REVUE
D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE
RELIGIEUSES
Thierry LEGRAND : Histoire des religions - Faculté de théologie
protestante
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• Armand ABÉCASSIS,
Judaïsmes. De l’hébraïsme aux messianités juives, Paris, Albin Michel,
2006, 502 pages, ISBN 978-2-226-17105-4.
• Alberto
Fabio AMBROSIO, Ève Feuillebois,
Thierry Zarcone, Les derviches tourneurs. Doctrine, histoire et pratique,
Paris, Cerf, 2006, 212 pages (Patrimoines – Islam), ISBN 978-2-204-08139-9.
• Léon ASKÉNAZI,
Leçons sur la Thora. Notes sur la paracha,
Paris, Albin Michel, 2007, 453 pages (Spiritualités vivantes 227), ISBN
978-2-226217826-8.
• Léon
ASKÉNAZI, La parole et l’écrit. II.
Penser la vie juive aujourd’hui. Textes réunis et présentés par Marcel
Goldmann, Paris, Albin Michel, 2004, 647 pages (Présences du judaïsme), ISBN
978-2-226-15433-0.
• Christoph AUFFARTH, Hans G. KIPPENBERG
et Axel MICHAELS, Wörterbuch der
Religionen, Stuttgart, Alfred Kröner Verlag, 2006, XVIII + 589 pages, ISBN
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• David BANON, Entrelacs : la lettre et le sens dans l’exégèse juive,
Paris, Cerf, 2008, 394 pages (La nuit surveillée), ISBN 978-2-204-08518-2.
• Katell BERTHELOT, Thierry LEGRAND, André PAUL (dir.), La
Bibliothèque de Qumrân, I : Torah. Genèse, Paris, Cerf, 2008,
XXXIII + 589 pages, ISBN 978-2-204-08305-8.
• Kattel BERTHELOT et Thierry LEGRAND (dir.), La
Bibliothèque de Qumrân, vol. 2. Torah : Exode – Lévitique – Nombres.
Édition et traduction des manuscrits hébreux, araméens et grecs, Paris,
Éditions du Cerf, 2010, XXXII + 456 pages, 2 cartes, ISBN 978-2-204-08773-5.
• François BOESPFLUG, Thierry LEGRAND, Anne-Laure ZWILLING, Religions, les mots pour en
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• Eberhard BONS,
Thierry LEGRAND (dir.),
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• Christfried BÖTTRICH, Beate EGO, Friedmann EIßLER, Mose
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• Wendy DONIGER O’FLAHERTY (éd.) Hindu-Mythen. Die wichtigsten
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• Satya Narayan GOENKA, Trois enseignements sur la
méditation Vipassanā. Préface de William Hart, traduction de
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• Rachel HACHLILI, Ancient Mosaic Pavements : Themes, Issues, and Trends. Selected
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• Johannes HAHN, Stephen EMMEL, Ulrich GOTTER (éd.), From
Temple to Church. Destruction and Renewal of Local Cultic Topography in Late
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• Edward KESSLER, An Introduction to Jewish-Christian
Relations, Cambridge – New York, Cambridge University Press, 2010.
• John LAGERWEY (dir.), Religion et société en
Chine ancienne et médiévale, Paris, Cerf – Institut Ricci, 2009.
• Jean
LARTIGOLLE, Préhistoire
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pages (Initiations bibliques), ISBN 2-204-07541-8.
• Yann LE BOHEC (éd.), Les religions triomphantes. De Mahomet à Thomas d’Aquin,
Nantes, Éditions du temps, 2007, 159 pages, ISBN 978-2-84274- 414-4.
• Thierry LEGRAND (éd.) [en collaboration avec B.
Chavannes, G. Janus], En dialogue
avec le judaïsme. Ce que chacun doit savoir du judaïsme, Lyon, Éditions
Olivétan, 2012.
• Yeshayahou LEIBOwITZ, Les fondements du judaïsme. Causeries sur
les Pirqé Avot (Aphorismes des Pères) et sur Maïmonide, Paris, Cerf, 2007,
182 pages (Patrimoines judaïsme) ISBN 978-2-204-08299-0.
• Yeshayahou LEIBOWITZ, Les fêtes juives.
Réflexions sur les solennités du judaïsme. Commentaires sur le Cantique des
cantiques, les Lamentations, l’Ecclésiaste et le livre de Job. Traduction et
notes de P. Haddad et de G. Haddad, Paris, Cerf, 2008, 193 pages (Patrimoines –
judaïsme), ISBN 978-2-204-07903-7.
• Patrick LEVY et
alii, Le dialogue interreligieux, Paris, Éditions Dervy, 2003, 166
pages, ISBN 2-84454-213-1.
• Fadiey LOVSKY, Corps – âme –
esprit, par un protestant, Grenoble, Édition le Mercure Dauphinois, 2002,
78 pages, ISBN 2-913826-21-0.
• Alan B. Lloyd (éd.), A Companion to
Ancient Egypt, Malden – Oxford – Chichester, Wiley-Blackwell, 2010, 2 vol.,
XLIII + XXIII + 1276 pages (Blackwell Companions to the Ancient World)
• Paul MAGNIN
(dir.), L’intelligence de la rencontre du bouddhisme. Actes du colloque du 11
octobre 2000 à la fondation Singer Polignac : « La rencontre du bouddhisme
et de l’Occident depuis Henri de Lubac », Études lubaciennes II, Paris, Les Éditions du Cerf,
2001, 208 pages, ISBN 2-204-06726-1.
• Angelika MALINAR, Hinduismus,
Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2009, 304 pages (UTB, Theologie –
Religion, 3197), ISBN 978-3-8252-3197-2.
• Angelika MALINAR, Hinduismus –
Reader, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2009, 162 pages (UTB, Theologie
– Religion, 3198), ISBN 978-3-8252- 3198-9.
• Angelika MALINAR, The Bhagavadgītā :
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296 pages, ISBN 978-0-521- 88364-1.
• Denis MATRINGE, Les sikhs. Histoire et
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• Takamitsu MURAOKA,
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2011, XLV + 285 pages (Ancient Near Eastern Studies. Supplement, 38).
• Jeremy
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Francis HUXLEY
(éd.), Anthologie du chamanisme. Cinq cents ans sur la piste du savoir,
Paris, Albin Michel, 2009, 347 pages (Espaces libres, 206), ISBN
978-2-226-19109-0.
• Jacob NEUSNER,
Judaism. The Basics, New York – London, Routledge, 2006, 198 pages, ISBN
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• Jacob NEUSNER,
Alan J. Avery-Peck, The Routledge Dictionary of Judaism, New York –
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• Jean-Pierre OSIER, Le
"Vessantara-jātaka" ou l’avant-dernière incarnation du Bouddha
Gotama. Une épopée bouddhique, Paris, Cerf, 2010, 230 pages (Patrimoines.
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• Dorothy M. PETERS, Noah Traditions in
the Dead Sea Scrolls. Conversations and Controversies of Antiquity, Leiden
– Boston, Brill, 2009, XXIII + 248 pages (SBL – Early Judaism and Its
Literature, 26), ISBN 978-90-04-16915-9.
• Éric
PIRART, L’Aphrodite
iranienne. Études de la déesse Ārti. Traduction annotée et édition
critique des textes avestiques la concernant, Paris, L’Harmattan, 2006, 278
pages (Collection KUBABA, série Antiquité 10), ISBN 2- 296-01488-7.
• Laurence PODSELVER,
Fragmentation et recomposition du judaïsme : le cas français. Suivi
d’une discussion avec Jörg Stolz, Genève, Labor et Fides, 2004, 89 pages
(Religions en perspective 18), ISBN 2-8309-1145-8.
• Jacques POTIN, Valentine Zuber (dir.), Dictionnaire des
monothéismes, Paris, Bayard, 2003, 559 pages, ISBN 2-227-47158-1.
• Charles S. PREBISH, Damien Keown (éd.), Introducing Buddhism.
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• Andrew RIPPIN (éd.), The
Blackwell Companion to the Qurān, Oxford,
Wiley-Blackwell, 2008, XIII + 560 pages (Blackwell Companions to Religion),
ISBN 9781405188203.
• Anders RUNESSON,
Donald D. BINDER, Birger OLSSON, The Ancient Synagogue from its Origins to
200 C.E. A Source Book, Leiden – Boston, Brill, 2008, XI + 328 pages
(Ancient Judaism and Early Christianity, 72), ISBN 978- 90-04-16116-0.
• Suzanne SAÏD, Approches de la mythologie grecque. Lectures anciennes et
modernes, Paris, Les Belles Lettres, 2008, 168 pages, ISBN 978-2-251-
44351-5.
• Walid A. SALEH, In Defense of the
Bible. A Critical Edition and an Introduction to al-Biqāī’s Bible Treatise, Leiden – Boston,
Brill, 2008, VIII + 223 pages (Islamic History and Civilization, 73), ISBN
978-90-04-16857-2.
• William SHEPARD, Introducing Islam, London – New York,
Routledge, 2010, XVIII + 333 pages (World Religions Series), ISBN
978-0-415-45518-3.
• Eliezer SCHWEID,
The Classic Jewish Philosophers. From Saadia through the Renaissance. Transl.
by L. Levin, Leiden – Boston, Brill, 2008, 490 pages (Supplements to The
Journal of Jewish Thought and Philosophy, 3), ISBN 978-90-04-16213-6.
• Adin
STEINSALTZ, La rose aux treize
pétales, Paris, Albin Michel, 2002, 196 pages (Spiritualités vivantes 191),
ISBN 2-226-13326-7.
• Charles TAYLOR,
Varieties of Religion Today : William James Revisited, Cambridge –
Londres, Harvard University Press, 2003, 127 pages, ISBN 0-674-01253-4.
• Kocku VON STUCKRAD,
The Brill Dictionary of Religion. Transl. R. R. Barr, 4 vol., Leiden –
Boston – Köln, Brill, 2007, 2179 pages, ISBN 978-90-04- 15100-0.
• Contemporary Buddhism. An Interdisciplinary
Journal. Volume 1, Number 1, May 2000, Richmond, Curzon Press, 109 pages,
ISSN 1463-9947.
• Culture and Religion. An International, Interdisciplinary
Journal. Volume 1, Number 1, May 2000, Richmond, Curzon Press, 150 pages,
ISSN 0143-8301.
TEXTE INTÉGRAL DES RECENSIONS
Review : Thierry LEGRAND
Dans la lignée
du Scottish Journal of Religious Studies, cette nouvelle revue internationale
veut offrir au lecteur toute une série d’articles et de contributions qui font
le lien – l’éditeur parle d’« interface » – entre les études consacrées à
la religion et celles plus spécifiquement liées à la culture. De ce fait, la
revue s’intéresse de manière assez large à l’anthropologie et ses domaines
connexes (ethnologie, psychologie…) ainsi qu’à l’histoire des religions. Après
quelques pages consacrées à la présentation des membres du comité de rédaction,
trois articles donnent le ton de cette nouvelle publication. Ils tentent un
éclairage nouveau des thèmes de la souffrance (source, expérience, contrôle),
du toucher (réflexions à partir des travaux d’E. Lévinas et W. Benjamin) et
quelques réflexions sur la « distance » dans le domaine de l’anthropologie
religieuse : Talal Asad, « Agency and Pain : an Exploration »,
p. 29-60 ; David Childester, « Haptics of the Heart : the Sense of
Touch in American Religion and Culture », p. 61-84 ; Pablo G. Wright,
« Postmodern Ontology, Anthropology, and Religion », p. 85-94. Chaque
article est pourvu d’une abondante bibliographie.
La deuxième
section (« Review Symposium ») de la revue rassemble cinq contributions à
propos de l’ouvrage de Russel T. McCutcheon, Manufactu-ring Religion : The
Discourse on Sui Generis Religion and the Politics of Nostalgia. New York,
Oxford University Press, 1997. La revue s’achève par un droit de réponse offert
à Russel T. McCutcheon et quelques recensions.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2002, Tome 82 n°
4, p. 455 à 517
Review : Thierry LEGRAND
L’auteur nous
entraîne dans une série de méditations sur le thème du corps, de l’âme et de
l’esprit. L’ouvrage a la forme d’un recueil de douze lettres adressées par
l’auteur à un ami qui l’interroge sur ses convictions. Le style des lettres est
vaguement biblique, le contenu théologique est assez faible : quelques
réflexions sur la notion d’esprit, les esprits, l’Esprit Saint lié au thème de
la Pentecôte et à quelques personnages bibliques, etc. Le tout est émaillé de
quelques références aux domaines artistiques : théâtre (J. Racine),
peinture (le Maître de Westphalie), littérature (Bernanos).
L’ouvrage est
dépourvu d’introduction et de conclusion, la bibliographie est très limitée.
Th. Legrand
© REVUE
D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2002, Tome 82 n° 4, p. 455 à 517
Review : Thierry LEGRAND
Ce volume
contient les actes d’un colloque consacré à la pensée du Cardinal Henry de
Lubac, grand théologien catholique, jésuite, soucieux de la question
interreligieuse et notamment du débat christianisme – bouddhisme. Trois faits
récents sont à l’origine de ce colloque : 1. Le renouveau d’intérêt pour
le bouddhisme en Occident et tout particulièrement en France (5 millions de «
sympathisants » bouddhistes) ; 2. l’importance et l’urgence d’un
dialogue interreligieux ; 3. la réédition revue et augmentée de La
Rencontre du Bouddhisme et de l’Occident (Paris, Cerf, 2000) par H. de Lubac.
L’ouvrage,
encadré par un discours inaugural et une allocution finale, rassemble une
dizaine de contributions de spécialistes du bouddhisme et de théologiens.
- La première contribution est signée de
Jacques Scheuer (p. 19-40), elle traite de l’évolution du bouddhisme ou des
bouddhismes dans la seconde moitié du XXe s. : intérêt pour les
religions ou philosophies « asiatiques » ; développement des études
bouddhologiques américaines et asiatiques ; diversité des disciplines
associées à la recherche bouddhologique… Ce champ de recherche immense laisse
entrevoir la diversité des formes du bouddhisme asiatique. Celui-ci est depuis
toujours multiple, divers, lié au cadre géographique (Sri Lanka, Chine, Corée,
Japon…), à la langue, à l’histoire, aux couches sociales, etc. L’Occident est
aujourd’hui le témoin d’une double rencontre avec le bouddhisme : d’une
part, l’immigration de populations asiatiques a placé l’Occident face à
différentes formes de pratiques bouddhistes ; d’autre part, le nombre
d’occidentaux intéressés par les différentes facettes du bouddhisme (b.
