédente, le quatrième chapitre dresse le tableau des lectures des mythes grecs par les auteurs et savants de l’époque moderne, puis offre un panorama dense des théories modernes sur l’origine et la nature des mythes (lectures historiques, structurales, psychanalytiques et approches combinées).

L’ouvrage est accompagné de deux annexes utiles : un répertoire des écrivains de l’Antiquité qui comporte plus d’une centaine de notices bibliographiques succinctes et qui donne quelques indications sur les publications à consulter ; une bibliographie classée selon les têtes de chapitres de ce livre. À eux seuls, ces deux instruments de travail permettent de saisir l’ampleur du dossier et l’extrême variété des sujets traités dans les écrits de la mythologie grecque.

Pour conclure, nous dirons que l’A. a réussi, en peu de pages, à parcourir le champ immense de la littérature mythologique sans lasser le lecteur. Au contraire, cet ouvrage très pédagogique est une invitation à creuser davantage un domaine qui a marqué notre culture et qui continue de fasciner le public. Un regret demeure néanmoins, s’agissant des représentations figurées des héros de la mythologie. L’ouvrage aurait gagné en intérêt s’il avait comporté un chapitre sur l’immense domaine des arts de la Grèce antique (architecture, sculpture, poterie, monnaie, etc.) fortement influencé par la diffusion des thèmes mythologiques. Mais il n’est pas possible de tout traiter, et l’A. avait prévenu son lecteur quant aux limites de son ouvrage (p. 12).

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°4, p. 604-605

 

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Sarah Iles Johnston, Ancient Greek Divination, Malden (Mass.) – Oxford – Chichester, Wiley-Blackwell, 2008, XII + 193 pages (Blackwell Ancient Religions), ISBN 978-1-4051-1573-5, € 24.90.

Review : Thierry LEGRAND

 

Cet ouvrage offre une synthèse stimulante concernant le domaine déjà bien étudié de la divination en Grèce (voir les différents travaux d’A. Bouché-Leclerq, E. R. Dodds et J.-P. Vernant). Sans entrer dans les classifications courantes (divination inspirée, divination déductive, ou divination naturelle et technique, etc.) et ne s’attardant pas à définir les types de divination, l’A. organise la matière de son exposé en deux grandes sections : les pratiques oraculaires de la Grèce antique attachées à des lieux significatifs d’une part et, de l’autre, les manteis, acteurs indépendants de la divination.

Dans un chapitre introductif très accessible (« Why Divination », p. 1-32), l’A. aborde le thème de la divination sous l’angle de la fascination que lui porte le monde contemporain (publications, pratiques divinatoires modernes, consultations divinatoires des grandes personnalités de ce monde, etc.). Puis, revenant aux sources grecques et romaines anciennes (Eschyle, Platon, Cicéron, Plutarque, etc.), elle montre comment les questions de nos contemporains sont à rapprocher des récits mythologiques et des témoignages des auteurs antiques : par le jeu des questions-réponses, la divination ouvre un espace de dialogue avec le monde des dieux que le culte ne permet pas vraiment. La fin de ce premier chapitre est consacrée à l’histoire de la recherche (« The History of the History of Divination », p. 17 sq.) et à une réflexion sur le couple magie / divination dans les ouvrages spécialisés du XXe siècle. Les deux chapitres suivants (« The Divine Experience, 1 et 2 ») s’attachent à préciser la place des pratiques oraculaires dans les grands sanctuaires antiques de Delphes et de Dodone (p. 33-75), puis de Claros et de Didymes (p. 76-108), tout en évoquant la grande variété des pratiques divinatoires en Grèce antique : la divination par les dés ou les surfaces réfléchissantes (catoptromancie et hydromancie), l’observation des flammes (l’empyromancie), les pratiques et oracles incubatoires à Épidaure, l’usage des tablettes de plomb pour interroger les dieux (1 400 tablettes provenant de Dodone) et le culte de Trophonius. Ces chapitres bien documentés mettent en évidence le rôle des grands sanctuaires dans la vie religieuse et politique de la Grèce antique.

Les deux derniers chapitres présentent une étude assez originale sur les devins indépendants (« Freelance divination », p. 109-143), les manteis, ces hommes et ces femmes qui entretenaient un contact avec le monde divin en dehors des sanctuaires oraculaires. L’A. interroge les sources anciennes pour comprendre comment ces individus sont devenus ce qu’ils sont et quelles étaient leurs véritables fonctions dans la société d’alors. Une section finale traite du rapport entre magie et divination, magiciens et devins, dans une société grecque passionnée par la communication avec le monde des dieux. C’est ici l’occasion pour l’A. de revisiter le corpus étonnant des papyrus grecs magiques (PGM), sources incontournables pour connaître les rites magiques, les rituels d’envoûtement, les exorcismes et les pratiques divinatoires. Chaque section de ce livre est accompagnée de nombreuses références bibliographiques classées selon les têtes de chapitres de cet ouvrage. L’index final des citations d’auteurs antiques constitue un outil fort utile pour ceux qui chercheront à prolonger la réflexion.

Le public francophone ne manque pas d’ouvrages et d’études spécialisées dans le domaine de la divination ; le présent volume offre un cheminement qui a le mérite de sortir des sentiers battus.

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°4, p. 604-605-606

 

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Denis Matringe, Les sikhs. Histoire et tradition des « Lions du Panjab », Paris, Albin Michel, 2008, 377 pages (Planète Inde), ISBN 978-2-226- 18282-1, € 24.

Review : Thierry LEGRAND

 

Directeur de recherche au CNRS, l’A. est spécialisé dans l’étude des rapports entre littérature, histoire et religion dans les contextes sikh et musulman. Son ouvrage traite de l’histoire des sikhs de la région du Panjab depuis les origines, au XVe siècle, jusqu’à nos jours. Il s’agit avant tout d’une synthèse historique qui n’aborde que très rapidement la religion des sikhs, même si, comme le dit l’A., « le fait religieux est au coeur de leur histoire » (p. 13). Comptant à l’heure actuelle environ 20 millions d’adeptes en Inde (2 % de la population, principalement au Panjab), le sikhisme est considéré par les uns comme une simple branche de l’hindouisme, tandis que d’autres le tiennent pour un syncrétisme d’islam et d’hindouisme, ou encore une religion à part entière. Il n’en demeure pas moins que le sikhisme se présente comme une forme de monothéisme qui dispose d’un corpus d’écrits sacrés jouissant d’une grande vénération (l’Âdi Granth ou Guru Granth Sâhib), d’un calendrier (surtout les gurpurab, fêtes-anniversaires des gurus), de rites, de centres spirituels (les gurdwaras, voir le célèbre Temple d’or d’Amritsar) et qu’il a été fondé par une figure mystique. L’A. présente l’histoire des sikhs en distinguant trois phases qui forment la structure de son livre.

La première section (« Du Nânak Panth au Khalsa », p. 21-113) traite des origines et du développement du sikhisme en présentant son fondateur (Guru Nânak, 1469-1539, premier des dix gurus du sikhisme) et son message (foi en un Dieu unique), les premières communautés (panth) et les événements qui ont conduit à la compilation du Guru Granth, véritable guide spirituel des sikhs. Plusieurs pages de cette section sont consacrées au dernier des grands gurus, Gobind Singh (seconde moitié du XVIIe siècle) à qui la tradition attribue la rédaction d’un ouvrage important, le Dasam Granth. La deuxième section (p. 117-225) traite notamment de la conquête du Panjab aux XVIIIe-XIXe siècles, puis de l’annexion de cette région par l’Empire britannique jusqu’à sa partition entre l’Inde et le Pakistan. L’A. évoque au passage les différentes réformes religieuses que connut le sikhisme durant cette période et l’activité des missionnaires chrétiens (notamment protestants) à partir du milieu du XIXe siècle ; la région du Panjab comptait ainsi plus de 400 000 baptisés en 1931. La dernière partie (« De l’indépendance à nos jours », p. 229-300) expose l’histoire des sikhs dans une Inde indépendante (1947) et un Panjab divisé. Les multiples tensions politiques, sociales et religieuses qui marquent cette période et la détérioration des relations entre hindous et sikhs conduiront aux événements dramatiques de l’assaut du Temple d’or et de l’assassinat d’Indira Gandhi par ses gardes sikhs en 1984. Dans cette même section, figure un chapitre sur « Les sikhs dans la société indienne et dans le monde ». Quelques pages fort intéressantes sont consacrées à la diaspora sikhe. On y apprend que plus de 1,5 million de sikhs résident à l’étranger, notamment au Royaume-Uni et en Amérique du Nord. En France, on compte une dizaine de milliers de sikhs dont beaucoup résident en Seine- Saint-Denis ; ils disposent d’un temple sikh à Bobigny.