Theravâda, Zen, Tibétain, Sôka Gakkai…) n’a cessé d’augmenter. Cette rencontre
du bouddhisme et de l’Occident a pour conséquence le développement de l’édition
de textes (enseignements, commentaires, sermons, rituels…) mais aussi le
déploiement de multiples réseaux d’échanges dans les domaines culturels,
artistiques, éthiques et philosophiques. La contribution s’achève par quelques
réflexions sur le dialogue bouddhisme – christianisme et le chemin parcouru
depuis Vatican II.
- La contribution de Jean-Noël Robert (p. 41-58) concerne la place des
recherches sur le bouddhisme dans l’œuvre de H. de Lubac. La réédition de La
Rencontre du Bouddhisme et de l’Occident amène l’auteur à évaluer les positions
de plusieurs spécialistes en orientalisme et bouddhologie (M. Said, P. C.
Almond, D. S. Lopez).
- Paul Magnin (p. 59-87), grand spécialiste du bouddhisme chinois,
s’interroge d’abord sur la nature du bouddhisme (religion, philosophie, voie
spirituelle, art de vivre… ?) puis sur l’existence de critères d’unité et
d’orthodoxie en son sein.
- L’article de Dennis Gira (p. 90-103) s’intéresse à l’actualité de l’«
amidisme », forme de bouddhisme « populaire » encore méconnue en
France mais très présente au Japon. L’auteur affirme que cette tradition
ancienne, liée au bouddha de la Terre pure, Amitâbha (jap. Amida) est porteuse
d’un message pour les chrétiens intéressés par le bouddhisme ; elle permet
notamment de souligner la dimension chrétienne de la gratuité de l’amour de
Dieu (p. 91 et 102).
- Michel Fédou (p. 111-126) aborde la contribution de H. de Lubac au
dialogue interreligieux sous l’angle du rapport entre le christianisme et les
autres religions. Dans une première partie, l’auteur évoque les positions de
quelques grandes figures protestantes et tente de situer celle de H. de Lubac :
« l’Église a mission de recueillir (en le purifiant) la totalité de l’effort
humain… l’effort religieux lui-même » (p. 113). Cette affirmation ainsi
que d’autres (« tout âme est naturellement chrétienne » p. 116) manifeste
l’effort constant de H. de Lubac pour reconnaître la richesse et la diversité
de l’expérience religieuse humaine tout en affirmant la place centrale du
mystère du Christ. Dans le domaine du dialogue interreligieux, la réflexion de
H. de Lubac n’est pas exclusiviste, elle est au-delà de l’inclusivisme sans
pour autant s’identifier à une forme de pluralisme. La deuxième partie de
l’article présente les options suivies par H. de Lubac pour envisager le débat
interreligieux : l’exigence d’une connaissance sérieuse des autres
religions ; l’appréciation critique des influences qui se sont exercées
entre les religions ; l’évaluation des rapprochements éventuels qui ne
doit pas occulter l’existence de divergences fondamentales. L’article s’achève
par quelques réflexions sur les liens entre mystique et mystère dans la
théologie de H. de Lubac.
- Faisant suite à la contribution du cardinal Paul Poupard sur le magistère
de l’Église dans le dialogue entre bouddhisme et christianisme (p. 127-141),
l’article de Bernard Senéchal (p. 143-162) nous entraîne sur le terrain missionnaire
du dialogue interreligieux dans les monts du Dragon-Coq (Sud-Ouest coréen). Un
détour méthodologique lui permet en premier lieu de relever la diversité des
bouddhismes tout en affirmant la nécessité d’étudier sérieusement ce qui fait
l’unité du bouddhisme. L’auteur fait alors état de son expérience concrète :
favoriser l’intégration de l’héritage bouddhique à la foi chrétienne par le
biais de nouvelles formes de méditation. Il expose les difficultés d’un
dialogue interreligieux qui commence par une phase de dialogue «
intra-religieux » : écoute attentive intérieure du retentissement
d’une autre tradition religieuse.
- La synthèse finale de P. Magnin, bilan et perspectives (p. 173-180),
rappelle les idées fortes de ce colloque. En fin d’ouvrage, la bibliographie
générale (p. 185-195) peut servir de « première » bibliographie sur le
bouddhisme. Quelques pages sur le projet de publication des Œuvres complètes de
H. de Lubac (50 volumes au Cerf) viennent conclure cette publication.
Th. Legrand
© REVUE
D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2002, Tome 82 n° 4, p. 455 à 517
Review : Thierry LEGRAND
Le bouddhisme en
Europe ou aux États-Unis a longtemps été perçu comme un phénomène de mode ou un
« snobisme religieux ». Aujourd’hui, force est de constater sa progression
numérique et sa meilleure acceptation dans le monde occidental. Contemporary
Buddhism propose un lieu de débat et d’échanges sur le bouddhisme de notre
temps, ses différents courants, ses aspects pratiques et philosophiques.
Cette nouvelle
revue venue d’Angleterre, s’est donnée deux objectifs : 1) elle vise à
l’interdisciplinarité ; elle rassemble des contributions d’historiens des
religions, mais aussi de psychologues, de théologiens, d’anthropologues et tout
autre spécialiste en sciences humaines ; 2) la revue s’intéresse
prioritairement aux contributions touchant à l’actualité du bouddhisme :
ses développements en Occident, ses relations actuelles avec les autres
religions, les différentes écoles qui le compose.
L’article
d’Andrew Skilton, « The Letter of the Law and the Lore of Letters » (p.
9-34) manifeste bien l’esprit et l’orientation de Contemporary Buddhism :
l’auteur s’intéresse à la question de l’accessibilité des textes du corpus
bouddhique. Qu’ils soient écrits en pâli, en sanskrit ou dans d’autres langues,
ces textes sont peu accessibles, et souvent incompréhensibles pour le commun
des mortels. Les traductions sont soit trop littérales, soit au contraire
résolument trop interprétatives ; elles n’offrent qu’une image déformée de
la substance textuelle. D’autre part, les éditeurs s’orientent encore trop
souvent vers la recherche d’un « original » ou d’un « texte complet »
qui n’a, de fait, jamais existé ! Partant d’un travail de recherche sur la
littérature Mahâyâna, l’auteur plaide pour un travail d’édition critique qui
présenterait une seule recension des textes, sans éclipser pour autant les
autres recensions éventuelles. La constitution d’ouvrages synoptiques devrait
ainsi favoriser l’accès de tous à la richesse de la tradition bouddhique.
Des notes et une
bibliographie détaillée accompagnent chacun des articles.
Th. Legrand
© REVUE
D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2002, Tome 82 n° 4, p. 455 à 517
Review : Thierry LEGRAND
Le monothéisme et les
monothéismes sont à la mode ces derniers temps, et il est réjouissant de voir
surgir des ouvrages qui cherchent à présenter l’essentiel de ce qu’il faut
savoir sur l’une des trois grandes religions monothéistes. Le titre de cet
ouvrage collectif n’en trahit pas le contenu ; il s’agit bien d’un
dictionnaire ou plutôt, de la juxtaposition de trois lexiques rassemblant
l’essentiel des termes et des concepts associés au judaïsme, au christianisme
et à l’islam. Aucune introduction ne précède les trois sections du livre.
Chacune des trois religions est présentée à partir de 200 mots clés (noms
propres, concepts, termes désignant des institutions ou des pratiques),
beaucoup sont des transcriptions de termes hébreux ou arabes (Aggada, Bet din,
Djinns, Fâtiha, etc.) Il est à noter que la section concernant le christianisme
est largement plus développée que la section sur l’islam.
L’ouvrage n’est pas doté
d’un index des termes classés par religion, mais d’une liste alphabétique des
termes présentés dans l’ouvrage. Il aurait été utile de compléter cette liste
par un index thématique beaucoup large. Un système de codes (1,2,3, flèches)
permet d’indiquer le développement d’une thématique dans une, deux ou trois des
religions monothéistes. Le même système est adopté à la fin de chaque notice.
L’ensemble des termes choisis offre une vision assez complète de chacun des
trois monothéismes. Cependant, plusieurs manquements sont à signaler : le
terme « confirmation » n’apparaît ni pour le christianisme, ni pour le
judaïsme ; le « messianisme », si important dans l’histoire du judaïsme
(cf. Sabbatai Tsevi) renvoie seulement au christianisme ; « justice »
et « justification » sont absents de ce dictionnaire ; « deuil »
et « mort » ne sont traités que pour le judaïsme ; il n’y a de «
philosophie » et de « pèlerinage » qu’en islam ; le terme «
amulette » est seulement développé pour le judaïsme ; la notion d’«
intégrisme » n’est traitée que dans la section sur le christianisme. En
bref, l’ouvrage est bien écrit, il est agréable et facile à consulter ; il
sera utile à la fois pour les étudiants en théologie, et tous ceux qui désirent
s’instruire rapidement sur un aspect particulier d’une des trois grandes
religions monothéistes. Quelques questions cependant : n’y a t-il eu que
trois monothéismes dans le monde et dans l’histoire ? Peut-on faire
l’économie d’une réflexion sur le monothéisme dans un dictionnaire qui traite
précisément de cette question ? Comment ces religions ont-elles coexisté,
quels liens les unissent, quelles sont les perspectives de dialogue ?
L’absence d’une introduction conséquente est regrettable.
Th. Legrand
© REVUE
D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2004, Tome 84 n° 4, p. 482
Review : Thierry LEGRAND
Plusieurs spécialistes des
religions de l’Inde et de l’Asie, du judaïsme, de l’islam et du christianisme
se sont rassemblés à Suresnes en 2001, pour une rencontre inter-spirituelle.
Cet ouvrage offre la retranscription de leurs échanges. Il ne faut y chercher
aucune contribution magistrale sur le dialogue interreligieux, ses conditions
et ses objectifs ; l’ouvrage fait la part belle au dialogue, à l’échange
de paroles et à l’interpellation.
Suivant un parcours d’interrogations
religieuses balisé par le modérateur P. Levy, les contributeurs (Pir Vilayat,
K. Badawi, Pir Zia, Jean Biès, Lam Kunkyab, Jacques Laffite, Alain Porte,
Yonatan Shani) interviennent tour à tour et s’interpellent mutuellement. Les
sujets proposés à la réflexion des orateurs sont multiples : la définition
de Dieu, la fonction du corps dans la religion, les voies qui mènent à Dieu,
l’échec de la morale, l’expérience mystique, l’éveil de Dieu en nous, etc. La
démarche est intéressante même si elle montre ses limites : le lecteur
peut se sentir désemparé par un flot de réflexions qui ressemble parfois à une
sorte de collage de belles pensées intellectuelles. La voix protestante y est
absente, c’est bien dommage !
Th. Legrand
© REVUE
D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2004, Tome 84 n° 4, p. 482-483
Review : Thierry LEGRAND
La collection Religions of
the World propose de brèves introductions aux religions contemporaines :
Judaïsme, Christianisme, Islam, Hindouisme, Bouddhisme et nouveaux mouvements
religieux. Le présent volume traite de la religion juive en cinq chapitres
denses et équilibrés : 1. L’auteur (rabbin de formation) introduit son
ouvrage par une description et une réflexion sur le sabbat. Comment vivre cette
institution juive dans le monde moderne ? Il poursuit par une brève
présentation des institutions juives et des différents mouvements qui composent
le judaïsme actuel. Il achève cette première partie par une réflexion sur
l’appartenance au judaïsme ; quelques chiffres complètent son exposé.
La France rassemble la
quatrième communauté juive après les États-Unis, Israël et l’Union Soviétique.
2. Quelques pages denses suffisent à présenter « l’histoire du peuple juif »
(p. 34-55), depuis les origines (Patriarches) jusqu’à la fin du Moyen Âge. La
période du Second Temple est assez développée. On constate cependant la quasi
absence d’informations sur le mouvement essénien (deux lignes et une datation
au premier siècle de notre ère). 3. Le « judaïsme aux temps modernes » (p.
56-74) s’ouvre par une présentation de deux courants marquants (du XVIe s. au
XVIIIe s.) : le messianisme (avec Shabbetai Zevi) et le hassidisme. L’a.
s’intéresse ensuite aux mutations vécues par le judaïsme à la fin du XVIIIe s.
et au début du XIXe s. : Moïse Mendelssohn et ses successeurs firent
entrer le judaïsme dans une ère nouvelle. La fin du chapitre développe une réflexion
sur l’anti-sémitisme et le sionisme. 4. Incontournable dans une introduction au
judaïsme, la section « Croyances et pratiques religieuses » (p. 75-94)
énonce l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur les fondements du judaïsme :
l’affirmation du monothéisme (cf. la récitation du Shema), l’importance
de l’acte créateur, la notion de peuple choisi et la référence à la Torah et
ses commandements comme socle de la foi juive. La succession des jours est
marquée par une multiplicité de rites, de pratiques (kachrouth) et de
prières (Amidah, Kaddish, Alenu, etc.) La célébration des
fêtes liturgiques (Pesah, Chavouoth, Soukkot, etc.) et des
grands moments de l’existence (naissance, bar/bat mitswah, mariage,
funérailles) rythme la vie juive et permet des temps d’édification personnelle
et communautaire. 5. Le chapitre sur le « judaïsme au XXIe siècle » (p.
95-110) rassemble quelques enjeux importants : la pluralité des
conceptions messianiques ; la survie de l’État d’Israël ; la place
des femmes dans le judaïsme.
Bien que succinct, l’ouvrage
est agrémenté de plusieurs éléments utiles : des illustrations, deux
encarts sur l’art juif et la synagogue, une chronologie, une carte présentant
la répartition des communautés juives de par le monde, un glossaire de plus de
130 termes et un index assez complet. Ce livre peut être conseillé aux
débutants.
Th. Legrand
© REVUE
D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2004, Tome 84 n° 4, p. 484
Review : Thierry LEGRAND
Adin Steinsaltz a publié de
nombreux livres sur le judaïsme et sa spiritualité ; son introduction au
Talmud et l’édition française de nombreux traités talmudiques constituent des
outils importants. Le présent ouvrage rassemble une série d’essais sur le
judaïsme et la spiritualité juive ; il a été traduit de l’anglais par Josy
Eisenberg et Michel Allouche. Le titre et le contenu de cet ouvrage font
référence à la Cabbale : la « rose aux treize pétales » (début du
Zohar) évoque la diversité, la richesse et la complexité des relations entre
Dieu et son peuple.
Le premier chapitre nous
entraîne sans détour dans l’univers cabalistique complexe des quatre dimensions
ou quatre mondes : le monde de l’action (le nôtre, physique et spirituel),
celui de la formation (où les malakhim [anges] jouent une rôle de
premier ordre), celui de la création (monde du trône et des seraphim) et
le monde supérieur de l’émanation, véritable source divine. Les manifestations
ou révélations de dieu au travers des dix Sefirot sont alors explicitées
(p. 43-59). L’a. montre comment le comportement humain, par le biais d’une mitswah
ou d’une transgression, a des conséquences directes sur le système
séfirotique. Qu’en est-il de l’âme humaine (p. 60-80) ? Constituant
l’étincelle divine en chaque être, l’âme, dont on peut distinguer cinq niveaux,
révèle les structures des dix sefirot.
Le chapitre suivant (p.
81-98) s’intéresse aux lieux où s’exprime la sainteté divine : le Temple
de Jérusalem est au coeur d’une série de cercles de sainteté, mais celle-ci se
révèle aussi au travers du temps qui passe (chabbat et fêtes religieuses). C’est
entre autres par l’intermédiaire de l’étude de la Torah et de l’accomplissement
de mitswot que l’être humain sera marqué par la sainteté divine.
Certains hommes particulièrement saints seront à leur tour des véhicules de la
sainteté. D’un chapitre assez classique sur la nature et les modes d’expression
de la Torah (p. 99-110), l’a nous entraîne sur les voies subtiles de l’éthique
et de l’esthétique dans le judaïsme (p. 111-134).
L’ouvrage s’achève par une
vaste réflexion sur la foi juive. L’auteur relève en premier lieu l’importance
de la Techouvah (retour vers Dieu et sur soi-même en quête d’une réponse
divine), puis il évoque à nouveau la notion de sainteté et sa dimension
quotidienne, vécue au travers du respect des mitswot (commandements).
Voici un petit livre
intéressant et stimulant sur le judaïsme. Il s’agit plus, cependant, d’une
initiation au judaïsme au travers de quelques grands concepts que d’une
introduction à la Cabbale.
Th. Legrand
© REVUE
D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2004, Tome 84 n° 4, p. 485
Review : Thierry LEGRAND
Saluons la parution d’un
dictionnaire impressionnant qui fera date parmi les ouvrages de référence en
matière de Religionswissenschaft. Il s’agit d’une refonte complète du
vénérable Wörterbuch der Religionen d’Alfred Bertholet, publié il y a
plus d’un demi-siècle. Menée par trois spécialistes allemands du domaine
religieux, l’entreprise a nécessité la participation de 70 contributeurs.
Cet ouvrage, d’une qualité
interne et externe remarquable, transmet quelques 2600 notices sur des sujets
aussi variés que l’antisémitisme, le colonialisme, John Locke, le Yoga, ou
l’Umma islamique. La plupart des articles sont assez brefs (entre 5 et 15
lignes) mais certains s’apparentent à de véritables petites monographies, par
exemple : « Afrikanische Religionen », « Altägyptische Religion »,
« Aufklärung », « Christentum », « Esoterik », « Heil », «
Hinduismus », « Islam », « Judentum », « Mensch », « Seele »,
« Tradition » et plusieurs notices attendues autour du terme
« Religion ».
Chaque article s’ouvre par
quelques renseignements sur l’étymologie, le sens ou l’usage de tel ou tel
terme. Lorsqu’il s’agit de présenter une figure importante de l’histoire des
religions ou de la philosophie, les dates et les principales étapes de sa
carrière sont indiquées. La grande originalité de cette œuvre collective réside
dans les références bibliographiques récentes fournies pour la plupart des
termes présentés. Ceci en fait un instrument très précieux pour celui qui veut
s’informer rapidement sur un concept, un domaine ou une figure des sciences
religieuses.
Bien sûr, le lecteur informé
sera souvent frustré par la brièveté des présentations, mais il s’agit bien
d’un dictionnaire et non d’une encyclopédie religieuse. Qu’il nous soit permis
ici de signaler un outil similaire et complémentaire en langue anglaise :
Keith R. Crim (éd.), Abingdon Dictionary of Living Religions, Nashville,
Abingdon, 1981 (reprint 1990).
À noter, en fin de volume,
un « Register der Schreibvarianten », très utile pour ceux qui ne
connaissent pas toutes les transcriptions des termes techniques de l’univers
des sciences religieuses.
Th. Legrand
© REVUE
D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2006, Tome 86 n° 4, p. 580-581
Review : Thierry LEGRAND
Voici un petit essai
philosophique réalisé sur la base d’un ouvrage du psychologue et philosophe
américain William James : The Varieties of Religious Experience,
1906, rééd. 1985 (trad. Les formes multiples de l’expérience religieuse,
2001). Par ses réflexions novatrices et pertinentes dans les domaines de la
philosophie religieuse et de la sociologie des religions, ce livre a connu un
large succès aux États-Unis.
Charles Taylor, penseur et
philosophe canadien, entre ici en conversation avec W. James et reprend
quelques-unes de ses idées percutantes. L’a. y relève la modernité des idées de
W. James et la remarquable actualité de ses analyses. La notion d’expérience
religieuse individuelle, énoncée en son temps par W. James, trouve un écho
particulier dans la société nord-américaine. Elle permet de s’interroger à
nouveau sur la place des individus et des institutions religieuses dans les
sociétés modernes.
Th. Legrand
© REVUE
D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2006, Tome 86 n° 4, p. 581
Review : Thierry LEGRAND
Cinquième volume de la
collection « Ce qu’en disent les religions », l’ouvrage propose une étude
du thème de la violence au travers de cinq grandes traditions religieuses :
les trois monothéismes (judaïsme, christianisme, islam), le bouddhisme et
l’hindouisme.
Après une introduction à la
thématique sous l’angle philosophique, le lecteur est amené à suivre la
présentation du thème de la violence dans les différentes religions mentionnées
plus haut. Chaque dossier est présenté par un spécialiste d’une religion (une
ethnologue, un pasteur, un rabbin, une traductrice, un philosophe). Les uns et
les autres s’efforcent de mettre en évidence les réponses religieuses au
problème de la violence.
Qu’il suffise ici de
présenter brièvement la contribution intitulée « Le judaïsme devant la violence
de la Bible » (p. 29-49) pour se convaincre de la richesse de cet ouvrage.
L’article de D. Fahri s’ouvre par une constatation simple et déconcertante :
la violence est partout ! La Torah est porteuse d’une violence incroyable
qui s’exprime à des degrés divers et de manières différentes dans toutes les
sections de la Bible hébraïque. Qu’il s’agisse des récits fondateurs, des
écrits prophétiques ou sapientiaux, les textes bibliques évoquent constamment
la violence humaine ou divine, l’injustice, le jugement et la vengeance. L’auteur
insiste alors sur la violence qui s’exprime dans la législation biblique et les
nombreux passages qui menacent de peine de mort ceux qui enfreignent les
prescriptions de la Torah (p. 35-38). L’ambivalence est présente dans les
écrits de la Bible qui présentent tour à tour un Dieu d’amour et de compassion
et un Dieu de rigueur et de violence. La « violence des rapports entre Israël
et les nations de l’époque biblique » fait l’objet du chapitre suivant. La
violence s’exprime aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la communauté
religieuse (cf. les guerres d’Israël). Il s’agit d’une violence à l’encontre
des êtres, mais aussi de leurs productions ; une violence contre la
culture et contre les cultes : les villes sont rasées et leurs richesses
pillées, les lieux sacrés et les idoles sont détruits. Notons que cette
violence s’exerce à la fois contre des nations étrangères, mais aussi
fréquemment contre des nations sœurs : Ismaélites, Moabites, Édomites et
Ammonites font partie de la grande famille d’Abraham si l’on en croit les
généalogies bibliques ! Comment le judaïsme a-t-il fait face à cette
omniprésence de la violence dans le texte biblique ?
L’auteur aborde un dernier
chapitre où il met en évidence le rôle du Talmud dans le processus «
d’atténuation » de la violence contenue dans la Bible hébraïque. Il montre
comment les maîtres de la tradition orale ont travaillé à rendre inapplicables
les nombreux cas de condamnation à mort énoncés dans les textes bibliques. Ils
mettront au point toute une argumentation conduisant à l’annulation pure et
simple d’un certain nombre de règles. Ainsi, l’exégèse juive qui se développe
dans les premiers siècles de notre ère va déployer tout une batterie de
techniques, de lectures et d’interprétations visant à contourner les passages
difficiles, sans trahir pour autant le texte biblique. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Même s’il est difficile de parler globalement de l’attitude du judaïsme face à
la violence, on peut dire qu’il va dans le sens d’une condamnation de la
violence. Il est aussi dans l’attente messianique d’un monde meilleur, fait de
paix, de justice et de fraternité. Le judaïsme est aussi et avant tout une
religion de perfectionnement de l’individu : toute la vie du fidèle juif
est normalement tendue par l’idée de progrès intérieur de l’individu, et ce
progrès va dans le sens d’une maîtrise de la violence. On le perçoit aisément,
l’exposé de D. Fahri se révèle fort intéressant, même si l’auteur traite
souvent du judaïsme comme d’une religion monolithique, sans courant et sans
rupture !
L’ouvrage s’achève par une
sorte de forum ou de mise en dialogue des différents contributeurs à partir
d’une série de questions simples et concrètes : D’où vient la violence ?
Quel est le remède à la violence ? Y a-t-il une violence légitime ?
Quel est le contraire de la violence ? À la lecture de ce dossier assez
riche, l’historien, le théologien et l’exégète restent cependant en état
d’insatisfaction : le sujet est parfois abordé d’une manière désordonnée
et l’ensemble manque un peu de rigueur scientifique. Peu importe, le sujet est
traité sans tabou et l’ouvrage a le mérite d’engager le débat sur une question
souvent éludée par les grandes traditions religieuses de notre temps.
Concluons sur une parole
protestante, celle de F. Clavairoly, en charge du dossier « Le christianisme
affronté à la violence », un chapitre stimulant, presqu’une prédication :
« […] le contraire de la violence, c’est l’histoire du pardon, quelque chose
qui avance, qui nous emmène après et ailleurs » (p. 172).
Th. Legrand
© REVUE
D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2006, Tome 86 n° 4, p. 582-583
Review : Thierry LEGRAND
Ce livre est un parcours de foi, celui d’un prêtre qui
cherche à présenter de manière simple et éclairée l’histoire de la foi
monothéiste depuis ses origines jusqu’au développement du christianisme. Il
tente de répondre à la question suivante : quel chemin existe-t-il entre
la transcendance la plus radicale, celle du Dieu des origines, et l’immanence
la plus déconcertante, celle d’un Dieu qui se fait homme en Jésus de Nazareth
(cf. p. 163-164) ? L’auteur connaît les ouvrages de référence appartenant
à l’histoire des religions, l’histoire d’Israël et celle du christianisme. Il
en fait une synthèse intelligible mais qui manque parfois d’esprit critique.
Une première section dédiée au « contexte général »
du surgissement du prophétisme est suivie d’une présentation rapide de la «
religiosité hébraïque » à la période ancienne. La section suivante «
raconte » les développements de la foi monothéiste autour de la période
exilique et manifeste l’importance du message prophétique qui s’y déploie. Un
chapitre intitulé « Écriture de la Bible : la mission d’Israël au cœur de
l’Histoire » entraîne le lecteur dans une histoire de l’écriture – un peu
romancée – des livres de la Bible hébraïque. La section sur le « Judaïsme »
ne manque pas de surprendre par une certaine partialité de l’auteur et quelques
formulations étonnantes sur le judaïsme postexilique (« l’étrange retard de la
religion juive », p. 104 ; « la sombre prison dans laquelle le
judaïsme s’était enfermé », p. 111, et d’autres expressions dévalorisantes
concernant le judaïsme « tombé dans ce piège » ; le « grand sommeil
d’Israël », etc.).
À partir de nombreuses citations commentées du Nouveau
Testament, les derniers chapitres de cet ouvrage retracent l’histoire de la
naissance du christianisme et le développement du message chrétien. Comme nous
l’avons signalé, il s’agit bien d’un livre « parcours », une sorte d’essai
sur la foi d’Israël, le prophétisme et le surgissement de la foi chrétienne.
Deux cartes, une petite chronologie et une bibliographie de plus d’une centaine
d’ouvrages de référence viennent compléter l’ouvrage.
Th. Legrand
© REVUE
D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2006, Tome 86 n° 4, p. 584-585
Review : Thierry LEGRAND
Au fil d’un bref ouvrage très stimulant, Podselver
expose quelques uns des processus de fragmentation et de recomposition qui sont
à l’oeuvre dans le judaïsme contemporain français.
L’introduction
énonce à grands traits l’histoire des juifs de France depuis la Seconde Guerre
jusqu’à nos jours. Évoquant les mouvements migratoires de juifs venus d’Afrique
du Nord à partir des années cinquante, l’auteur rappelle le caractère
hétérogène et « multi facette » du judaïsme contemporain. Si l’on note
aujourd’hui une certaine revalorisation des pratiques religieuses, un
développement des pratiques culturelles en lien avec le judaïsme et une attention
pour les textes de la tradition (p. 10), nombreux sont les juifs de France qui
vivent leur judéité sur un mode individuel, sans lien avec les institutions
religieuses ou communautaires.
Le second chapitre traite du Consistoire israélite,
organe officiel du judaïsme religieux. Celui-ci, créé en 1808, rassemble
aujourd’hui 230 communautés (80 pour Paris et sa région). Il a pour tâche
d’organiser le culte hébraïque dans toutes ses dimensions : instruction
religieuse, célébration des mariages, abattage rituel, maintenance et gestion
des lieux de culte, etc. À partir d’une enquête menée auprès de rabbins,
l’auteur propose un examen de la composition sociale du Consistoire et quelques
réflexions sur l’enseignement donné au Séminaire israélite de France. L’analyse
fait ressortir les tensions qui subsistent au sein du Consistoire,
tiraillements révélateurs de l’évolution de la société juive au cours de ces
dernières décennies. La formation des rabbins a connu elle aussi plusieurs
modifications : renforcement des études dans le domaine des écrits
traditionnels (Talmud, midrashim, etc.), formation complémentaire dans des yeshivot traditionalistes.