Du point de vue de la présentation de l’ouvrage, le renvoi des notes en fin de livre ne facilite pas l’accès aux références savantes, même s’il allège la lecture. La bibliographie, très à jour, est précédée d’une note historiographique pertinente sur le développement des études sikhes. L’ouvrage est accompagné de quelques outils indispensables pour un domaine si méconnu : une chronologie (de la naissance du fondateur Nânak en 1469 à la nomination d’un sikh comme premier ministre de l’union indienne, en 2004), un index général et un glossaire très utile (95 entrées) dans lequel manquent cependant plusieurs termes importants.

Malgré la difficulté du sujet, ce livre est de lecture agréable et facile, notamment parce que l’A. agrémente son exposé par l’analyse et le commentaire de quelques textes (voir, par exemple, le chapitre sur l’Âdi Granth, p. 76-83). Ajoutons qu’il n’est pas nécessaire d’être un spécialiste des religions asiatiques pour apprécier cet ouvrage ; nous le recommandons à tous ceux qui cherchent à s’informer sur l’une des religions qui ont marqué l’histoire de l’Inde.

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°4, p. 604-609-610

 

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Wendy Doniger O’Flaherty (éd.) Hindu-Mythen. Die wichtigsten klassischen Texte. Übersetzt aus dem Englischen von Nikolaus De Palézieux, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2009, 220 pages, ISBN 978-3-534- 23013-6, € 24.

Review : Thierry LEGRAND

 

Professeur d’histoire des religions à l’université de Chicago, spécialiste de la mythologie hindoue, l’Éd. a publié de nombreux livres et articles sur les écrits anciens de l’hindouisme, l’interprétation des textes mythologiques, l’érotisme, la violence et le mal. Cet ouvrage est une reprise en allemand de textes publiés en anglais (voir notamment, du même A., Hindu Myths : A Sourcebook, Penguin Books, 1975).

Après une brève introduction centrée sur des questions méthodologiques, l’A. présente une collection de 75 passages d’époques différentes, tirés de différents corpus de textes sanscrits comme les hymnes anciens du Rig-Veda, le Mahâbhârata (grand poème épique) et les Purana (Siva-Purana, Skanda- Purana, Bhagavata-Purana, Vishnu-Purana, etc.), écrits mythologiques très populaires qui célèbrent les dieux en évoquant leur geste.

L’intérêt majeur de cette compilation est d’offrir une traduction de textes difficiles et encore trop souvent inaccessibles au public non spécialiste. L’A. propose un parcours utile des grands textes mythologiques hindous centrés sur quelques divinités majeures (Prajapati, Visnu, Agni, Rudra / Siva, Devi) et sur une période de près de 2000 ans d’histoire (voir la datation des écrits, p. 14). Les introductions ou commentaires de ces passages sont parfois trop brefs pour que le lecteur en saisisse toute la richesse, mais il est si rare de disposer de commentaires pour ces textes que l’on s’en accommode.

L’ouvrage offre une présentation sobre et agréable ; il comporte peu de notes savantes, et la bibliographie est très succincte. On regrettera l’absence d’un index des textes cités et traduits, ainsi que des thèmes abordés. Une synthèse finale aurait été fort utile.

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°4, p. 611

 

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Angelika Malinar, The Bhagavadgītā : Doctrines and Contexts, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, XII + 296 pages, ISBN 978-0-521- 88364-1, £ 50.

Review : Thierry LEGRAND

 

Spécialiste de l’Inde, collaboratrice de la Brill’s Encyclopedia of Hinduism, l’A. offre au lecteur une révision en anglais d’un ouvrage qu’elle a publié en 1996 chez Harrassowitz : Rājavidyā. Das königliche Wissen um Herrschaft und Verzicht. Studien zur Bhagavadgītā. Dans le présent volume, l’A. se concentre sur l’interprétation de la Bhagavadgītā (= BhG) et tente d’expliquer la situation de cet écrit au sein du Mahâbhârata, grand corpus poétique sacré de l’hindouisme postvédique. Le texte de la BhG, un poème de 700 vers répartis en 18 chants, n’est pas intégré à ce commentaire savant, mais on pourra suivre la traduction française, accessible, d’A.-M. Esnoul et d’O. Lacombe (Paris, 1977). Peut-être n’est-il pas inutile de préciser que la BhG met en scène un dialogue entre Khrishna, maître de sagesse qui n’est autre qu’une manifestation du Dieu suprême, et le guerrier Arjuna, tourmenté par de multiples questions juste avant de s’engager dans une guerre qui oppose des amis et des proches parents. Cette vaste composition poétique est alors l’occasion d’un enseignement complexe sur les devoirs de caste, la bhakti (dévotion, attachement) et les moyens d’obtenir la libération du cycle des renaissances successives (samsāra).

Après une brève présentation de la BhG, son cadre, son contenu et les idées qui s’y déploient, l’A. offre une présentation magistrale de l’histoire de la recherche sur la BhG (p. 17-34). Le chapitre suivant est consacré aux liens qu’il est possible d’établir, notamment sur les questions relatives à la guerre et à la paix, entre l’Udyogaparvan (5e livre du Mahâbhârata) et la BhG, contenue dans le 6e livre (Bhismaparvan). L’A. consacre alors le coeur de son ouvrage (« The doctrines of the Bhagavadgītā », p. 54-213) à un commentaire détaillé, chant par chant, des enseignements de la BhG. L’attention de la spécialiste se porte davantage sur les idées de la BhG que sur les problèmes textuels de cette compilation. Fort heureusement pour le lecteur, l’A. rassemble dans une synthèse finale le fruit de ses recherches sur les enseignements philosophiques et religieux de la BhG (p. 226-241). Un chapitre complémentaire s’intéresse au contexte historique et culturel dans lequel la BhG a pu être rédigée. L’A. avance prudemment l’hypothèse d’une rédaction au début de l’ère commune, à l’époque du règne de la dynastie des Kusana.

En plus d’une présentation remarquable, ce livre comporte plusieurs centaines de notes savantes et une bibliographie de près de 400 références. À n’en point douter, cet ouvrage dense, à destination des spécialistes de la littérature indienne sacrée, fera date dans l’histoire de la recherche sur le Mahâbhârata et la Bhagavadgītā, une oeuvre que les hindous considèrent aujourd’hui encore comme un livre saint.

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°4, p. 612

 

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Satya Narayan Goenka, Trois enseignements sur la méditation Vipassanā. Préface de William Hart, traduction de Jean-Claude Sée et de Kim Vu Dinh, Paris, Éditions Points, 2009, 186 pages (Points sagesses, 250), ISBN 978-2-7578-1181-8, € 6.50.

Review : Thierry LEGRAND

 

Ce livre rassemble trois conférences sur la méditation Vipassanā données en 1991 par l’A à l’Université de Rangoon (Birmanie). Ces enseignements ont été donnés sur trois jours, ce qui explique la division du livre en trois sections (premier, deuxième et troisième jour).

La mission et l’enseignement de l’A., disciple de Sayagyi U Ba Khin, consistent à répandre la doctrine et la sagesse de Bouddha (dharma ou dhamma) sous la forme de Vipassanā, des exercices spirituels. Dans la langue ancienne de l’Inde, le pāli, le terme Vipassanā peut être traduit par « vision pénétrante ». Cette technique de méditation actuellement très en vogue consiste à suivre un chemin de sagesse constitué de trois étapes. Sīla, la pratique de l’éthique (« l’abstention de toute action négative du corps et de la parole » p. 23 ; par exemple, s’abstenir de tuer, de voler, de mentir et de se droguer), constitue un premier pas vers la tranquillité d’esprit. La maîtrise de sīla doit passer par la concentration de l’esprit que l’on désigne par le terme samādhi, discipline qui cherche, entre autres, à dominer le rythme de la respiration individuelle. La troisième étape ou paññā, plus complexe, consiste en une discipline de sagesse qui vise à la purification de l’esprit au niveau le plus profond. L’ensemble de cette démarche (conduite éthique, concentration, sagesse) cherche l’équilibre et la paix de l’esprit qui passe par l’apaisement des tensions présentes en chaque être humain.

S’adressant à un public mixte de moines et de laïcs, les enseignements de l’A. sont accessibles à tous, pratiquants bouddhistes ou non connaisseurs de la doctrine de Bouddha et des techniques de méditation. Le style des conférences reste proche de l’oral, ce qui en fait un ouvrage facile à lire et accessible à un public de non-initiés. Chaque journée d’enseignement, et donc chaque conférence retranscrite, est suivie d’un échange avec l’auditoire : les questions concrètes posées par l’assistance (par exemple : « Si les prières ne reçoivent pas de réponse, pourquoi est-ce que les bouddhistes prient ? », « Quelle sont les contributions du Bouddha par rapport aux autres religions ? ») reçoivent des réponses directes et claires.

Ce livre, de lecture agréable, est équipé d’un glossaire fort utile explicitant une soixantaine de termes difficiles. Une liste des adresses des principaux centres de méditation Vipassanā est donnée en fin d’ouvrage.

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°4, p. 612-613

 

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William Shepard, Introducing Islam, London – New York, Routledge, 2010, XVIII + 333 pages (World Religions Series), ISBN 978-0-415-45518-3, € 36.95.

Review : Thierry LEGRAND

 

Poursuivant une entreprise éditoriale de mise à disposition de manuels sur les religions actuelles, la série World Religion des éd. Routlege offre ici un volume à destination d’un public large, fort utile pour comprendre les fondements de l’islam et la diversité de ses formes et de ses pratiques. Encadré par une introduction et un chapitre final sur le thème de la « mondialisation », le corps de l’ouvrage est divisé en trois parties : histoire, aspects de l’islam, développements contemporains. Il s’agit d’un manuel pour débutants, qui présente, à la fin de chaque chapitre, les points à retenir (« Key points »), les questions sur le contenu du chapitre et quelques références bibliographiques pour approfondir le sujet. Cette démarche très scolaire peut faire sourire le lecteur averti, mais elle conduira souvent le néophyte à revenir sur ses lectures pour vérifier ou approfondir une question particulière.

La première section (p. 13-52) s’intéresse au cadre culturel et religieux dans lequel l’islam a trouvé naissance ; l’A. expose ensuite l’histoire de Mahomet au VIIe siècle et le développement de l’islam jusqu’au XVIIIe siècle. Quelques cartes et encadrés viennent éclairer un exposé assez dense. Une deuxième section plus développée (p. 55-192) aborde les thèmes classiques d’un enseignement sur l’islam : le Coran, le prophète Mahomet, les pratiques religieuses, la loi islamique, les thèmes théologiques et la philosophie musulmane, la sagesse et le soufisme. Les différentes branches de l’islam (kharidjisme, chiisme, sunnisme, etc.) font l’objet d’un sous-chapitre qui aurait mérité quelques développements supplémentaires. Le chapitre suivant, moins habituel dans ce type d’ouvrage, présente trois figures importantes de l’islam : Ibn Sina (980-1037), Al-Ghazali (1058-1111) et Ibn Taymiyya (1263-1328). Cette deuxième section s’achève par une brève incursion (p. 178-192) dans le domaine des arts, de l’architecture (origine et développement des mosquées), de la littérature et de la musique. La troisième partie de ce manuel offre une ouverture sur le monde musulman actuel, les défis auxquels il est confronté et ses développements dans diverses régions du monde, notamment en Turquie, en Égypte, en Iran et en Indonésie. L’A. n’évite pas les questions actuelles (islamisme, développements nationalistes, mouvements révolutionnaires, etc.). L’ouvrage ayant été publié en 2009, la présente édition n’a pu tenir compte des événements politiques majeurs qui ont marqué l’histoire récente des pays arabes.

Comme tout bon manuel, l’ouvrage est équipé d’une série d’appendices utiles : un glossaire d’environ 300 noms ou termes, une chronologie, un exposé sur le calendrier musulman, une liste des 13 épouses de Muhammad, deux listes de références bibliographiques pour prolonger l’étude. Enfin, un index général des noms et des thèmes vient compléter cette introduction que nous recommandons à tous ceux qui cherchent à s’informer davantage sur l’islam. Ajoutons que la lecture de ce livre pourra être complétée par celle d’un autre manuel indispensable, The Blackwell Companion to the Qurān (Oxford, 2008).

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°4, p. 613-614

 

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VIENT DE PARAITRE

Eberhard Bons, Thierry Legrand (dir.), Le monothéisme biblique. Évolution, contextes et perspectives, Paris, Cerf, 2011, 465 pages (Lectio Divina, 244), ISBN 978-2-204-09311-8, € 34.

L’actualité du thème du monothéisme, dans les médias et les débats politiques, a suscité un regain d’intérêt pour des questions anciennes et récurrentes : le rapport entre violence et religion(s), la possibilité d’une tolérance religieuse et d’un dialogue interreligieux, l’impact des trois religions monothéistes – judaïsme, christianisme, islam – sur l’histoire et la politique, la question du blasphème et de l’image, etc. L’Équipe de Recherche en Exégèse Biblique (EREB) de l’Université de Strasbourg a jugé utile de contribuer au débat actuel en analysant en premier lieu les textes de la Bible, les écrits de la littérature juive et chrétienne non inclus dans le canon biblique et, enfin, la littérature du monde gréco-romain. Cette enquête, menée dans différents milieux culturels, religieux et intellectuels a permis d’aborder à frais nouveaux des aspects et des questions souvent négligés dans le débat : comment parler du « Dieu unique » dans un environnement polythéiste ? Comment vivre dans une société mixte qui connaît une pluralité de cultes, de coutumes et de manières de vivre ? La polémique s’impose-t-elle dans le dialogue entre les adeptes du monothéisme et leurs interlocuteurs qualifiés de « païens » ? Enfin, quelle a été la réaction du monde gréco-romain face à l’émergence du christianisme et à son exclusivisme religieux ?

Au fil des 24 contributions qui composent cet ouvrage, il apparaît que les débats menés dans l’Antiquité révèlent toute leur pertinence et apportent un éclairage significatif sur les discussions contemporaines. De la même manière, l’analyse des écrits anciens et de leurs interprétations ouvre de nouvelles perspectives quant à la compréhension de l’émergence des monothéismes et à leur évolution jusqu’à l’époque actuelle.

Liste des contributeurs : E. Bons, F. Chapot, Cl. Coulot, É. Cuvillier, M. Deneken, B. Ego, E. Eynikel, D. Fricker, D. Gerber, J. Goeken, D. Hamidović, J. Joosten, F. Laurent, Th. Legrand, Y. Lehmann, C. Merckel, Th. Osborne, F. Rognon, R. Roukema, N. Siffer, E. W. Stegemann, Cl. Tassin, J. Zumstein.

Th. Legrand et E. Bons

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°4, p. 622-623

 

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Christfried Böttrich, Beate Ego, Friedmann Eißler, Mose in Judentum, Christentum und Islam, Göttingen – Oakville, Vandenhoeck & Ruprecht, 2010, 181 pages, ISBN 978-3-525-63018-1, € 20.

Review : Thierry LEGRAND

 

Après un premier volume sur la figure d’Abraham dans les trois religions monothéistes (Abraham in Judentum, Christentum und Islam, Vandenhoeck & Ruprecht, 2009), les mêmes A. s’attachent à présenter Moïse, l’un des personnages les plus importants de la tradition biblique et coranique. On notera par exemple que Moïse (Mūsā) est le personnage prophétique le plus cité dans le Coran après Muhammad.

Comme son titre l’indique, l’ouvrage offre trois sections équilibrées traitant de la figure de Moïse dans le judaïsme, le christianisme et l’islam. Chacune des sections présente la même structure :

 

1. Introduction et questions en débat ;

2. Étude des sources (références scripturaires, autres traditions sur Moïse) incluant pour le judaïsme et l’islam de larges extraits de textes ;

3. Mise en perspective, questions diverses.

 

Pour chacune des sections, l’ouvrage comprend une sélection bibliographique de quelques dizaines de références qui distingue, pour le judaïsme et l’islam, les sources de la littérature secondaire.

La section présentant la figure de Moïse dans les sources juives est traitée de façon exemplaire. Elle aborde en effet, de manière assez détaillée (p. 12-60), la présentation de Moïse dans les traditions bibliques, la littérature intertestamentaire et apocryphe, les écrits de Philon d’Alexandrie et la littérature rabbinique ; plusieurs extraits de ces sources sont proposés en traduction. Le dossier concernant la figure de Moïse dans le christianisme accorde une large place à l’étude des références néotestamentaires, mais néglige quelque peu la tradition chrétienne et l’interprétation de la figure de Moïse dans la littérature patristique (p. 100-105). De la même façon, on regrettera que la section présentant Moïse dans l’islam soit presque uniquement consacrée à une étude de passages significatifs du Coran (en particulier les sourates 7, 10, 19, 20, 28 et 40, qui sont largement commentées), tandis que les traditions de la sunna et les commentaires des théologiens musulmans ont été assez peu pris en compte. On ajoutera que l’ouvrage aurait gagné en intérêt si les A. avaient porté leur regard sur le domaine des arts (sculpture, architecture, peinture et enluminure), riche en représentations figurées de Moïse.

Quoi qu’il en soit, dans un contexte occidental préoccupé par les questions interreligieuses, ce livre sera utile à tous ceux qui recherchent un exposé clair et stimulant sur la perception de la figure de Moïse dans les traditions judéo-chrétiennes et coraniques. Pour autant, il ne faudrait pas croire que les A. se sont engagés sur la voie d’une lecture globalisante et lénifiante. Au contraire, ils s’attachent à montrer les différentes perceptions de ce personnage dans les trois traditions monothéistes et à l’intérieur même de chacune d’elles.