Un chapitre intitulé « Sarcelle-ville juive :
laboratoire des mouvements sociaux » précise le mouvement de fragmentation
communautaire et « l’expression plurielle des judaïcités » perceptibles
dans un environnement bigarré, marqué par les différentes vagues migratoires.
Bien que rapide, l’analyse ethnographique de Podselver est passionnante ;
elle révèle les tentatives actuelles de retours « à la culture d’avant la
transplantation » et de « bricolage des références culturelles et
cultuelles » (p. 39).
La quatrième étude de ce recueil examine le
développement des communautés hassidiques en France depuis le dernier quart du
vingtième siècle. Rappelant les étapes historiques et sociologiques qui ont
conduit à l’émergence et au déploiement de ces mouvements néo-orthodoxes,
l’auteur insiste sur la notion de retour ou conversion (teshouva) qui les
caractérise.
À l’image d’une recherche honnête, l’ouvrage s’achève
sur une relecture des chapitres précédents par Jörg Stolz, professeur en
sociologie de la religion à l’Université de Lausanne. On y trouvera un bon
résumé des études de l’a. (p. 61-65) ainsi qu’une série de critiques et de remarques
méthodologiques tout à fait pertinentes (p. 65-76).
Th. Legrand
© REVUE
D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2007, Tome 87 n° 1, p. 76-77
Review : Thierry LEGRAND
Bien connu dans les communautés juives de France et
d’Israël, le Rav Léon Askénazi (1922-1996) est une personnalité marquante de la
renaissance du judaïsme de l’après-guerre. Penseur et théologien engagé,
l’auteur s’est attaché à développer et revitaliser les structures de
l’enseignement du judaïsme, en France et en Israël. Grand connaisseur des
sources juives anciennes et kabbaliste réputé, il a aussi été un artisan du
dialogue avec le christianisme et l’islam.
Un avant-propos présente la vie et l’oeuvre de l’A.,
en insistant sur son rôle d’enseignant et son engagement dans la revue Ki
Mitsion. Une introduction, rédigée par Daniel Askénazi, présente les
méthodes exégétiques mises en oeuvre par l’auteur : « Pour lui, la méthode
d’exégèse traditionnelle est la confrontation entre ce qui transparaît dans la
Bible – la trace, l’héritage que nous avons reçu, résultat de la mémoire et de
l’identité de notre peuple – et les événements que nous vivons aujourd’hui et
dans notre histoire » (p. 21).
Le corps de l’ouvrage est constitué d’un peu plus de
soixante-dix brèves contributions consacrées aux cinquante-quatre sections
hebdomadaires (parasha / parashiyyot) de la Torah (ici, au sens
de « Pentateuque ») ; ces notices ont été publiées dans Ki Mitsion
(pour l’essentiel, entre 1990 et 1996), quelques années avant la
disparition de l’A.. Pour chaque parasha, l’auteur fait suivre le résumé
de la péricope de quelques notes exégétiques et quelques réflexions sur le
passage biblique. À la manière rabbinique, il confronte souvent son analyse à
celles des grands penseurs juifs (Rashi, les penseurs du Moyen Âge et les
maîtres contemporains de l’auteur) ou des écrits rabbiniques (Talmud, Midrash).
L’exégèse est riche et parfois étonnante ; bien souvent, les commentaires
et les enseignements de l’auteur sont marqués par les événements de l’actualité
de la fin du XXe s.
L’ouvrage s’achève par un index utile rassemblant de
brèves notices (« notes bibliographiques », p. 417-444) sur la littérature
rabbinique (Midrach, Pirqé, Zohar, etc.) et les grands
penseurs du judaïsme (Baal Chem Tov, Jacob Ben Acher, Nahmanide, Kook, etc.).
À ceux qui souhaitent découvrir une interprétation
juive de la Torah, suivie, guidée et actualisée, la lecture de cet ouvrage est
vivement recommandée.
Th. Legrand
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D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2007, Tome 87 n° 4, p. 499
Review : Thierry LEGRAND
Après une introduction générale et un essai de
définition du Midrash sous l’angle méthodologique et sociologique (p. 13-25),
l’auteur étudie le Midrash sous trois aspects différents : historique,
linguistique et philosophique.
Le premier chapitre, intitulé « L’histoire »,
s’intéresse d’abord à l’appropriation et à la réinterprétation de l’histoire
générale (histoire chronologique) par le Midrash (p. 27-37). L’auteur relève la
difficulté qu’il y a à exploiter les données historiques insérées dans le
Midrash et présente de manière succincte quelques exemples de personnages et
d’événements historiques évoqués dans cette littérature : Jésus,
Alexandre, les empereurs Antonin et Julien. Dans la seconde partie du premier
chapitre, l’auteur s’intéresse à ce qu’il désigne comme la « chronosphère du
Midrash » (p. 37-54), c’est-à-dire la vision particulière de l’histoire révélée
dans le Midrash : il s’agit d’une histoire complexe et vivante, comparable
à un vaste tissage constitué de passage bibliques, d’anecdotes, de dialogues et
d’expériences de rabbis. L’auteur illustre alors, par quelques exemples
concrets (Abraham, Moïse, David et la figure du Messie) les procédés mis en
oeuvre dans le Midrash, genre littéraire où l’on rencontre « des acteurs
inclassables dans les annales historiques évoluant dans un décor introuvable
sur les cartes des géographes » (p. 16).
La seconde partie s’intéresse au Midrash en tant que «
méthode d’investigation du texte biblique » (p. 55-84). L’auteur passe ici
en revue quelquesunes des grandes techniques utilisées dans le Midrash pour
interpréter les données bibliques : jeux sur le sens et la place des mots,
traitement des homonymes (hésèd signifie « grâce » mais aussi «
inceste », « ignominie », p. 64), analyse des expressions bibliques
difficiles, explications étiologiques. L’A. évoque alors la richesse des moyens
d’expression du Midrash : dires des sages, anecdotes, comparaison (mashal),
paraboles, exégèse symbolique et allégorique, interprétation systématique,
récits aggadiques, etc.
La troisième section du livre survole quelques grandes
questions philosophiques ou thèmes développés dans le Midrash : la
création du monde, le corps et l’âme, le logos, la prédestination et le libre
arbitre, l’astrologie et la magie, les hommes et les femmes (p. 85-106).
L’auteur conclut son livre par une synthèse sur le Midrash et trois exemples de
midrashim modernes.
De lecture agréable, l’ouvrage est une invitation à
découvrir la richesse des développements midrashiques contenus dans le Corpus
midrashicum et le Talmud, mais il ne constitue pas une étude systématique
du Midrash. Pour une étude précise et scientifique de la forme et du contenu
des midrashim, nous renvoyons le lecteur à deux ouvrages classiques :
H. L. Strack – G. Stemberger, Introduction au Talmud et au Midrash,
Paris, Cerf, 1986 ; M. Taradach, Le midrash. Introduction à la
littérature midrashique, Genève, Labor et Fides, 1991.
Th. Legrand
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D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2007, Tome 87 n° 4, p. 499-500
Review : Thierry LEGRAND
Les éditions du Cerf présentent ici la traduction
d’une série de trente et une causeries radiophoniques données il y a plus de
trente années par Yeshayahou Leibowitz (1903-1994), l’un des plus grands
penseurs du judaïsme contemporain, un intellectuel connu pour ses ouvrages sur
le judaïsme et Maïmonide, ainsi que pour ses prises de positions critiques à
l’égard de la politique israélienne. Sur la base d’une étude de quelques
passages des Pirqé Avot (« Aphorismes des Pères »), l’auteur
déroule sa pensée et ses réflexions personnelles sur la Torah, au fil des
semaines et en fonction de l’actualité et des réactions de son auditoire. Il
entre ainsi tour à tour en dialogue avec les rabbis de la Mishnah et du Moyen
Âge et les penseurs modernes. Les écrits et les idées de Maïmonide, philosophe
juif de référence pour l’A., occupent une place particulière dans cette série
de causeries (voir Y. Leibowitz, La foi de Maïmonide. Introduction,
traduction de l’hébreu et annotation par David Banon, Paris, Cerf, 1992). Parmi
la multitude de thèmes abordés dans l’ensemble de ces chapitres, cinq y sont
plus particulièrement développés : la Torah et l’importance de son étude
(affaire de spécialiste ou pas ?), la prière, le service de Dieu (la foi
intéressée ou désintéressée ?), le pouvoir et la liberté humaine.
Il n’est pas besoin d’être un grand connaisseur du
judaïsme et de ses écrits fondateurs pour lire cet ouvrage « abordable »
dans tous les sens du terme. Un regret cependant : pour guider le lecteur
et l’inviter à poursuivre ses réflexions, il aurait été utile, en annexe, de
disposer d’une traduction du traité mishnique Pirqé Avot.
Th. Legrand
© REVUE
D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2007, Tome 87 n° 4, p. 500-501
Review : Thierry LEGRAND
Professeur de langue et de littérature indo-iranienne
anciennes à l’Université de Liège, l’A. a publié plusieurs ouvrages et articles
sur les textes rédigés en avestique (dialecte oriental de l’iranien ancien) ;
il étudie dans ce livre une figure complexe de la mythologie iranienne :
Ārti, la déesse « chance », parfois considérée comme l’Aphrodite
iranienne.
L’introduction, fort développée (p. 23-104), nous
présente la personnalité, les qualités et les attributs de la déesse Ārti,
selon les sources iraniennes anciennes. Cette divinité aux contours multiples
et variés est invoquée pour la naissance d’un garçon ; elle offre aussi
aux fidèles la guérison, la protection, la quiétude, la félicité et la
richesse. Son acuité visuelle est comparable à celle de Zoroastre (Zardusht)
– qu’elle conduit dans son char ; elle lui permet de repérer l’adversaire
et de le châtier (p. 53). Dans le domaine de l’eschatologie individuelle,
Ārti préside au sort des défunts qui ont vécu leur vie terrestre selon le
bon comportement.
La seconde section de ce livre offre une étude savante
et très documentée des Yashts 17 (p. 105-252) et 18 (p. 253-261). Ces
hymnes fournissent l’essentiel des informations sur Ārti, déesse honorée
par le sacrifice. Les Yashts, qui constituent une des sections
sacrificielles de l’Avesta, sont des chants à la louange de plusieurs
divinités, des hymnes accompagnant les sacrifices mazdéens. Le recueil des
21-22 Yashts (à l’origine trente hymnes associés aux trente jours du
mois) est très important du point de vue de l’histoire des religions, puisqu’on
y trouve des informations sur plusieurs divinités indo-européennes – leurs
attributs, prérogatives et caractéristiques. Dans cette deuxième partie, l’A.
présente une traduction annotée de l’Ard Yasht (Yasht 17), suivie
d’une édition critique du texte pehlevi (moyen-persan), et d’une
translitération commentée du manuscrit F1.
L’ouvrage s’achève par l’édition commentée et la
traduction de l’Ashtad Yasht (Yasht 18), un bref texte liturgique
consacré en partie à la déesse Ārti et aux bienfaits qu’elle procure. Il
s’agit là d’un ouvrage pour les spécialistes. En effet, les sources iraniennes
étudiées par l’auteur sont riches et complexes, et les nombreuses indications
philologiques données au fil des pages ne sont accessibles qu’à un public de
connaisseurs. Néanmoins, cette traduction en français des textes avestiques
s’avère particulièrement utile pour les spécialistes des religions iraniennes.
Qu’il nous soit permis ici de mentionner deux ouvrages
indispensables pour l’étude du mazdéisme et des religions de l’Iran ancien :
M. Boyce, A History of Zoroastrianism, 2 vol., Leiden, Brill, 1975-1989 ;
M. Stausberg, Die Religion Zarathushtras, Geschichte – Gegenwart – Rituale,
3 vol., Stuttgart – Berlin – Köln, W. Kohlhammer, 2002-2004.
Th. Legrand
© REVUE
D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2007, Tome 87 n° 4, p. 505-506
Review : Thierry LEGRAND
Plus de soixante
ans après la découverte des premiers manuscrits de la mer Morte, les textes
sont enfin publiés, mais ils restent encore inaccessibles au plus grand nombre.
Le projet de la Bibliothèque
de Qumrân est précisément de
mettre à disposition d’un large public ce trésor de la littérature antique, en
réalisant une édition bilingue de tous les textes trouvés à Qumrân ainsi que de
certains fragments de la Guénizah du Caire et de Massada. Une équipe
franco-canadienne d’une quinzaine de traducteurs travaille sur la base des
éditions officielles des textes hébreux, araméens, et grecs. Ces chercheurs
accomplissent aussi un travail de vérification et de correction, à partir des
photographies de manuscrits ou directement sur les manuscrits eux-mêmes.
Une des
originalités de cette nouvelle publication réside dans le principe
d’organisation retenu : les manuscrits sont rassemblés en fonction du lien
thématique ou formel qu’entretiennent les écrits de Qumrân avec les livres qui
constitueront plus tard la Bible hébraïque, de la Genèse aux livres des Chroniques. Cette organisation du corpus permet à la fois de mettre en évidence
l’utilisation intensive des livres bibliques à Qumrân, mais aussi la grande
liberté d’interprétation dont ils faisaient l’objet. Ce classement éclaire
également d’un jour nouveau l’histoire de la transmission des écrits sacrés du
judaïsme et du christianisme.
Ainsi, le premier
des neuf volumes de cette édition est consacré aux manuscrits bibliques de la Genèse et aux documents anciens qui s’y
rapportent. Ces écrits – le Livre d’Hénoch et ses différentes sections, l’Histoire des patriarches (ou Apocryphe de la Genèse), des fragments de testaments, le Document araméen de Lévi et d’autres écrits apocryphes – forment
une série de « commentaires » qui développent, explicitent ou explorent
plusieurs thèmes bibliques comme le déluge, la vie des patriarches, le
sacerdoce des prêtres, et beaucoup d’autres sujets.
Ce premier volume
de la série est pourvu d’une introduction générale explicitant le projet et
précisant le contenu du livre et son organisation. Chaque écrit qumrânien fait
également l’objet d’une courte introduction comprenant une description des
manuscrits, présentant les enjeux du texte, dont elle cherche à fournir des
clefs de compréhension. Une bibliographie sélective accompagne chaque introduction.
Le corps principal
du volume offre l’édition de tous les fragments significatifs du texte
original, accompagné de notes critiques. La traduction française, placée en
regard, suit scrupuleusement le texte original, tout en restant lisible et compréhensible.