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2012, Tome 922, p. 295

 

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Yann Le Bohec (éd.), Les religions triomphantes. De Mahomet à Thomas d’Aquin, Nantes, Éditions du temps, 2007, 159 pages, ISBN 978-2-84274- 414-4, € 17.

Review : Thierry LEGRAND

 

Après une introduction trop succincte du sujet par Y. Le Bohec, spécialiste d’histoire romaine, cet ouvrage juxtapose une présentation des trois monothéismes (judaïsme, christianisme, islam) au Moyen Âge. Mais il ne s’agit pas, comme l’indique la 4e de couverture, d’un « vrai catéchisme multiconfessionnel ». De fait, mises à part quelques réflexions transversales énoncées dans le dossier sur le judaïsme, les trois contributeurs sont restés cantonnés à leur domaine d’étude. Une synthèse finale portant sur la cohabitation des trois grandes communautés religieuses aurait été la bienvenue, d’autant que le sous-titre, « De Mahomet à Thomas d’Aquin », laissait supposer qu’il se trouverait quelques éléments de réflexion sur ce sujet.

La structure de chacun des exposés est similaire :

 

1. Introduction ;

2. Conception de Dieu ;

3. Écrits de références ;

4. Culte (acteurs, lieux, rites et pratiques) ;

5. Histoire.

 

On relèvera que la section « historique » est traitée beaucoup trop brièvement dans la contribution sur l’islam (D. Sourdel), tandis qu’elle est très développée pour le christianisme (M. Sot). Rédigée par B. Leroy, spécialiste du monde juif de la Méditerranée, la partie consacrée au judaïsme offre un parcours rapide mais très éclairant sur ce qu’il est indispensable de connaître du judaïsme au Moyen Âge. On signalera en particulier la brève synthèse sur le judaïsme et l’antijudaïsme médiévaux (p. 31-45).

L’ouvrage, bien structuré, est destiné à un public cultivé ; les étudiants et les spécialistes n’y trouveront quant à eux pas leur compte. On regrette par exemple l’absence quasi totale de notes et de références bibliographiques (excepté quelques indications pour le judaïsme). Nombreuses sont les affirmations qui mériteraient d’être nuancées ou appuyées par des références à des œuvres ou des textes sources de l’époque concernée. Par ailleurs, et d’une manière générale, les trois exposés ne mettent pas suffisamment en évidence ce qu’il y a de particulier dans telle ou telle religion monothéiste dans le cadre chronologique étudié.

Cet état de choses n’enlève rien à l’intérêt de ce petit livre qui offre un parcours utile pour ceux qui cherchent à s’informer rapidement sur les institutions, les écrits, et l’histoire des religions monothéistes à l’époque médiévale.

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2012, Tome 922, p. 296

 

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David Banon, Entrelacs : la lettre et le sens dans l’exégèse juive, Paris, Cerf, 2008, 394 pages (La nuit surveillée), ISBN 978-2-204-08518-2, € 40.

Review : Thierry LEGRAND

 

Dans cet ouvrage, d’une belle tenue littéraire, l’A. s’est donné pour tâche de réfléchir à la notion de lecture en partant de sa propre démarche interprétative ainsi que de ses travaux sur le Midrash, et en analysant les approches herméneutiques d’une série d’auteurs juifs du Moyen Âge et de l’époque moderne. Encadré par un avant-propos et une conclusion, l’ouvrage rassemble 25 études assez indépendantes les unes des autres, regroupées dans trois sections.

La première section, intitulée « Le midrash : une sagesse blanchie par le temps », présente une série d’études qui évoquent de manières diverses les présupposés de la lecture juive et le rôle essentiel de la halakhah, un genre littéraire prescriptif « qui assure la communication et l’unité entre tous les autres » (p. 52). Citant de nombreux exemples tirés des midrashim et du Talmud, l’A. montre notamment comment l’acte de lecture, toujours producteur de sens, ne s’attache pas seulement aux éléments isolés du texte, mais tient compte de l’ensemble du discours biblique et des autres écrits rabbiniques.

Ce faisant, il reprend quelques-uns des concepts qu’il affectionne (par exemple, l’idée de « sollicitation » du texte) pour préciser la définition et les orientations du midrash rabbinique, un écrit qui vise principalement l’intelligibilité du texte et la novation de sens (p. 65) par la confrontation et le dialogue des sages. Deux études présentent alors la méthode de Rachi (1040-1105) – maître incontesté de l’exégèse biblique et talmudique –, qui offre un bel exemple d’une approche littérale utilisant à merveille un large éventail de sources anciennes ainsi que les exégèses de ces prédécesseurs. On lira ici avec intérêt l’étude portant sur l’utilisation des accents (te‛amim) du texte hébraïque dans l’exégèse de Rachi. La section est conclue par une présentation didactique de la production littéraire des exégètes et philosophes juifs du monde séfarade.

Dans la deuxième section de son livre, « Le midrach au présent », l’A., poursuivant sa réflexion sur l’acte de lecture, rassemble plusieurs études qui présentent la pensée, la méthode et l’oeuvre littéraire de quelques grands érudits juifs des XXe et XXIe siècles : André Néher, Abraham Yéhoshoua Heschel, Léon Askénazi, George Steiner, Jonah Fraenkel et Néhama Leibovitz. Il prolonge ce parcours par une réflexion critique portant sur les idées développées par l’égyptologue Jan Assmann. Comparant les notions de « mythe » et de « midrach » dans une dernière étude, l’A. évoque la Théogonie d’Hésiode en lien avec le récit biblique de la création, et les correspondances mythologiques du livre de Jonas en rapport avec le récit mythique d’Héraclès et d’Hésione.

La dernière partie, « Exégèse et métaphysique », est consacrée à une « mise à l’épreuve » de la méthodologie exégétique présentée dans les sections précédentes. De fait, l’A. s’attarde sur quelques grands textes et thèmes bibliques (création, déluge, Babel, sortie d’Égypte) pour en donner sa propre interprétation. On signalera ici deux études un peu inattendues, mais qui ne manquent pas d’intérêt : « Le rêve entre midrach et psychanalyse » ; « Bible et écologie ».

Quelques pages de conclusion offrent une synthèse critique des recherches d’Henri Meschonnic dans le domaine de l’analyse et de la traduction du texte massorétique conçu comme « discours ». Nous recommandons vivement cet ouvrage à tous ceux qui, passionnés par l’Écriture, s’intéressent à sa lecture en contexte juif.

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2012, Tome 922, p. 323-324

 

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Thierry Legrand (éd.) [en collaboration avec B. Chavannes, G. Janus],  En dialogue avec le judaïsme. Ce que chacun doit savoir du judaïsme, Lyon, Éditions Olivétan, 2012, 173 pages ISBN 978-2-35479-159-9, € 15.

 

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et le choc de la Shoah, les grandes Églises chrétiennes ont entrepris de repenser leur relation avec le judaïsme. Le monde chrétien découvre aujourd’hui les richesses des « racines qui le portent ». Ce livre constitue une première approche du judaïsme, de son histoire, de sa culture, de sa foi, de sa vie spiritualité et des questions que pose le dialogue des deux traditions de foi juive et chrétienne réunies dans l’unique alliance de Dieu. Cet ouvrage prépare à la rencontre avec les communautés juives et de leurs membres, à la découverte de leurs traditions et de leur foi ; il est un appel, comme le rappelle le Père Jean Dujardin, à « ne plus voir le juif comme un autre soi-même, mais le comprendre comme il se comprend lui-même. »

Les auteurs inscrivent leur démarche dans la Communion des Églises protestantes en Europe qui rappelle l’importance des relations avec le judaïsme et l’urgence d’un dialogue des Églises avec les juifs. Ce livre pose enfin les questions essentielles pour entrer en dialogue concret avec les juifs : il dit l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur le judaïsme ; il permet un accès aux racines de la foi chrétienne ; il est porté par la réflexion théologique des Églises protestantes d’Europe. En plus des 17 chapitres qui le compose, on trouvera un lexique de 130 termes et une bibliographique très détaillée des ouvrages et articles essentiels en langue française. De prix modique, et de lecture facile, ce livre offre un instrument très utile pour le dialogue interreligieux et la réflexion paroissiale.

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2013, Tome 92 n° 3, pages 548-549

 

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Sebastian P. Brock, Aaron M. Butts, George A. Kiraz, Lucas Van Rompay (éd.), The Gorgias Encyclopedic Dictionary of the Syriac Heritage, Piscataway (NJ), Gorgias Press, 2011, XL + 539 pages, ISBN 978-1-59333-714-8, € 125.

Review : Thierry LEGRAND

 

Bien que d’une certaine ampleur, le patrimoine littéraire et artistique syriaque est encore trop souvent négligé dans les recherches bibliques, patristiques et iconographiques. Ce dictionnaire, rédigé par 76 collaborateurs, vient apporter une contribution substantielle pour l’étude de ces domaines respectifs. L’entreprise a connu de nombreuses vicissitudes comme le souligne G. A. Kiraz dans son introduction, et c’est finalement la ténacité d’une poignée de chercheurs passionnés qui a permis l’édition d’un outil utile aux étudiants et aux chercheurs du domaine des études syriaques.

Ce dictionnaire encyclopédique comporte 622 notices consacrées au christianisme syriaque et aux recherches menées dans ce domaine. En ce sens, ce volume de grand format couvre une période allant des premiers siècles de notre ère (le développement des Églises syriaques, les "pères" syriaques, etc.) jusqu’à notre époque (éditions critiques, numérisation des textes, concordances électroniques, etc.). Les Éd. ont porté leur attention sur les grandes figures de la culture syriaque et leurs oeuvres, mais ils n’ont pas négligé de présenter la diversité des christianismes syriaques et les contacts qui se sont établis au fil des siècles avec le judaïsme et l’islam, ainsi qu’avec les différentes branches du christianisme (copte, arménien, géorgien, éthiopien).

La plupart des notices de ce dictionnaire sont de taille moyenne, mais quelques-unes, plus thématiques, s’étendent sur plusieurs colonnes. En voici un relevé, par ordre alphabétique: "Aramaic" ; "Armenian Christianity" ; "Art and architecture" ; "Bible – OT – NT" ; "China, Syriac Christianity in" ; "Coptic Christianity" ; "Diaspora" ; "Diatessaron" ; "Ecumenical dialogue" ; "Edessa" ; "Ephrem" ; "Harqlean version" ; "Historiography, Syriac" ; "Inscription" ; "Islam, Syriac Interactions with" ; "Judaism, Syriac contacts with" ; "Liturgy" ; "Malankara Syriac Orthodox Church" ; "Maronite Church" ; "Masora" ; "Musa al-Habashi, Dayr Mar" ; "Old Syriac Version, Vetus Syra" ; "Peshitta" ; "Polycarpos" ; "Thomas Christians". Certaines notices sont un peu chétives, comme celles sur Mani, Bardesane d’Édesse, l’araméen christo-palestinien, la Syrohexaplaire, Les Actes de Thomas, les Odes de Salomon ou les femmes dans la tradition syriaque.

Les Éd. ont visiblement privilégié les auteurs et les personnalités du monde syriaque, y compris les spécialistes contemporains (Sachau, Nöldecke, Payne Smyth, Costaz, etc.). Chaque notice est accompagnée de quelques références bibliographiques fort utiles, notamment pour les auteurs anciens dont il est difficile de retrouver la trace, même dans les ouvrages spécialisés. La qualité de l’ouvrage est remarquable, tant du point de vue du fond que de la forme. On relèvera par exemple la présence d’une série de grandes cartes et d’illustrations en couleur placées en fin d’ouvrage (p. 451-480). Une centaine d’autres illustrations en noir et blanc viennent enrichir les notices. Une liste des Patriarches des Églises syriaques est donnée en fin de livre (p. 451-491), et un index général très fourni, des noms et des thèmes, permet de cheminer facilement à travers l’ouvrage.

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2013, Tome 93 n° 3, p. 654-655

 

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Jean-Pierre Brach, Jérôme Rousse-Lacordaire (dir.), Études d’histoire de l’ésotérisme. Mélanges offerts à Jean-Pierre Laurant pour son soixantedixième anniversaire, Paris, Cerf, 2007, 457 pages (Patrimoines. Christianisme), ISBN 978-2-204-08210-5, € 49.

Review : Thierry LEGRAND

 

Si les librairies actuelles comptent souvent un rayon "ésotérisme" bien fourni, la publication d’un ouvrage de réflexion sur l’ésotérisme, ses courants, ses développements et ses apôtres est beaucoup plus rare et, par conséquent, fort appréciable. Les Éd. ont souhaité rendre hommage à l’un des spécialistes en la matière, J.-P. Laurant, chargé de cours à l’École Pratique des Hautes Études (1975-2000), spécialiste de l’histoire de l’ésotérisme aux XIXe et XXe siècles et grand connaisseur de la pensée et des oeuvres de René Guénon (1886-1951). On trouvera en fin d’ouvrage le relevé précis des publications du récipiendaire, de 1967 à 2006. L’avant-propos d’É. Poulat évoque la vie et l’oeuvre de Laurant, les "déplacements" de ses recherches (de l’oeuvre de René Guénon à l’ésotérisme en général, puis une orientation marquée sur le terrain de l’ésotérisme chrétien). L’ouvrage comprend cinq sections qui reprennent les principaux axes de recherche du récipiendaire: 1. Histoire et sociologie de l’ésotérisme ; 2. Ésotérisme chrétien ; 3. Franc-maçonnerie et occultisme ; 4. "Politica hermetica" ; 5. Ésotérisme, art et littérature. Le genre des "Mélanges" ne permet pas toujours de trouver une organisation parfaitement cohérente de la matière. De fait, les 29 contributions rassemblées dans ce livre sont d’une grande diversité et d’une grande richesse, mais l’on a parfois quelques difficultés à saisir l’unité de l’ensemble ou même celle d’une section. Par exemple, la brève contribution de J.-J. Glassner, spécialiste de la Mésopotamie ancienne ("La divination et ses secrets en Mésopotamie"), fournit une traduction d’une tablette divinatoire, mais sans introduction et sans le moindre commentaire en rapport avec l’ouvrage ; le contenu de cette tablette est fort intéressant, mais l’on aurait souhaité quelques références précises et quelques rapprochements explicites avec le thème de l’ésotérisme. Plusieurs articles suscitent la curiosité, puis l’intérêt. Ainsi, l’article "Les apocryphes modernes" de J.-F. Mayer relève le succès et l’intérêt des apocryphes rédigés et publiés aux XIXe et XXe siècles (par exemple La vie inconnue de Jésus-Christ ; L’Évangile du Verseau ou L’Évangile des douze) et la crédibilité qu’ils finissent par obtenir dans certains cercles ; il montre comment ces écrits en arrivent à mener une vie propre, indépendante du projet que leurs auteurs avaient imaginé lors de leur publication. Tout aussi passionnante est l’analyse de M. Introvigne sur "L’interprétation des société secrètes chinoises", qui montre les interactions entre le politique, l’ésotérisme et la criminalité en Chine, dès le XVIIIe siècle (voir ici l’organisation Tiandihui, considérée comme une franc-maçonnerie chinoise). Dans le domaine de l’art, la contribution de R. Ladous sur "Le symbolisme de la croix et de la crucifixion dans l’art contemporain" ne manque pas de pertinence lorsqu’il évoque, notamment, la croix ou la crucifixion comme symboles qui permettent "de profaner le sacré, de sacraliser le profane, ou de dire à la fois le profane et le sacré" (p. 426). Plusieurs autres contributions portent sur l’oeuvre ou les champs de recherche de R. Guénon. D’un point de vue formel, on relève que les notes scientifiques de bas de page sont peu abondantes, mais il s’agit là, sans doute, d’un choix éditorial ; la plupart des articles sont suivis d’une bibliographie conséquente, ce qui permet de prolonger l’étude d’un sujet. Si, à première lecture, le contenu de cet ouvrage peut paraître un peu déconcertant pour les théologiens, il permet cependant de jeter quelques lumières sur un domaine encore peu étudié dans le champ des sciences religieuses, mais qui fascine nombre de nos contemporains.

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2013, Tome 93 n° 3, p. 686-687

 

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John Lagerwey (dir.), Religion et société en Chine ancienne et médiévale, Paris, Cerf – Institut Ricci, 2009, 728 pages (Patrimoines. Chine), ISBN 978-2-204-08400-0, € 54.

Review : Thierry LEGRAND

 

Publié sous la direction d’un spécialiste du taoïsme chinois, cet ouvrage rassemble 16 contributions de 12 spécialistes de la culture et de la religion chinoise. L’Éd. contribue largement à ce volume, en proposant notamment une introduction qui résume fort utilement la philosophie de l’ouvrage et l’ensemble des contributions. Le livre suit une organisation chronologique en deux sections équilibrées: La Chine antique (1570 av. J.-C. – 220 ap. J.-C.) et La période de division (221-589).

Dans la première section de l’ouvrage, les différentes contributions portent essentiellement sur l’émergence de la religion en Chine et évoquent notamment l’importance des pratiques divinatoires et leur rôle dans la société chinoise, les notions de Tao et de Wu (en lien avec le chamanisme), ainsi que les pratiques funéraires. En ce sens, elle fournit un dossier très complet fondé sur les recherches archéologiques récentes (voir les illustrations, en encart, p. 48 et 352) et l’étude des sources anciennes. On signalera par exemple les contributions de M. Kalinowski, "La divination sous les Zhou orientaux (770-256 avant notre ère)" ; M. Bujard, "Cultes d’État et cultes locaux dans la religion des Han" ; M Pirazzoli-t’Serstevens, "Autour de la mort et des morts: pratiques et images à l’époque des Qin et des Han". Une bibliographie conséquente est fournie à la fin de chaque article.