Elle est complétée par d’abondantes notes explicatives ; celles-ci
précisent les difficultés de traduction, le sens des textes, mais aussi leurs
rapports aux autres écrits bibliques ou aux manuscrits de Qumrân.
Un index des
sources anciennes, des textes bibliques, des manuscrits qumrâniens, des écrits
anciens et de la littérature rabbinique vient compléter cette édition des
textes. Enfin, trois listes classées des manuscrits édités offrent la
possibilité de retrouver n’importe quel nom ou numéro de manuscrit dans cette
publication.
On trouvera une
présentation plus développée du projet d’édition à l’adresse
www.premiumorange.com/theologie.protestante/enseignants/legrand/bdqpresent.pdf.
Th. Legrand
© REVUE
D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2008, Tome 88 n° 4, p. 556-557
Review : Thierry LEGRAND
Auteur de différents ouvrages sur les traditions
religieuses de l’hindouisme (par exemple Divine Mother, Blessed Mother :
Hindu Goddesses and the Virgin Mary, Oxford University Press, 2005), l’A.
enseigne la théologie des religions aux États-Unis. Ce livre est la reprise
augmentée d’une série de conférences données à l’université jésuite « John
Carroll University » de Cleveland (Ohio). Sans chercher à écrire un livre
de spécialiste pour les spécialistes, l’A. a voulu faire partager son intérêt
pour les traditions religieuses complexes et foisonnantes de l’hindouisme.
Après un chapitre introductif qui cherche à guider le
lecteur sur les voies de la sagesse hindoue (p. 17-35), l’ouvrage se poursuit
par un récit philosophique de la découverte du soi (p. 37-59). S’intéressant à
l’itinéraire spirituel de Bouddha, le troisième chapitre cherche à mettre en
évidence les influences réciproques de la pensée bouddhique et de la pensée
hindoue (p. 61-78). Les chapitres 4 à 6 sont consacrés à la découverte de trois
grandes divinités de l’hindouisme : Krishna (p. 79-104), Shiva (p.
105-125) et la Déesse (p. 127-153). Le septième chapitre s’ouvre à l’actualité
en présentant deux personnalités marquantes : Mohandas Gandhi (homme
politique et philosophe) et Mahasweta Devi (écrivain et journaliste). L’auteur
évoque la vie et le parcours engagés de ces deux personnalités qu’il considère
comme des « figures d’humanité » de l’Inde moderne. Des origines de la
conscience à l’Inde actuel et ses défis, en passant par la sagesse de quelques
divinités classiques de l’hindouisme, l’auteur offre à ses lecteurs un
cheminement personnel et spirituel dans le vaste monde de la sagesse hindoue.
Il accompagne son analyse de plusieurs citations et d’extraits d’ouvrages
anciens relatifs à la sagesse hindoue.
Ce livre s’achève sur quelques « orientations
bibliographiques » en langue française et un index assez complet des
notions et termes clés utilisés dans l’ouvrage.
Th. Legrand
© REVUE
D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2007, Tome 87 n° 4, p. 506-507
Review : Thierry LEGRAND
Cet ouvrage monumental est une traduction révisée du
célèbre Metzler Lexikon Religion, édité par C. Auffarth, J. Bernard et
H. Mohr ; ses quatre volumes présentent plus de 500 entrées, une
quarantaine de cartes, environ 250 illustrations et 17 tableaux chronologiques.
Ces derniers sont souvent très développés (15 pages pour l’histoire du
judaïsme, 20 pour le christianisme) et sont accompagnés, pour chaque période,
d’un paragraphe de commentaires. L’originalité de ce dictionnaire
encyclopédique réside avant tout dans le choix des sujets qu’il aborde ;
il s’agit de présenter les phénomènes religieux dans le contexte large des
sociétés modernes et dans une perspective nouvelle qui tient compte de notions
et de thèmes actuels tels que l’identité, l’individualisme, le ré-enchantement,
la violence, la bioéthique, etc. Les concepts classiques développés dans les
encyclopédies religieuses antérieures sont aussi traités, mais dans une moindre
mesure. Une introduction assez dense (p. XI-XXXVI) présente l’histoire de la
recherche et de l’enseignement des sciences religieuses, ainsi que les enjeux
actuels auxquels les chercheurs se trouvent confrontés.
Du point de vue du contenu, ce dictionnaire propose
plusieurs types d’entrées, que l’on peut rassembler sous les rubriques
suivantes : 1. notions systématiques relatives aux différentes formes
religieuses (rituel, pureté, sacrifice, salut, dualisme, symbole, etc.) ;
2. thèmes de l’actualité religieuse (antisémitisme, droits de l’homme, genre,
communication, recherche génétique, avortement, etc.) ; 3. introductions
historiques aux grandes religions et mouvements religieux, mais aussi aux
traditions philosophiques (philosophie des Lumières) ; 4. introductions
aux grandes zones géographiques concernées par le développement des religions
et des mouvements philosophiques ; 5. grandes périodes historiques (de
l’Antiquité à la postmodernité), 6. figures religieuses, fondateurs de
religions, philosophes et théologiens marquants.
Les notices, de taille très variable, sont structurées
par des sous-titres suggestifs et comportent quelques références
bibliographiques pour approfondir la recherche. En fin de notice, un système de
renvois indique les articles connexes à consulter. On trouvera, à la fin du
quatrième volume, une liste complète des entrées de ce dictionnaire, mais c’est
l’index thématique final qui demeure l’outil majeur de cet ouvrage ; il
rassemble les termes techniques, les noms propres et les thèmes abordés. Il
contient plus de 6000 entrées qui permettent de faire des recherches
approfondies sur un thème, une région ou un auteur précis.
L’ensemble des quatre volumes fournit une masse
considérable de données sur les religions actuelles et les phénomènes de
société. En ce sens, l’ouvrage est utile à consulter pour qui cherche une
information rapide sur le fait religieux. Par ailleurs, la présentation aérée
des informations et la présence de nombreuses illustrations et tableaux rendent
la lecture des notices agréable. Pour finir, on notera que l’édition papier de
ce dictionnaire n’est pas toujours très commode à manipuler, en raison de son
poids. Il existe, sur le site des éditions Brill, une version électronique « online »
(d’accès payant) qui permet des recherches croisées.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2009, Tome 89 n°
1, p. 84-85
Review : Thierry LEGRAND
L’ouvrage fait partie d’une vaste collection qui
cherche à présenter des connaissances fondamentales sur des sujet précis :
la religion, l’islam, l’éthique, la philosophie, l’économie, etc. Rédigés par
des spécialistes, ces livres restent accessibles au plus grand nombre.
Celui-ci, consacré au judaïsme, est structuré en quatre parties précédées par
une introduction qui cherche à répondre à quelques questions fondamentales sur
l’identité juive et le devenir d’un judaïsme qui connaît, depuis des siècles,
une situation d’éclatement et des formes de vies communautaires très
diversifiées.
Le premier chapitre (p. 9-73) offre un contenu assez
classique sur les sources de la foi juive (la Torah au sens large), les fêtes
juives et leur sens actuel, l’importance et le sens du mariage (les dimensions
symboliques du dais nuptial ou Huppah), de la circoncision, etc. Le
deuxième chapitre (p. 74-107) traite des principes de la foi juive
(monothéisme, commandements, place du sabbat, etc.) et des questions
théologiques débattues tout au long de son histoire (problème du mal, justice
divine, fin des temps). La troisième section de l’ouvrage (p. 109-167) approche
le judaïsme d’un point de vue historique. Un premier sous-chapitre aborde le
judaïsme biblique, les judaïsmes du Second Temple et les différentes phases de
formation du judaïsme rabbinique. Un deuxième sous-chapitre traite brièvement
de l’évolution du judaïsme rabbinique et des courants qui se sont formés dès le
Moyen Âge (mystique juive, karaïsme et messianismes). L’A. évoque aussi les
grandes figures de la pensée juive de cette période, principalement Judah
Halevi et Maïmonide. Il achève son parcours historique par une présentation des
judaïsmes de l’époque moderne (judaïsme réformé, orthodoxe et conservateur) et
du sionisme. Le quatrième chapitre (p. 169-185) offre une réflexion
intéressante sur l’impact de l’Holocauste dans la pensée juive du XXe s. En fin
d’ouvrage, un glossaire fort utile pour les débutants précise le sens des
termes et expressions utilisés par l’A. Une bibliographie et un index général
complètent ce petit volume.
Au fil de ces chapitres, l’A. cite et commente de
larges extraits des sources juives (Torah, littérature rabbinique), des
commentaires rabbiniques et quelques autres textes de référence comme celui des
rabbins réformés de l’Assemblée de Pittsbourg (p. 153). À ce titre, il montre
comment toute réflexion sur le judaïsme doit être enracinée dans l’étude des
écrits juifs de référence. De ce fait, on ne cherchera pas dans cet ouvrage un
exposé systématique sur le judaïsme et ses formes diverses. Il s’agit plutôt
d’une réflexion générale, éclairée par les textes, sur le judaïsme, ses
pratiques, sa foi et son histoire.
Ce petit livre bien présenté est de lecture agréable,
mais on aurait préféré, dans un ouvrage sur les principes fondamentaux du
judaïsme, une approche plus méthodique et moins centrée sur le commentaire de
textes.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2009, Tome 89 n°
1, p. 89-90
Review : Thierry LEGRAND
Voici un petit dictionnaire du judaïsme fort utile
pour les étudiants en théologie. Les auteurs, spécialistes réputés du judaïsme,
y présentent la définition de plus de 600 termes, concepts, livres, fêtes
juives ou figures juives anciennes ou modernes. On y trouvera, par exemple, les
termes hébreux classiques utiles à connaître pour qui s’intéresse un tant soit
peu au judaïsme (haggadah, amidah, haftarah, ketubot, midrash, etc.),
mais aussi la définition des différents courants du judaïsme actuel (Conservative,
Orthodox, Reform, New Age Judaism). Quelques personnalités marquantes
trouvent aussi leur place dans ce dictionnaire : Saadya, Maïmonide, Joseph
Karo, Judah Halevi, E. Wiesel, etc. Les écrits importants du judaïsme sont
également brièvement présentés : les livres de la Torah, la Mishnah, le
Talmud et les midrashim, mais aussi le Mishneh Torah de
Maïmonide, le Shulhan Arukh de Joseph Karo. Une dizaine d’illustrations
simplifiées vient agrémenter la lecture de cet ouvrage.
Le système de transcription simplifié des mots hébreux
et araméens est précisé dans une brève introduction, mais l’ouvrage est
dépourvu d’index et de références bibliographiques. On regrette ainsi l’absence
d’une liste en hébreu des noms hébreux transcrits. Par ailleurs, une liste
comparée des différentes transcriptions des termes hébreux aurait été également
fort utile.
Ce dictionnaire offre une première approche de
l’univers juif ; il serait bon d’en avoir une version française.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2009, Tome 89 n°
1, p. 90-91
Review : Thierry LEGRAND
Réédité plusieurs fois depuis 1969, cet ouvrage est
une réimpression de la septième édition, parue en 2006. Il fournit une mise en
forme géographique impressionnante de l’histoire juive depuis les origines
(« Early Jewish migrations about 2000 BC » p. 1) jusqu’aux récents
événements du XXIe siècle (« Anti-semitic incidents reported in Europe, 2004 »,
p. 146).
Les champs couverts par les 146 cartes présentées sont
extrêmement divers : mouvements migratoires des origines à nos jours ;
relation entre juifs et chrétiens ; histoire des communautés juives dans
le monde et dans certaines villes ; localisation des grands événements de
l’histoire juive (par ex. les Khazars, les Karaïtes, le sionisme) ; mise
en évidence des violences faites aux communautés juives dans l’histoire. Toutes
sortes d’autres sujets plus inattendus sont aussi évoqués par des cartes et des
schémas : Napoléon et les juifs (p. 58), la famille Rothschild (p. 60) ;
la localisation géographique des grands penseurs juifs (p. 34) et des
« justes » qui ont agi en faveur des juifs lors de la Seconde guerre
mondiale (p. 104). En bref, l’ouvrage est incontournable pour qui veut
enseigner le judaïsme de manière pédagogique. En même temps, il révèle toute la
difficulté qui réside dans l’interprétation d’une documentation attrayante qui
n’est qu’un support visuel. Par exemple, les cartes précisant l’entrée en Terre
promise (p. 3) et la localisation des douze tribus d’Israël (p. 4) laissent le
lecteur averti face à une multitude de questions sans réponse. Mais la critique
est aisée ! L’ensemble des 146 cartes représente une somme considérable
d’informations et l’A., historien réputé, n’a pas ménagé ses efforts pour
tenter, à l’aide d’une multitude d’encarts insérés dans les cartes, de fournir
des informations historiques complémentaires. On pourrait d’ailleurs suggérer
qu’une prochaine édition fournisse une page de commentaires historiques et
statistiques après chaque carte ; l’ouvrage y gagnerait encore en qualité.
Les deux dernières éditions de cet atlas (2003 et
2006) ont ajouté quelques cartes fort intéressantes sur la population juive
dans le monde, l’immigration juive et la localisation des agressions
antisémites en Europe et aux États-Unis. Là encore, la difficulté pour le
lecteur sera d’interpréter de tels documents sans avoir à l’esprit l’ensemble
du dossier. On pourrait imaginer, par exemple, que la France est restée
profondément antisémite, jugement un peu trop rapide, qu’il faudrait bien
entendu réévaluer et éclairer par une approche sociologique des relations aux
communautés religieuses en France.
Comme toujours lorsqu’il s’agit d’une présentation
géographique de l’histoire, le lecteur devra dépasser le cadre de l’information
visuelle en s’informant lui-même sur la période qu’il étudie. La bibliographie
classée, présentée en fin d’ouvrage, permettra de trouver l’information
recherchée, mais elle mériterait une sérieuse remise à jour : la plupart
des livres mentionnés datent de la première moitié du XXe siècle et les
encyclopédies juives récentes n’y figurent pas. Pour compléter cette
information, on signalera, par exemple, un ouvrage remarquable et une
encyclopédie fort utile : P. Schäfer, Histoire des juifs dans
l’Antiquité, Paris, Cerf, 1989 ; J. Neusner, A. J. Avery- Peck, W.