La seconde section ("La période de division") se concentre sur la "conquête" de la Chine par le bouddhisme et l’évolution des cultes et pratiques dans cet empire, aux premiers siècles de notre ère. Signalons l’article de S. Hureau ("Production et dissémination de textes bouddhiques: traductions et apocryphes") qui fait le point sur la pénétration des écrits bouddhiques en Chine et les processus de canonisation progressivement mis en place pour réguler la traduction (critères d’authenticité) et l’usage de ces oeuvres ; c’est ainsi que les ouvrages relatifs au bouddhisme, non traduits d’un texte originaire d’Inde ou d’Asie centrale, mais directement écrits en chinois, ont rapidement fait l’objet de suspicions. Cela n’a pas empêché la circulation de ces écrits, puisqu’un certain nombre d’entre eux ont pu être retrouvés dans des monastères chinois ou encore au Japon. Le chapitre « Littérature taoïste et formation du Canon » (p. 459-492) rédigé par J. Lagerwey vient compléter, pour le domaine du taoïsme, le dossier textuel impressionnant des corpus d’écrits sacrés en Chine.

Ce livre est une somme d’érudition et de connaissances qui se lit malgré tout assez facilement. Il comporte un index général très développé qui répond bien à la demande du lecteur intéressé par une approche transversale ou thématique. Le glossaire indiquant la transcription des termes chinois (p. 685-694) est à destination des spécialistes, mais il aurait mérité quelques lignes explicatives pour les non-spécialistes !

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2013, Tome 93 n° 3, p. 687-688

 

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Oliver Freiberger, Christoph Kleine, Buddhismus. Handbuch und kritische Einführung, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2011, 536 pages, ISBN 978-3-525-50004-0, € 49.95.

Review : Thierry LEGRAND

 

Écrit par des spécialistes des religions asiatiques, cet ouvrage renferme une somme impressionnante de données sur l’histoire du bouddhisme dans le monde, ses écrits fondateurs, ses fondements éthiques, ses pratiques et ses productions artistiques. Après une introduction dans laquelle les A. font le point sur les recherches menées dans les siècles précédents et les dernières décennies, la matière est organisée de manière cohérente et exhaustive, en douze chapitres: 1. Aperçu historique (vie de Bouddha et développements du bouddhisme dans la zone asiatique) ; 2. Langues et textes (littérature et canon bouddhistes) ; 3. Doctrines principales, histoire des idées (cosmologie, philosophie mahāyānah, etc.) ; 4. Éthique et morale (enracinements et défis) ; 5. Pratiques religieuses (méditation, ascèse et rituels) ; 6. Acteurs du bouddhisme (moines, nonnes, laïcs, etc.) ; 7. Écoles, ordres et sectes ; 8. Bouddhisme, politique et économie ; 9. Art et architecture (stupas, monastère, calligraphie, sculpture) ; 10. Bouddhisme, modernisation et mondialisation ; 11. Mission bouddhiste et interaction avec d’autres religions ; 12. Erreurs et préjugés populaires concernant le bouddhisme.

Soulignons que l’originalité de ce livre tient au fait qu’il prend en compte les différentes formes du bouddhisme. Alors que de nombreuses introductions se contentent d’évoquer les différentes branches du bouddhisme, les A. ont choisi de mettre en évidence son extraordinaire diversité dans les différentes régions du monde. L’introduction historique donne ainsi la direction de l’ouvrage en précisant pays par pays (Inde, Sri Lanka, Laos, Vietnam, Tibet, Chine, Corée, Japon, etc.) les développements du bouddhisme et ses particularités régionales. Les autres chapitres suivent une organisation similaire lorsque cela s’avère pertinent (voir "Kunst und Architektur", p. 385-416). Dans le cadre des relations interreligieuses, on lira avec intérêt le chap. 12 ("Buddhistische Mission und die Interaktion mit anderen Religionen", p. 435-460) qui offre un parcours utile, quoique rapide, des contacts et des échanges menés au fil de l’histoire entre le bouddhisme et les autres religions (brahmanisme et hindouisme, jaïnisme, confucianisme, taoïsme, christianisme et islam). La réflexion sur les aspects missionnaires du bouddhisme (persécutions, violences, etc.) a toute sa pertinence dans le contexte actuel. L’ouvrage est dépourvu de notes, mais il est accompagné d’environ 800 références bibliographiques distribuées par chapitre. En outre, pour les textes sources, une série de références bibliographiques est fournie pour le bouddhisme indien, chinois, japonais et tibétain. Un index très complet (environ 900 entrées) des noms, des notions et des thèmes vient compléter ce volume. Il est à souhaiter qu’un tel ouvrage, remarquable par sa présentation et son contenu scientifique, soit prochainement traduit en français.

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2013, Tome 93 n° 3, p. 688-689

 

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Jean-Pierre Osier, Le "Vessantara-jātaka" ou l’avant-dernière incarnation du Bouddha Gotama. Une épopée bouddhique, Paris, Cerf, 2010, 230 pages (Patrimoines. Bouddhisme), ISBN 978-2-204-08982-1, € 33.

Review : Thierry LEGRAND

 

Grand connaisseur du bouddhisme et des religions indiennes, mais aussi du judaïsme, l’A. nous offre ici une excellente présentation d’un joyau de la littérature bouddhique ancienne: le Vessantara-jātaka (= VJ). L’ouvrage, de style soutenu, comporte deux grandes sections: une introduction au VJ, incluant une présentation remarquable du recueil des jātaka, suivie de la première traduction française commentée de cet écrit. Les notes y sont riches et abondantes, mais on regrettera le manque d’informations concernant le texte source traduit par l’A. Une bibliographie de 110 références vient compléter l’ouvrage qui ne comporte malheureusement aucun index des noms propres ou des thèmes.

Le VJ constitue la dernière section d’un recueil de 547 textes (les jātaka: narrations des vies antérieures de Bouddha), rédigés entre le IIIe siècle avant notre ère et le IIIe siècle après, qui appartient au canon pali. Connu comme le plus long et le plus riche des jātaka, cet écrit a remporté un succès considérable en Inde et en Asie du Sud-Est. Le VJ est un conte, une histoire extraordinaire pleine de vie et de poésie qui expose les aventures de Vessantara, un vice-roi à la générosité hors norme, frappé de disgrâce et contraint à s’exiler dans la forêt avec sa femme (la princesse Maddi) et ses enfants. Dans ce lieu propice aux rencontres les plus inattendues, ils vivront comme des ascètes. Après de multiples péripéties, Vessantara ayant fait don de ses enfants et de son épouse à un brahmane, le roi des dieux (Sakka), constatant les mérites de Vessantara, lui accorde une série de faveurs qui lui permettront de retrouver ses proches et sa situation de roi. Le récit s’achève dans une ambiance de liesse: les prisonniers de la ville sont libérés, la fête bat son plein, et une pluie de pierres précieuses vient se répandre sur le domaine royal. Vessantara pourra donc poursuivre sa mission de généreux donateur comme l’indique la dernière ligne de cette épopée: "Puis, après avoir effectué des dons, le roi Vessantara, un ksatriya, mourut pour ensuite renaître, sage, au ciel" (p. 223). Comme l’A. le relève dans son introduction, le VJ ne se contente pas de nous présenter la biographie du héros, mais il vise aussi à faire réfléchir le lecteur et la société à laquelle il appartient. Le thème du don y occupe une place centrale, et, comme le sacrifice, il est, dans la société indienne, constitutif du lien social parce qu’il implique la réciprocité. L’épopée offre également une critique de la vie politique (l’État) et sociale (la famille). Au fil de son introduction, l’A. fait quelques rapprochements entre l’aventure de Vessantara et les personnages bibliques d’Abraham et de Job, mais cette épopée bouddhique est aussi intéressante à étudier dans le cadre d’une réflexion théologique sur la liberté et le don de soi (voir le chap. "La résolution, moteur unique de l’épopée bouddhique"). Dans le sous-chapitre intitulé "L’actualisation du sens", l’A. présente les diverses formes de réception du VJ. Recopié et transmis dans des versions différentes, cet écrit eut un succès considérable dans le monde asiatique et reste important en Thaïlande ou au Laos où le poème est lu ou chanté pour encourager les fidèles aux dons. L’épopée connaît aussi plusieurs versions iconographiques et de nombreuses adaptations théâtrales. Ce volume fort utile pour les spécialistes de l’Inde et les passionnés de littérature bouddhique ancienne fait honneur à la collection "Patrimoines. Bouddhisme" des Éditions du Cerf.

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2013, Tome 93 n° 3, p. 689-690

 

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Edward Kessler, An Introduction to Jewish-Christian Relations, Cambridge – New York, Cambridge University Press, 2010, XIX + 243 pages, ISBN 978- 0-521-70562-2, € 25.

Review : Thierry LEGRAND

 

Cet ouvrage est une première dans l’histoire des relations entre le judaïsme et le christianisme. L’A. est le fondateur du Centre for Jewish- Christian Relations (Cambridge) ; il a codirigé l’édition d’un volume remarquable: A Dictionary of Jewish-Christian Relations, Cambridge, 2005. Le présent ouvrage cherche à rassembler les éléments essentiels de l’histoire des relations entre le judaïsme et le christianisme, depuis les premiers siècles de notre ère jusqu’à nos jours ; il offre, en quelque sorte, une synthèse des éléments développés dans le dictionnaire mentionné ci-dessus. L’A. explore les aspects importants de l’histoire riche et complexe d’une confrontation, d’une rencontre et d’un dialogue entre deux grandes religions monothéistes. Il analyse tour à tour les écrits importants du christianisme et du judaïsme et les différentes phases de l’histoire de l’interprétation de ces textes. Il parcourt à grands traits les périodes clés de cette histoire: le développement du christianisme, le Moyen Âge, la montée de l’antisémitisme en Europe, l’Holocauste, le sionisme et la création de l’État d’Israël, jusqu’à la période actuelle marquée par un dialogue interreligieux intense et renouvelé. On aurait certes souhaité une analyse plus approfondie des écrits du NT, des Pères de l’Église et de la littérature rabbinique, mais il ne s’agit là que d’une "introduction" qui vise à l’essentiel et s’adresse à un large public. En ce sens, l’introduction de l’ouvrage (p. 1-24) offre une synthèse remarquable de ce qu’il faut retenir de l’histoire des relations entre le christianisme et le judaïsme ; l’A. trouve même l’occasion d’y traiter brièvement de questions peu étudiées comme celles relatives à la liturgie et à l’art. Le livre est accompagné d’une bibliographie conséquente et d’une chronologie des événements marquants de l’histoire des relations entre judaïsme et christianisme, depuis la rédaction de la LXX jusqu’à 2009 (révision de la déclaration des "Dix points de Seelisberg"). Un glossaire d’une centaine de termes en facilite la lecture. L’ouvrage trouvera son public parmi les nombreuses personnes intéressées par le dialogue interreligieux, soucieuses de remonter à la source pour découvrir la complexité d’un dossier qui n’a pas fini de susciter l’intérêt.

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2013, Tome 93 n° 3, p. 698-699

 

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Takamitsu Muraoka, A Grammar of Qumran Aramaic, Leuven – Paris – Walpole (MA), Peeters, 2011, XLV + 285 pages (Ancient Near Eastern Studies. Supplement, 38), ISBN 978-90-429-2559-5, 70 €.

Review : Thierry LEGRAND

 

Spécialiste des langues bibliques ayant publié plusieurs grammaires et lexiques (cf. A Grammar of Egyptian Aramaic, Leiden, Brill, 1998), l’A. offre une étude systématique des éléments constitutifs d’une forme d’Araméen Moyen (Middle Aramaic), bien attestée à Qumrân (en particulier les grottes 1, 4 et 11) et dans quelques manuscrits de sites environnants (Nahal Hever, Nahal Seʼelim, Wadi Murabbaʼat et Massada). D’autres écrits comme le Document araméen de Lévi (Aramaic Levi Document = ALD), dont une partie est reconstruite à partir des manuscrits médiévaux de la Guénizah du Caire, ont été intégrés à cette grammaire.

La structure de l’ouvrage suit le plan classique : I. Phonologie ; II. Morphologie ; III. Morphosyntaxe ; IV. Syntaxe. Dans sa présentation descriptive, l’A. ne se contente pas de relever et d’analyser minutieusement les éléments grammaticaux propres aux manuscrits araméens de la mer Morte, il les confronte également aux écrits araméens d’autres époques (araméen ancien, biblique, tardif, etc.) et aux diverses formes dialectales de cette langue (p. XXV-XXVI). On aurait souhaité que l’A. évoque, au moins à grands traits, le type d’araméen et les particularités de chacun des grands manuscrits étudiés (par exemple 1Q20 par comparaison avec 11Q10).

L’ouvrage est si détaillé qu’il offre une analyse précise de nombreux passages des grands manuscrits araméens de Qumrân : l’Apocryphe de la Genèse (1Q20), le Targum de Job (11Q10) et les fragments araméens de Tobit, du Premier livre d’Hénoch et du Livre des Géants, ainsi que les fragments de 4Q Nouvelle Jérusalem. En ce sens, ce livre sera particulièrement utile aux éditeurs et aux traducteurs contemporains de ces manuscrits.

Une bibliographie de plus de 350 titres et une série d’indices (passages étudiés, auteurs cités, sujets, termes araméens, grecs et akkadiens) viennent compléter l’ensemble. On notera cependant que l’index des termes araméens est loin de rassembler toutes les occurrences des termes cités dans cette grammaire, ce qui est bien regrettable pour le spécialiste qui étudie un mot en particulier. Un lexique des termes techniques utilisés par l’A. facilite la lecture de cet ouvrage résolument technique. Mis à part quelques erreurs typographiques, déjà signalées dans une recension récente (cf. SBL, Review of Biblical Literature : http://www.bookreviews.org), cet ouvrage, par sa qualité scientifique indéniable et sa présentation impeccable, fait désormais partie des outils incontournables à destination des spécialistes des études araméennes et qumrâniennes.

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2013, Tome 93 n° 3, p. 424-425

 

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Alan B. Lloyd (éd.), A Companion to Ancient Egypt, Malden – Oxford – Chichester, Wiley-Blackwell, 2010, 2 vol., XLIII + XXIII + 1276 pages (Blackwell Companions to the Ancient World), ISBN 978-1-4051-5598-4, 324 €.

Review : Thierry LEGRAND

 

L’Éd. de ces deux volumes imposants offrant une approche moderne et globale de l’histoire, de la culture, de l’art et de la littérature égyptienne est un grand spécialiste d’Hérodote et de l’Égypte ancienne. L’ouvrage, d’une excellente tenue scientifique, a été réalisé par une équipe internationale de cinquante spécialistes : universitaires, archéologues et conservateurs de musée. La matière est structurée de manière assez classique : I. Le pays d’Égypte (aspects géographiques) ; II. L’histoire de l’Égypte (des origines à la période romaine) ; III. Le fonctionnement politique (Pharaon, l’administration, les temples), l’économie et l’armée ; IV. La société, la vie quotidienne et la religion ; V. Langues et littérature (de l’égyptien ancien à la littérature copte et grecque) ; VI. L’art (de l’architecture des temples et tombeaux pharaoniques aux fresques et mosaïques de la période gréco-romaine) ; VII. L’impact de la culture égyptienne à travers les âges : l’Antiquité, l’Égypte islamique, l’Europe et la muséographie contemporaine. L’ensemble est précédé d’une table chronologique introduite et commentée (p. XXXII-XLIII), fort utile pour se repérer dans plus de trois millénaires d’une histoire complexe. Les deux cartes de l’Égypte qui font suite à cette chronologie (p. XLIV-XLV) sont hélas ! beaucoup trop petites et difficilement exploitables : dans un ouvrage de cette qualité, on aurait pu espérer des éléments cartographiques plus fournis, pour chacun des chapitres. L’étudiant en histoire des religions trouvera les informations relatives à son domaine dans plusieurs chapitres dispersés dans l’ouvrage : « Priests and Temples : Pharaonic », p. 255-273 ; « Egyptian Temples and Priests : Graeco- Roman », p. 274-290 ; « Religion in Society : Pharaonic », p. 507-525 ; « Religion in Society : Graeco-Roman », p. 526-546 ; « Temple Architecture and Decorative Systems », p. 781-803 ; « Mortuary Architecture and Decorative Systems », p. 804-825. On consultera également les sections consacrées à la littérature et à l’art qui transmettent bon nombre d’informations intéressant le domaine religieux.

Avec près de 3 500 références bibliographiques et plus de 2 000 entrées d’index, cet ouvrage contient une mine d’informations accessible à un public assez large : étudiants en histoire de l’Antiquité ou de l’art, enseignants et public cultivé. Plus de 350 illustrations agrémentent ces deux volumes et rendent leur lecture agréable. En bref, ces deux superbes volumes édités dans un coffret ornementé font honneur à la collection encore récente des Blackwell Companions to the Ancient World.

Th. Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2013, Tome 93 n° 3, p. 431-432

 

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Katell Berthelot, Michaël Langlois et Thierry Legrand (dir.), La Bibliothèque de Qumrân, vol. 3a. Torah : Deutéronome et Pentateuque dans son ensemble, Édition et traduction des manuscrits hébreux, araméens et grecs, Paris, Éditions du Cerf, 2013, XXXIV + 1013 pages, ISBN 978-2-204-10136-3, 90 €.