Scott Green, The Encyclopaedia of Judaism, 3 vol., Leiden – Boston –
Köln, Brill, 2000.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2009, Tome 89 n°
1, p. 91-92
Review : Thierry LEGRAND
Voici un ouvrage pour spécialistes qui fera date dans
l’histoire de l’étude de l’institution synagogale. Le livre s’ouvre par une
réflexion sur le terme « synagogue » et une évaluation des
expressions utilisées dans les écrits anciens et modernes. Les auteurs montrent
ensuite comment ce champ de recherche a été profondément renouvelé dans les
vingt dernières années. En effet, de nouveaux sites ont été fouillés, de
nouvelles inscriptions sont apparues, mais surtout, les débats sur les origines
de la synagogue et ses rapports avec l’Église ont pris une place importante
dans le domaine des études consacrées au judéo-christianisme. Les origines de
la synagogue et son développement en tant qu’institution au tournant de notre
ère concernent ainsi une multitude de champs tels que l’archéologie,
l’architecture, l’iconographie et la liturgie, mais aussi la sociologie (cf. p.
7-13).
Le corps principal de l’ouvrage (p. 20-294) rassemble
les sources anciennes qui évoquent l’existence de lieux de culte juifs, de
maisons de prière ou de synagogues, de l’époque perse au IIe siècle de notre
ère. Les livres bibliques et apocryphes transmettent une bonne quantité
d’informations sur ces lieux de rassemblement, mais on constatera rapidement
l’importance du témoignage des quatre évangiles et des Actes des apôtres,
abondamment cités dans ce livre. Quelques écrits qumrâniens et certains
passages de la Mishnah fournissent un lot non négligeable de renseignements sur
l’existence des synagogues à l’époque ancienne, mais ce sont surtout les écrits
de Philon et de Flavius Josèphe qui transmettent la plupart des données sur ce
sujet. Les découvertes archéologiques des XIXe et XXe siècles donnent accès aux
plans des plus anciens lieux de culte juifs (une vingtaine d’illustrations
publiées) ; elles permettent aussi d’établir des comparaisons entre les
édifices religieux juifs localisés dans les différentes zones géographiques de
Palestine et de la diaspora. De nombreuses inscriptions en tout genre viennent
compléter le dossier archéologique. Enfin, des fragments de papyri anciens
(par exemple ceux d’Éléphantine) apportent des informations précieuses sur
l’implantation des communautés juives en Égypte.
La présentation des différentes sources est faite sous
forme de notices qui suivent un classement géographique et alphabétique. Les
deux zones considérées sont la Palestine et la diaspora. Chaque notice donne
des informations sur la source du document étudié (source littéraire,
archéologique, inscriptions), sa datation, les données bibliographiques et un
commentaire succinct. Lorsqu’il s’agit d’une source littéraire, le texte
original est suivi d’une traduction anglaise. Ceci permet une consultation
rapide des différentes sources. En fin d’ouvrage, une grande carte permet de
situer les zones d’implantation des synagogues anciennes. La Palestine (voir
notamment la Galilée), l’Égypte (surtout le Delta du Nil), l’Asie Mineure, la
Grèce et la Macédoine sont les principaux foyers de développement des édifices
religieux juifs durant la période concernée. Cet ouvrage remarquable est
accompagné des outils classiques et indispensables : bibliographie
détaillée, index des illustrations, des sources anciennes et des sujets
traités. On signalera l’absence de l’article « synagogue » du Supplément
au Dictionnaire de la Bible, XIII/74 (Paris, 2003), rédigé par C. Perrot.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2009, Tome 89 n°
1, p. 92-93
Review : Thierry LEGRAND
Écrivain et philosophe bien connu du public français
pour ses ouvrages sur la Torah, le prophétisme et le messianisme (voir
notamment La pensée juive, 1987-1996), l’A. explore inlassablement les
mêmes sujets et offre ici une belle somme de réflexions sur le prophétisme en
dialogue avec son temps et les institutions sociales et politiques, la diaspora
et les différentes formes de judaïsmes au travers de l’histoire. L’ouvrage est
présenté par l’A. comme le second volet d’une réflexion qui s’enracine dans
l’histoire patriarcale (voir L’univers hébraïque, du monde païen à
l’humanisme biblique, Paris, 2003).
Dans le présent ouvrage, l’A. développe une lecture
juive de la Torah (de dimension prophétique) et de l’histoire du peuple qui l’a
reçue et transmise, mais une lecture qui se fait en dialogue avec les ouvrages
critiques de son temps. Comme il le souligne, « la Torah relève donc aussi
de l’archéologie, de l’histoire, des codes et traités analogues à ceux de
l’ancien Orient » (p. 13) ; les recherches des exégètes modernes sur
le contexte procheoriental et l’histoire de la rédaction des différents écrits
de la Torah doivent être prises au sérieux pour éclairer l’interprétation des
textes hébraïques, mais l’unité de la Torah et sa forme canonique demeurent une
donnée essentielle dans le cadre d’une interprétation juive. Au fil de cette
vaste relecture de l’histoire prophétique et politique d’Israël, l’A. souligne
l’importance de la notion d’interprétation dans la Torah elle-même et dans ses
relectures postérieures : il y a d’une part la Loi et d’autre part la
réalité de la vie humaine avec ses injustices et ses compromissions ;
l’interprétation (celle des prophètes puis des rabbins) offre une troisième
voie, qui permet la coexistence des deux premières.
Ce parcours littéraire et théologique, qui débute avec
l’histoire des premiers prophètes pour aboutir à celle de Jésus le juif (p.
394s), propose une vision globale (ch. 1 à 14) de l’évolution du judaïsme et de
son éclatement en judaïsmes au travers d’une histoire mouvementée. Au terme de
son exploration dans la littérature biblique – dont de larges extraits sont
cités tout au long du livre – et parabiblique, les réflexions de l’A. sur les
origines juives de Jésus et les critiques qu’il formule à l’égard des
interprétations chrétiennes et des prises de position des Églises sont honnêtes
et méritent l’attention du lectorat chrétien.
Les deux derniers chapitres, très instructifs,
semblent avoir été rattachés à l’ouvrage de manière secondaire. Le ch. 14
présente une étude de l’angélologie au travers des traditions juives et
chrétiennes anciennes. L’A. y fait trop peu référence à la littérature
qumrânienne et aux pseudépigraphes, montrant par là une certaine réticence à
faire entrer ces ensembles littéraires dans le patrimoine littéraire du
judaïsme. Le ch. 15 offre une introduction succincte mais suggestive à la
Mishnah, la Guemara, le Midrash et la notion de « loi » qui permet de
réaffirmer la place essentielle des questions herméneutiques dans le judaïsme.
Ce livre, rédigé par un excellent connaisseur de
l’univers biblique, n’a rien à voir avec un manuel d’exégèse ou une
introduction aux écrits prophétiques de l’Ancien Testament ; il ne
constitue pas plus un exposé systématique sur l’existence des judaïsmes ou sur
le messianisme. On y trouvera cependant l’exposé d’une réflexion dense et bien
documentée sur les relations du peuple d’Israël à son Dieu à travers
l’histoire.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2009, Tome 89 n°
1, p. 93-94
Review : Thierry LEGRAND
Professeur de philosophie médiévale à l’Université
hébraïque de Jérusalem, l’A. a écrit ou codirigé plusieurs livres sur
l’histoire de la philosophie, la culture juive et le sionisme (voir Jewish
Identity in Modern Israel, 2002). Le présent ouvrage s’adresse plutôt à un
public de spécialistes ; il s’agit d’une refonte magistrale d’une série de
cours donnés entre 1966 et 1969 sur quelques grandes figures de la philosophie
juive au Moyen Âge.
Dans une brève introduction, l’A. pose les bases de
son étude en s’interrogeant sur les origines de la philosophie juive et en
précisant quelques éléments de définition. La première partie du livre présente
ensuite six personnalités marquantes de la philosophie juive : Saadia
Gaon, Isaac ben Solomon Israeli, Bahya ben Joseph Ibn Pakudah, Solomon Ibn
Gabirol, Abraham Bar Hiyya et Judah Halevi. Pour chaque figure présentée, l’A.
énonce rapidement des éléments biographiques puis s’intéresse à l’oeuvre
littéraire du philosophe, en montrant comment celle-ci s’inscrit dans le
contexte politique, historique et philosophique de l’époque. Il précise les
sources d’inspiration philosophiques de ces personnalités et les influences qui
les ont marqués. Il s’intéresse également à l’impact de leurs idées à l’époque
médiévale et jusqu’à nos jours.
La seconde section de ce livre est toute entière
consacrée à Maïmonide et son oeuvre théologique et philosophique (notamment le Mishneh
Torah et le Guide des égarés). La synthèse de l’A. est excellente,
et l’on pourra se régaler à la lecture des exposés détaillés de l’éthique de
Maïmonide (p. 189-208) et de sa conception de la providence divine et du Dieu
créateur (p. 259-291). L’A. y développe aussi quelques réflexions intéressantes
sur la place des « treize principes de la foi » dans la pensée et
l’oeuvre de ce grand philosophe (cf. p. 169-175).
La section finale de ce bel ouvrage est consacrée au
développement de la philosophie juive du XIIIe au XVIe siècle. L’A. y expose
d’abord la pensée des disciples de Maïmonide et leur lecture critique de
l’oeuvre du maître. Les chapitres 16 à 18 présentent la pensée de trois figures
du judaïsme de la fin du Moyen Âge : Lévi ben Gersonide, mathématicien,
philosophe et grand commentateur de la Torah, Hasdai Crascas et son ouvrage
intitulé La lumière du Seigneur, jugé comparable aux Guide des égarés
de Maïmonide (même si le style en est bien différent) et enfin Joseph Albo
et son célèbre Livre des principes. Plus brefs, les deux derniers
chapitres évoquent d’une part le parcours de quelques philosophes du XVe siècle
marqués par l’oeuvre de Maïmonide (Solomon Ibn Verga et Don Isaac Abravanel) et
d’autre part, l’influence des idées de la Renaissance sur les penseurs juifs
d’Espagne et d’Italie.
L’ensemble de l’étude, d’une grande cohérence, montre
que l’A. est allé bien au-delà d’une simple juxtaposition de notices sur les
penseurs juifs du Moyen Âge. Il dévoile au contraire une pensée philosophique
en dialogue avec la pensée grecque et le christianisme et en évolution
permanente ; il fait revivre des penseurs qui composent avec leur temps et
les tensions religieuses de la fin du Moyen Âge. Dans ce cadre historique, l’A.
met en évidence l’influence extraordinaire des idées de Maïmonide sur les
philosophes de son temps et des siècles qui vont suivre.
Ce livre remarquable est accompagné d’une
bibliographie classée précisant pour chaque chapitre les sources primaires et
secondaires consultées. L’index des noms propres cités est suivi par un index
thématique très complet, appelé à rendre de grands services.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2009, Tome 89 n°
1, p. 94-95
Review : Thierry LEGRAND
L’A., rabbin de formation, est un habitué des
présentations synthétiques et pédagogiques du judaïsme – voir son Judaism,
Londres, 1999 (recensé dans RHPR 84, 2004, p. 484). Dans le présent
ouvrage, dont la première édition a paru en 1997, il rassemble cinquante
notices sur les plus grands penseurs juifs de notre ère, de Philon d’Alexandrie
à S. Wine, en passant par Maïmonide et Baal Shem Tov. Les notices sont classées
par ordre alphabétique, mais une table chronologique simplifiée permet de
replacer chaque penseur dans son contexte historique (cf. p. XI-XII). Une
carte, utile, permet de visualiser les principaux foyers de développement du
judaïsme au Moyen Âge et à l’époque moderne (cf. p. XIII). Pour chaque grande
figure, l’ouvrage fournit quelques données biographiques, la liste des écrits
et les thèmes théologiques, philosophiques ou mystiques abordés dans ces
productions littéraires. Chaque notice est suivie de références
bibliographiques sur l’édition des oeuvres du penseur présenté et sur la
littérature secondaire qui lui est consacrée. Lorsque cela est utile, l’A.
renvoie le lecteur à d’autres notices du même ouvrage.
En rassemblant les différentes figures marquantes du
judaïsme dans un livre intéressant et commode, l’A. a dû faire des choix, qu’il
n’explicite toutefois pas assez dans sa préface. Pourquoi s’arrêter par exemple
à la présentation de S. Wine et ne pas mentionner le grand penseur juif L.
Askénazi (1922-1996) ? On s’étonnera aussi de l’absence d’une notice sur
Rashi dans cet ouvrage ; certes, il fut avant tout un grand commentateur
de la Torah et du Talmud, mais son oeuvre n’est pas seulement exégétique :
il a nourri, par son oeuvre et ses responsa, les débats théologiques et
philosophiques de son temps. Par ailleurs, l’A. ne signale aucun nom de penseur
juif entre le Ier siècle et le IXe siècle de notre ère. On aurait pu mentionner
ici quelques grandes figures rabbiniques liées, par exemple, à la compilation
de la Mishnah, au moins dans une fiche synthétique présentant les difficultés
de documentation pour cette période. L’ouvrage ne comporte aucun index
thématique ou liste d’auteurs cités.
Ces remarques n’enlèvent rien à la qualité de ce
manuel utile pour les étudiants, les enseignants et tous ceux qui s’intéressent
aux études juives.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2009, Tome 89 n°
1, p. 95-96
Review : Thierry LEGRAND
Penseur marquant du judaïsme du XXe siècle (voir notre
présentation dans RHPH 87, 2007, p. 500-501), l’A. n’a pas entrepris
dans ce livre un exposé systématique des solennités juives, mais il commente la
Torah et s’interroge sur le sens des fêtes juives au travers de l’histoire. Ses
interprétations sont nourries de références à la tradition orale et Maïmonide
demeure le philosophe juif auquel il fait constamment référence (cf. p. 14, 33,
41, 189-190). Cet ouvrage rassemble ainsi une série de causeries radiophoniques
(diffusées entre 1975 et 1982) transcrites par Ben Tsion Nouriel et d’autres
disciples.
Le contenu du livre suit l’ordre du calendrier juif en
donnant à la fois une présentation des grandes solennités, mais aussi de temps
liturgiques moins connus du public chrétien comme les sabbats particuliers. À
cette occasion, l’A. commente avec talent les livres bibliques que la tradition
a reliés aux fêtes juives et qui sont lus à cette occasion : l’Ecclésiaste
(p. 47-62), le Cantique des cantiques (p. 115-133), Ruth (p.
135-142) et les Lamentations (p. 152-164). L’A. évoque l’origine de ces
lectures et précise le sens qu’elles revêtent au travers des siècles et jusqu’à
nos jours. On notera tout particulièrement l’exposé sur Hanoukka (p. 63-76) qui
développe une réflexion sur la violence, l’héroïsme, la guerre pour la Torah et
la guerre sainte. Par ailleurs, dans le même chapitre, la comparaison entre les
fêtes de Pourim et de Hanoukka mérite l’attention du lecteur. Un dernier
chapitre, un peu à part, offre quelques réflexions sur le livre de Job,
que l’A. qualifie d’allégorie en rejoignant les paroles du Talmud :
« Job n’a jamais existé ni n’a jamais été créé, mais il s’agit d’une
allégorie » (Baba Batra 15a).
Il ne faut pas chercher dans cet ouvrage intéressant
et de lecture facile un traitement historique et scientifique de chacune des
fêtes juives, mais plutôt une réflexion actuelle sur le sens de ces temps
festifs et leurs rapports aux livres de la Torah.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2009, Tome 89 n°
1, p. 96-97
Review : Thierry LEGRAND
Cet ouvrage rassemble trois grandes contributions
consacrées aux « derviches tourneurs », un des ordres soufis désigné
sous le nom de Mawlawiyya (en arabe) ou Mevleviye (en turc). La
première étude rappelle les origines de la confrérie des derviches tourneurs
par une présentation de Jalâm al-Dîn Rûmi, plus connu sous le nom de Mawlanâ
(« notre maître »), véritable inspirateur de cette confrérie.
L’histoire de ce maître spirituel, célèbre en Iran et en Turquie, est présentée
en détail p. 15-81 : le contexte historique, la vie de Mawlanâ (1207-1273)
et l’influence de son père, sa formation spirituelle et théologique aux
contacts des traditions mystiques de son temps, sa rencontre avec Shams al-Dîn
Tabrîzî et son intérêt pour l’extase, la musique et la danse (samâ),
la création des premiers groupes de disciples. Vers 1240, Mawlanâ posera les
bases des premières confréries et leur donnera les fondements spirituels
nécessaires, mais son fils Sultân Walad sera le véritable fondateur et
administrateur de la Mawlawiyya (p. 31). L’oeuvre littéraire
impressionnante de Mawlanâ a suscité de nombreux commentaires en persan, turc
arabe et ourdou ; elle se compose d’un corpus important de poèmes lyriques
rassemblés après sa mort, d’une correspondance et d’une série de sermons et
discours préservés par ses disciples, ainsi que du célèbre mathnawî ;
considéré comme le « Coran » du soufisme, cet ouvrage majeur
rassemble, en plus de 25 000 distiques, épopées héroïques, romances et
dissertations philosophiques et religieuses (cf. p. 32-37).
La mise en place de la Mawlawiyya dans les
zones turcophones et l’étude de son évolution jusqu’au XXe siècle fait l’objet
de la deuxième contribution (p. 83-122). T. Zarcone y développe les différentes
étapes de la codification du cérémonial de la danse aux XIVe et XVe siècles et
son implantation dans les Balkans, en Anatolie et dans le Moyen-Orient arabe
(cf. p. 11). L’A. met ici en évidence les particularités de cette confrérie en
insistant, par exemple, sur son caractère centralisateur et sa dimension
hiérarchique. Les couvents sont classés selon un ordre hiérarchique (p. 93) et
l’ordre est dirigé par le çelebi, un descendant de Mawlanâ, qui a toute
autorité sur une multitude d’administrateurs des confréries. Dans un chapitre
particulièrement dense, l’A. aborde ensuite quelques aspects des pratiques et
du rituel mevlevîs : la tonsure, l’investiture, les retraites, le
port de la coiffe et le noviciat.
La dernière contribution s’ouvre par une réflexion sur
les origines du samâ (ou concert spirituel) et présente de
manière assez détaillée l’histoire de la danse des Mevlevîs. On s’intéressera
particulièrement à la présentation illustrée de la danse des derviches
tourneurs aux p. 145-152.
L’ouvrage est accompagné de plusieurs index
indispensables et d’une bibliographie classée sur la vie et l’oeuvre de Rûmi,
le développement de la Mawlawiyya et le samâ. Cet outil
bibliographique nous paraît particulièrement important dans un domaine où les
travaux scientifiques et historiques sont rares.
À la lecture de ce livre, on a parfois l’impression
que les auteurs se perdent un peu dans les détails de l’histoire ou des
rituels. Mais là n’est pas l’essentiel : nous disposons maintenant, en
français, d’un ouvrage savant et passionnant sur l’une des confréries soufies
les plus connues dans le monde.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2009, Tome 89 n°
1, p. 101-102
Review : Thierry LEGRAND
Après
un premier volume centré sur les manuscrits de Qumrân en lien avec le livre de
la Genèse, le deuxième tome de La Bibliothèque de Qumrân (neuf
volumes prévus) est consacré aux textes de Qumrân qui s’inspirent des livres de
l’Exode, du Lévitique et des Nombres. Il inclut les
manuscrits bibliques en hébreu, grec ou araméen (par ex. 4Qpaléo-Exodem ;
4QSeptante du Lévitiqueb ; 4QNombresb), lorsque le texte qu’ils
transmettent diffère de manière significative du texte massorétique sur lequel
reposent les traductions bibliques actuelles. On y trouve également les
fragments du livre des Jubilés, les Pseudo-jubilés, les Visions
du testament d’Amram, plusieurs écrits relatifs aux rituels de
purification, ainsi que d’autres écrits apocryphes qui développent, explicitent
ou explorent des thèmes bibliques ou législatifs.
Ce
deuxième volume est pourvu d’une introduction générale explicitant le projet et
précisant le contenu du livre et son organisation. Chaque écrit qumrânien fait
également l’objet d’une courte introduction comprenant une description des
manuscrits : nombre et état des fragments, problèmes éventuels de
reconstitution, datation proposée, etc. L’introduction présente les enjeux du
texte et cherche à en fournir des clefs de compréhension. Une bibliographie
sélective accompagne chaque introduction. Des tableaux récapitulatifs donnent
les listes exhaustives des manuscrits bibliques (Ex, Lv, Nb)
découverts à Qumrân.
Le
corps principal du volume offre l’édition de tous les fragments significatifs
du texte original ; des notes critiques accompagnent le texte hébreu,
araméen ou grec, et les divergences entre cette nouvelle édition et les
éditions antérieures sont signalées dans les notes. La traduction française,
placée en vis-à-vis du texte hébreu ou araméen, suit scrupuleusement le texte
original, tout en restant lisible et compréhensible. Elle est complétée par des
notes explicatives ; celles-ci précisent les difficultés de traduction, le
sens des textes, mais aussi leurs rapports aux autres écrits bibliques ou aux
autres manuscrits de Qumrân.
Un
index des sources anciennes, des textes bibliques, des manuscrits qumrâniens,
des écrits anciens et de la littérature rabbinique vient compléter cette
édition des textes. Un glossaire des termes techniques fournit une aide
précieuse au lecteur non-spécialiste. Enfin, trois listes classées des
manuscrits édités offrent la possibilité de retrouver n’importe quel nom ou
numéro de manuscrit dans cette publication.
Liste des manuscrits édités en totalité ou en partie : 1Q17 ;
1Q18 ; 2Q2 ; 2Q3 ; 2Q19 ; 2Q20 ; 3Q5 ; 4Q1 ;
4Q13 ; 4Q14 ; 4Q15 ; 4Q16 ; 4Q17 ; 4Q22 ; 4Q23 ;
4Q24 ; 4Q26 ; 4Q27 ; 4Q119 ; 4Q120 ; 4Q121 ;
4Q127 ; 4Q156 ; 4Q176a 19-21 ; 4Q216 ; 4Q217 ; 4Q218 ;
4Q219 ; 4Q220 ; 4Q221 ; 4Q222 ; 4Q223-224 ; 4Q225 ;
4Q226 ; 4Q227 ; 4Q228 ; 4Q274 ; 4Q276-277 ; 4Q278 ;
4Q284 ; 4Q414 ; 4Q422 ; 4Q464a ; 4Q482 ; 4Q484 ;
4Q512 ; 4Q514 ; 4Q543- 4Q54-549 ; 7Q1 ; 11Q1 ; 11Q12 +
XQ5a ; Mas 1j.
Th. Legrand et K. Berthelot
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°4,
p. 588-589
Review : Thierry LEGRAND
Ces
deux volumes de l’excellente collection « Uni-Taschenbücher » présentent
l’essentiel de ce qu’il faut connaître sur l’hindouisme. L’A., professeure
d’histoire des religions à Zürich, est une spécialiste de l’hindouisme, de sa
littérature et de sa philosophie. Le premier volume aborde les rubriques
classiques qui permettent de faire le point sur la religion hindoue :
histoire (des origines au XXe siècle), pratiques, concepts théologiques et
philosophiques, institutions et organisation religieuse, etc. L’exposé est
clairement présenté, et l’ouvrage est accompagné d’une série d’outils
facilitant l’accès à cette religion : encarts, illustrations, carte des
lieux sacrés, tableau chronologique, calendrier des fêtes, glossaire des
principaux termes utilisés, bibliographie et index divers.
Le
second volume rassemble une soixantaine de textes relatifs à la religion
hindoue. On y trouvera des hymnes et des textes liturgiques issus des grands
corpus sacrés (Rig Veda, Atharva-Veda, Bhagavad-Gîtâ, etc.), des extraits
d’écrits du Moyen Âge et de l’hindouisme moderne, ainsi qu’une série d’articles
scientifiques relatifs à cette religion. La plupart des textes comportent une
brève introduction et la référence aux sources originales. L’ouvrage est de
petit format, mais son contenu est dense et bien structuré.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°1,
p. 122
Review : Thierry LEGRAND
Ce
livre rassemble douze contributions données pour la plupart en 2002, lors d’un
colloque de la Westfälische Wilhelms Universität de Münster, sur le thème de la
destruction et de la réutilisation des sanctuaires antiques à la fin de
l’Antiquité, époque marquée par le « triomphe » de la religion chrétienne.
Le phénomène de réemploi ou de réinvestissement des sanctuaires est repérable
dès le début de l’histoire de l’humanité, mais les données scripturaires font
souvent défaut et les indices archéologiques ne sont pas toujours très
convaincants. L’époque concernée offre une quantité impressionnante de données
archéologiques et de témoignages écrits qui permettent d’étudier le phénomène
dans toutes ses dimensions : le projet et l’événement de la destruction,
associés ou non à une situation de conflit, les actes de désacralisation et de
re-sacralisation des lieux de cultes, et d’une manière générale les dimensions
symboliques, religieuses et politiques associées à ces événements. La publication
de cet ouvrage est l’occasion pour l’équipe éditoriale de s’interroger sur les
écarts constatés entre les témoignages scripturaires et la réalité mise au jour
par les recherches archéologiques (p. 1-22). Ces écarts permettent aussi
d’engager une réflexion plus large sur les liens entre paganisme et
christianisme, et sur la coexistence des différents cultes à l’époque
concernée. De fait, par leurs différentes contributions, et sous l’angle de
l’archéologie et de l’étude des sources anciennes, les auteurs apportent un
éclairage original sur les transformations religieuses et sociales qui se sont
produites à la fin de l’Antiquité. Parmi les contributions les plus stimulantes
de cet ouvrage, nous en signalerons trois.
R.
S. Bagnall évoque des questions méthodologiques liées à la problématique
générale « Du temple à l’église ». Il relève la nécessité d’une étude
critique des sources écrites, notamment en ce qui concerne la stratégie
littéraire des auteurs qui transmettent un témoignage sur un événement précis
de destruction ou de réinvestissement d’un lieu de culte. Par ailleurs, il
insiste sur la multiplicité des facteurs qui conduisent à l’abandon, la
destruction et la réutilisation d’un sanctuaire : le facteur religieux
n’est pas toujours prépondérant.
H.
Saradi présente des témoignages concrets de transformation de lieux de culte
païens en églises chrétiennes, à partir d’une lecture critique des écrits
hagiographiques du IVe au VIIe siècle. Elle montre l’évolution du témoignage
des Saints et de la violence exprimée à l’égard des cultes païens au fil des
siècles et des changements politiques, sociaux et religieux. D. Bar s’attache à
la réévaluation du processus de christianisation de la Palestine qu’il
considère comme moins générale et moins rapide que ce qui était affirmé
jusque-là par les témoignages anciens et modernes. Mise à part la ville de
Jérusalem qui fut transformée très tôt en cité chrétienne, la situation est
beaucoup plus complexe et beaucoup moins uniforme dans d’autres cités
(Scythopolis, Césarée de Philippe) ou dans des régions plus reculées de
Palestine. L’auteur montre, par exemple, que des cultes païens subsistaient
encore à une époque tardive et que certains lieux de cultes païens n’ont pas
été systématiquement détruits ou réutilisés.
Chaque
contribution est accompagnée d’une bibliographie importante, et plusieurs
chapitres de cet ouvrage comportent des illustrations et des plans. Signalons
également, aux p. 182-197, la transcription et la traduction commentées de
fragments coptes (« Let our eyes ») d’un écrit de Shenoute, chef
charismatique d’un monastère égyptien (fin du IVe siècle – première moitié du
Ve siècle), bien connu pour sa lutte contre le paganisme.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°1,
p. 123-124
Review : Thierry LEGRAND
Rassemblant
des articles scientifiques, des témoignages, des récits de voyages et des
écrits divers, cet ouvrage présente plus de soixante textes passionnants sur le
chamanisme. L’originalité de ce livre réside dans son classement chronologique
des témoignages : depuis les récits de voyageurs au XVIe siècle jusqu’aux
dialogues des scientifiques modernes avec les chamanes d’Amazonie, en passant
par les débuts de l’anthropologie au XIXe siècle et le néo-chamanisme des
années soixante-dix. Ce classement en sept périodes permet de prendre conscience
de la lente évolution des mentalités religieuses et scientifiques vis-à-vis
d’un sujet qui n’a cessé d’intriguer et d’embarrasser la communauté humaine,
les ethnologues et les anthropologues.
D’un
point de vue formel, chaque texte reproduit dans cet ouvrage est accompagné
d’une introduction qui présente brièvement le contexte et les protagonistes,
ainsi que des éléments descriptifs de l’expérience chamanique réalisée ou
observée. Les témoignages sont classés selon sept périodes historiques (de 1535
à l’an 2000), et chacune de ces périodes fait l’objet d’une introduction qui
évoque la perception que l’on avait des rites chamaniques et des chamanes à une
époque donnée et récapitule les avancées scientifiques en matière de
chamanisme. Le chapitre final intitulé « Sources et autorisation » (p.