Rubrique : « Vient de paraître », RHPR 2014

 

Le troisième volume de La Bibliothèque de Qumrân (neuf vol. prévus) rassemble les fragments de manuscrits du Deutéronome qui présentent des variantes significatives par rapport au texte massorétique, et toutes les compositions qui sont principalement en rapport avec le Deutéronome ou avec le Pentateuque dans son ensemble. Il inclut les manuscrits bibliques en hébreu ou en grec (par ex. 1QDeutéronomeb, 4Qpaléo-Deutéronomer, 4QSeptante du Deutéronome), lorsque le texte qu’ils transmettent diffère de manière significative du texte massorétique sur lequel reposent les traductions bibliques actuelles. On y trouve également des textes halakhiques, le célèbre Rouleau du Temple, les manuscrits de type « Pentateuque remanié », les fragments d’une lettre halakhique (4QMMT), les textes calendaires et Mishmarot, ainsi que d’autres écrits apocryphes qui développent, explicitent ou explorent des thèmes bibliques ou législatifs (table complète ci-dessous).

Ce troisième volume est pourvu d'une introduction générale explicitant le projet et précisant le contenu du livre et son organisation. Chaque écrit qumrânien fait également l’objet d’une courte introduction comprenant une description des manuscrits : nombre et état des fragments, problèmes éventuels de reconstitution, datation proposée, etc. L’introduction présente les enjeux du texte et cherche à en fournir des clefs de compréhension. Une bibliographie sélective accompagne chaque introduction. Des tableaux récapitulatifs donnent les listes exhaustives des manuscrits bibliques et non bibliques en rapport avec le Deutéronome ou le Pentateuque dans son ensemble.

Le corps principal du volume offre l'édition de tous les fragments significatifs du texte original ; des notes critiques accompagnent le texte hébreu, araméen ou grec et les divergences entre cette nouvelle édition et les éditions antérieures sont signalées dans les notes. La traduction française, placée en vis-à-vis du texte hébreu, araméen ou grec, suit scrupuleusement le texte original, tout en restant lisible et compréhensible. Elle est complétée par des notes explicatives ; celles-ci précisent les difficultés de traduction, le sens des textes, mais aussi leurs rapports aux autres écrits bibliques ou aux autres manuscrits de Qumrân.

Un index des sources anciennes, des textes bibliques, des manuscrits qumrâniens, des écrits anciens et de la littérature rabbinique vient compléter cette édition des textes. Un glossaire des termes techniques fournit une aide précieuse au lecteur non-spécialiste. Enfin, trois listes classées des manuscrits édités offrent la possibilité de retrouver n'importe quel nom ou numéro de manuscrit dans cette publication.

Ce troisième volume est divisé en deux tomes (3a et 3b) pour des raisons matérielles. Le tome 3b (en préparation) comportera le texte de la Règle de la communauté (1QS, 4QS, etc.), l’Écrit de Damas (manuscrits de la Gueniza du Caire et fragments qumrâniens) et plusieurs autres écrits fragmentaires.

 

Liste des manuscrits édités en totalité ou en partie (dans l’ordre de la publication) :

1QDeutéronomea (1Q4) / 1QDeutéronomeb (1Q5) / 2QDeutéronomea (2Q10) / 4QDeutéronomea (4Q28) / 4QDeutéronomeb (4Q29) / 4QDeutéronomec (4Q30) / 4QDeutéronomeh (4Q35) / 4QDeutéronomek1 (4Q38) / 4QDeutéronomem (4Q40) / 4QDeutéronomeq (4Q44) / 4Qpaléo-Deutéronomer (4Q45) / 4Qpaléo-Deutéronomes (4Q46) / 4QSeptante du Deutéronome (4Q122) / 5QDeutéronome (5Q1) / Fragment du Deutéronome de type « samaritain » (XDeut?) / Extraits harmonisés du Deutéronome (4Q41) / Extraits du Deutéronome et de l'Exode (4Q37)

 

Extraits du Lévitique ou du Pentateuque (4Q367) / Morceaux choisis du Pentateuque (?) (4Q366) / Pentateuque remanié (?) B (4Q364) / Pentateuque remanié A (4Q158) / Pentateuque remanié C (4Q365 + 4Q365a)

 

Rouleau du Temple (11Q19 -11Q20 - 11Q21; 4Q524)

 

Interprétation des lois de l'Alliance (4Q251) / Lois diverses (4Q159) / Ordonnances sacerdotales (4Q513) / Lois du sabbat (4Q264a) / Commentaire du Livre de Moïse (4Q249)

 

À propos de quelques œuvres de la Loi (4QMMT / 4Q394 3–8; 4Q395 - 4Q396 - 4Q397 - 4Q398 - 4Q399; 4Q313

 

Document calendaire E? (4Q337) / Document calendaire A sur papyrus (4Q324b) / Fragment de calendrier (6Q17) / Document calendaire cryptique Aa (4Q324d) / Document calendaire D (4Q394 1–2) / Document calendaire C (4Q326) / Document calendaire-Mishmarot A (4Q320) / Document calendaire-Mishmarot B (4Q321) / Document calendaire-Mishmarot C (4Q321a) / Document calendaire-Mishmarot D (4Q325) / Mishmarot A (4Q322) / Mishmarot B (4Q323) / Mishmarot C (4Q324) / Mishmarot D (4Q324a) / Mishmarot E (4Q324c) / Mishmarot F (4Q328) / Mishmarot G (4Q329) / Mishmarot H (4Q329a) / Mishmarot I (4Q330) / Calendrier des Signes célestes (4Q319) / Calendrier lunisolaire cryptique A (4Q317)

 

Texte en rapport avec le Deutéronome (?) (6Q20)

Dires de Moïse (1Q22; 4QDM)

Apocryphe de Moïse (1Q29; 4Q375 - 4Q376; 4Q408)

Intercession de Moïse (2Q21)

Apocryphe du Pentateuque A (4Q368)

Éloge de Moïse (4Q377)

 

Liste des contributeurs :

Stéphanie ANTHONIOZ, Katell BERTHELOT, Jean-Claude DUBS, Michaël LANGLOIS, Jean-Baptiste LATOUR, Thierry LEGRAND, Jean-Sébastien REY, Stéphane SAULNIER, Ursula SCHATTNER-RIESER.

 

Theirry Legrand

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2013, Tome 94 n° 1, p. 124-125

 


 

François Boespflug, Thierry Legrand, Anne-Laure Zwilling, Religions, les mots pour en parler. Notions fondamentales en Histoire des religions, Montrouge – Genève, Bayard – Labor et Fides, 2014, 397 pages, ISBN 978¬2-8309-1543-3, 19,90 €.

Rubrique : « Vient de paraître »

 

Rédigé pour servir d’instrument de travail simple et utile aux étudiants et aux enseignants, muni d’une bibliographie et de deux indices, cet ouvrage aurait pu aussi bien s’intituler Manuel d’Histoire des religions, dans la mesure où son organisation et ses multiples définitions, exemples et références, sont destinés à venir en aide à toutes celles et à tous ceux qui s’essaient à parler des religions de manière un tant soit peu rigoureuse. Les A. n’y exposent pas une nouvelle théorie sur les religions, le sacré ou l’homo religiosus, mais passent en revue et mettent en perspective les différents modèles conceptuels qui ouvrent à l’intelligence des religions. L’ouvrage n’est pas davantage un traité systématique présentant tour à tour chacun des grands systèmes religieux de l’histoire humaine, non plus qu’il ne constitue un exposé strictement disciplinaire, puisqu’il emprunte résolument idées, modèles et outillage sémantique à d’autres champs comme l’anthropologie, la sociologie et l’histoire.

Il présente bien plutôt, de la manière la plus cohérente possible, un itinéraire fléché à travers une dense forêt de mots, présentés de façon dynamique et intégrés dans le courant d’une pensée réflexive sur l’Histoire des religions. Les A. se sont donné pour objectif d’introduire à l’Histoire des religions en faisant découvrir aux lecteurs, de manière systématique, ce dont parle cette discipline, les termes qu’elle emploie (religion, mythe, rite, sacré, eschatologie, mission, etc.), la compréhension qu’elle vise à transmettre, les questions qu’elle a qualité pour soulever. L’ouvrage comprend huit sections principales introduites par un « avant-propos » et précédées d’une « entrée en matière » qui présentent la méthode suivie par les A. et les enjeux de la recherche en Histoire des religions.

Les titres des sections sont les suivants : 1. La religion et les religions ; 2. Le mythe ; 3. Le rite ; 4. Le sacré ; 5. Dedans, dehors : des personnes à l’égard de la religion ; 6. Des rôles en religion et du personnel religieux ; 7. Communication avec le divin ; 8. Et après ?

Th. Legrand

 

© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2013, Tome 94 n° 2, p. 234-235

 

 

 


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Mise à jour juillet 2014

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Thierry LEGRAND (thierry.legrand@unistra.fr)

Maître de conférences en Histoire des religions

Faculté de Théologie protestante

Université de Strasbourg

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