327-338) fournit de nombreuses informations bibliographiques, mais il manque
une bibliographie générale et raisonnée sur le sujet.
Les
A. de ce livre captivant ont accompli un travail de classement et d’analyse des
textes qui s’avère utile pour tous ceux qui tentent de comprendre un phénomène
religieux complexe et déroutant. Mais il s’agit là d’une anthologie qu’il sera
nécessaire de compléter par quelques ouvrages spécialisés comme, par exemple,
ceux de M. Perrin ou de P. Vitebsky et l’incontournable étude de M. Éliade :
Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase, Paris, Payot,
1968.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°1,
p. 125
Review : Thierry LEGRAND
Ce
livre contient la réimpression de l’édition de 1821 d’un ouvrage célèbre dans
le monde maçonnique : le Thuileur de l’Écossisme, aussi désigné
sous le nom de Thuileur de Delaulnaye. C. Rétat, chargé de recherche au
CNRS, en donne ici une édition critique qui impressionne le lecteur non
spécialiste.
Le
tuileur (orthographe moderne) est un officier de loge maçonnique dont la
responsabilité est de « tuiler », c’est-à-dire de vérifier si un membre
qui se déclare franc-maçon l’est effectivement. Il a la charge « d’expertiser »
les nouveaux membres ou les membres qui pourraient provenir d’une autre loge ;
on le considère ainsi comme un gardien vis-à-vis de l’extérieur, mais aussi à
l’intérieur même du monde maçonnique (p. 13). Par extension, le terme « tuileur »
en est venu à désigner les ouvrages ou aide-mémoires, cryptés ou en clair, qui
contenaient l’essentiel des informations à connaître pour « tuiler » un
franc-maçon. Le « genre » du tuileur imprimé permettait de limiter les
dérives liées à une tradition orale franc-maçonnique devenue trop disparate.
Le Thuileur
de l’Écossisme édité en 1821 corrige le texte de l’édition de 1813 et le
complète d’une centaine de pages. En produisant cette nouvelle édition, F. H.
S. Delaulnaye ne cherchait pas seulement à améliorer le texte de la première
édition, mais réagissait également à la parution, en 1820, d’un nouveau
tuileur, le Manuel Maçonnique de Vuillaume, qui faisait concurrence à
son Thuileur de l’Écossisme.
Dans
cette édition critique présentée par C. Rétat, le Thuileur de l’Écossisme est
accompagné d’une édition des variantes de la seconde édition par rapport à la
première (p. 537-556). Plusieurs planches et documents viennent compléter cet
ouvrage. L’ensemble est introduit par une longue présentation fort détaillée (p
7-90) qui précise le vocabulaire maçonnique, éclaire le contenu du Thuileur
de l’Écossisme et présente son auteur, François Henri Stanislas Delaulnaye
(1759-1830), passionné de religion et de franc-maçonnerie.
Ce
dernier s’engagera dans la rédaction d’une grande Histoire des religions dont
il fera paraître des extraits dans Le Moniteur, journal officiel à
l’époque de la Révolution française. Mais l’ouvrage restera inachevé. L’édition
de C. Rétat est passionnante, et l’on souhaiterait s’y investir davantage, mais
le Thuileur de Delaulnaye demeure un ouvrage déroutant pour le lecteur
non-initié à la franc-maçonnerie.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°1,
p. 125-126
Review : Thierry LEGRAND
Chargée
d’enseignement en sciences bibliques et religieuses à la Trinity Western
University de Langley (Canada), l’A. a consacré une grande partie de ses
recherches aux écrits de Qumrân et aux traditions noachiques ; elle nous
livre ici la synthèse de ses recherches. L’ouvrage est destiné aux
spécialistes, il fait partie d’un ensemble d’études transversales qui traitent
d’une thématique précise à l’intérieur du vaste champ des études qumrâniennes.
Les manuscrits étant désormais tous accessibles dans des éditions
scientifiques, l’heure est au bilan et aux recherches thématiques croisées.
L’ouvrage
se présente sous la forme d’un parcours analytique qui s’enracine dans les
traditions bibliques sur Noé (Genèse, Ézéchiel et le Deutéro-Ésaïe)
pour traverser l’ensemble du corpus qumrânien. L’initiative n’est pas nouvelle,
mais la recherche de l’A. a, entre autres, le mérite de l’exhaustivité,
puisqu’elle étudie tour à tour les grands écrits qumrâniens comme Jubilés, 1 Hénoch et l’Apocryphe de la Genèse (1Q20) et des écrits très fragmentaires
comme 1QNoah (1Q19), 4QNaissance de Noé (4Q534-536) ou 4QAges
of Creation A-B (4Q180-181).
La
structure de l’ouvrage cherche à mettre en évidence les différentes traditions
qumrâniennes sur Noé en distinguant les aspects linguistiques d’une part
(textes hébreux et textes araméens), et les aspects chronologiques et
identitaires d’autre part (écrits sectaires et écrits pré-sectaires). Le
terrain est ici très délicat compte tenu des débats actuels vivaces sur trois
sujets : 1) l’identité des rédacteurs des manuscrits qumrâniens ; 2)
l’histoire de la (ou des) communauté(s) installée(s) à Qumrân ; 3)
l’origine des écrits retrouvés dans les grottes de Qumrân.
Les
recherches de l’A. aboutissent à quelques conclusions importantes que nous
tentons de résumer ici (cf. p. 173-189). La figure de Noé est particulièrement
présente dans les écrits qumrâniens, notamment dans les manuscrits rédigés en
araméen. Cette constatation appelle un questionnement sur son rôle, son statut
archétypal et la place qu’il tenait par rapport à Moïse. L’A. constate
l’émergence de deux figures sensiblement différentes : le « Noé hébreu »
et le « Noé araméen ». Le premier est davantage associé aux thèmes de
l’Alliance, de la bénédiction, de la repentance et de la séparation entre
justes et impies. Le second (le Noé « araméen ») nous est présenté sous
les traits de la sagesse et de la science, un être visionnaire, récepteur des
révélations divines, en contact avec le monde céleste. La coexistence de ces
deux figures ou archétypes révèle tout un processus de réflexion et de
discussion au sein même de la communauté qui nous a transmis ces écrits.
Soulignons
que cet ouvrage présente de nombreuses qualités scientifiques et ouvre de
nouvelles perspectives concernant, notamment, l’évolution de la pensée
religieuse qumrânienne et l’apport du corpus de textes araméens. Qu’il nous
soit cependant permis d’exprimer ici un regret : les traditions
néotestamentaires et celles d’autres écrits juifs anciens auraient pu être mieux
prises en compte ; elles auraient certainement apporté un éclairage
intéressant sur l’interprétation des traditions noachiques au tournant de notre
ère.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°1,
p. 126-127
Review : Thierry LEGRAND
Philosophe
et théologien engagé du monde juif contemporain, l’A. (1922-1996), très connu
aujourd’hui sous le nom de « Manitou », fait partie des penseurs juifs qui
ont marqué le XXe s. Ses réflexions sur l’identité juive et son engagement pour
un dialogue ouvert avec l’islam et le christianisme (cf. p. 577-609) lui ont
conféré une renommée internationale.
Faisant
suite à un premier tome des écrits de l’A. (La parole et l’écrit. I. Penser
la tradition juive aujourd’hui, Paris, Albin Michel, 1999), le présent
ouvrage rassemble, en une somme considérable, plus d’une centaine de textes
issus de conférences, d’exposés, de causeries ou de courts articles publiés
dans différents journaux. Dans ce deuxième tome, M. Goldmann a classé sous des
rubriques très générales (« Universalité, exils et solitude », « Questions
et réponses pour aujourd’hui », etc.) un ensemble d’essais théologiques et
philosophiques très variés, traversés, pour l’essentiel, par la question de
l’identité juive. L’A. développe une réflexion passionnante sur ce thème, qui
s’enracine dans son expérience personnelle de juif séfarade connaissant
parfaitement la tradition ashkénaze, ayant vécu en Algérie, en France et en
Israël. Convaincu de la nécessité pour le peuple juif d’un retour à l’identité
hébraïque (cf. p. 8), il revient constamment sur les thèmes de l’exil et de la
diaspora, sur la notion de communauté, d’universalité et d’identité.
Parmi
les nombreux essais stimulants de ce monument constitué de « paroles » et
d’« écrits », nous avons particulièrement apprécié trois articles sur le
messianisme (p. 414-430) et une réflexion intéressante sur la méthode
universitaire d’enseignement de la culture juive par rapport à l’enseignement
traditionnel transmis dans les yeshivot (« L’héritage du judaïsme et
l’Université », p. 315-321). Enfin, une série d’articles brefs abordant le
thème du dialogue judaïsme-christianisme mérite l’attention du lecteur (p.
577-602). Concluons en disant qu’il n’est pas nécessaire d’être un spécialiste
du judaïsme pour apprécier cet ouvrage. Il est certes volumineux, mais la
multitude et la variété des contributions qu’il contient permettent différentes
entrées.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°1,
p. 128-129
Review : Thierry LEGRAND
Dans la série des manuels qui introduisent aux grands corpus
d’écrits sacrés, aux religions et aux questions religieuses contemporaines, ce
volume de Blackwell rassemble des contributions accessibles qui offrent un
éclairage actuel sur toutes les questions touchant au Coran. Réalisé par une
équipe internationale de 31 chercheurs, placée sous la houlette d’un des
meilleurs spécialistes du Coran, A. Rippin, l’ouvrage s’organise autour de cinq
grandes sections qui abordent la contextualisation du Coran, le texte
coranique, sa formation, son contenu, son interprétation au fil des siècles et
les enjeux d’une lecture actuelle. Chacune des 32 contributions est accompagnée
de références bibliographiques thématiques.
Sans
pouvoir détailler l’ensemble de l’ouvrage, nous en évoquerons la section
centrale consacrée au contenu littéraire et théologique du Coran. A. Rippin (p.
223-223) s’intéresse en premier lieu à la conception de Dieu qui se dégage du
Coran : Dieu unique, Dieu de la Révélation, omniscient et tout-puissant,
le Dieu du Coran est présenté sous l’angle de la royauté et du jugement, mais
aussi de l’alliance. U. Rubin (p. 234-247) aborde le thème classique de la
notion prophétique dans le Coran en évoquant le statut des nombreux personnages
coraniques qualifiés de « prophètes », ou d’« envoyés » d’Allah. Ces
derniers jouent le rôle d’« avertisseurs » du peuple et de témoins lors du
jugement, mais leur message s’est heurté au rejet global des nations. Une
contribution de K. Zebiri traite des procédés argumentatifs rencontrés dans le
Coran (p. 266-281) ; celle d’A. H. Mathias Zahniser concerne la notion de
connaissance humaine et de connaissance divine dans le Coran (p. 282-297). K.
Mohammed (p. 298-307) aborde le thème de la famille, des femmes et de la
sexualité dans les sourates, en montrant de quelle manière le Coran reflète les
réalités sociales de son milieu producteur et les conceptions de son époque. La
dernière étude de cette section aborde la question toujours sensible du jihad
en offrant quelques trop brèves réflexions sur l’utilisation de cette
notion à la période contemporaine (p. 308-319). On signalera aussi la bonne
synthèse de M. Carter (p. 120-139) sur le vocabulaire coranique et les
controverses anciennes et modernes concernant la question des termes d’origine
étrangère que le Coran semble transmettre.
L’ouvrage
est accompagné d’une bibliographie imposante de plus de 800 titres, d’un index
des références coraniques et d’un index thématique qui semble très complet. On
regrettera l’absence de quelques cartes, d’une chronologie et d’une liste des
sourates, mais indépendamment de ces détails, ce manuel est à conseiller à tous
ceux qui cherchent une lecture guidée du Coran.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°1,
p. 129-130
Review : Thierry LEGRAND
Spécialiste
des langues sémitiques et des études coraniques, l’A. prépare le catalogue des
manuscrits coraniques de la Bibliothèque Nationale. Travaillant depuis de
nombreuses années sur le codex Parisino-petropolitanus, il en présente
ici une étude précise et documentée qui fait honneur à la collection.
L’ouvrage
comporte deux grandes sections : une présentation du codex et de
l’histoire de la tradition coranique manuscrite (p. 1-208) ; la
transcription arabe des fragments de ce manuscrit dans une pagination numérotée
en chiffres arabes (1 à 383). Aux p. 185-208, on pourra admirer une série de 28
planches qui permettent de se faire une idée de la variété des styles et des
caractéristiques des écritures coraniques anciennes. Les index des manuscrits
et des noms propres sont situés au centre de l’ouvrage (p. 181-184).
Le
premier chapitre est consacré à l’histoire complexe de la transmission du codex
Parisino-petropolitanus. Celui-ci fut découvert au XVIIIe siècle à
Fostat, en Égypte, dans un recoin de la Mosquée Amr où l’on entreposait
les vieux manuscrits et les vieux objets. La plupart des fragments sont
aujourd’hui conservés à la Bibliothèque Nationale de France et à la
Bibliothèque Nationale de Russie, à Saint Pétersbourg, mais un folio se trouve
encore à la Bibliothèque Vaticane et un autre dans une collection privée à
Londres.
Le
deuxième chapitre présente une analyse codicologique très détaillée de ce
manuscrit qui devait comporter à l’origine 210 à 220 folios. L’état des
fragments rassemblés est suffisamment satisfaisant pour que l’on puisse
déchiffrer 45 % du texte coranique, mais le début et la fin du manuscrit n’ont
pas été préservés. L’étude de ces fragments permet de repérer l’intervention de
cinq copistes différents (notés A, B, C, D, E), mais le manuscrit présente
également de multiples traces de retouches contemporaines ou postérieures à la
copie des différentes sections du Coran. La collaboration d’un aussi grand
nombre de copistes s’explique peut-être par la nécessité de disposer dans un
bref délai d’une nouvelle copie du Coran. Du point formel, la séparation entre
les sourates est matérialisée par une ligne vide (excepté la sourate 9). La fin
des versets est indiquée par des signes (points d’encre) qui varient d’un
copiste à l’autre. Les nombreuses corrections apportées à ce manuscrit
témoignent d’un usage intensif sur une période d’au moins deux siècles. Ainsi,
les titres des sourates, initialement absents, ont été ajoutés à l’encre rouge
et le regroupement des versets en dizaines témoigne également de l’évolution de
la présentation du texte coranique. Par ailleurs, la présence de signes
diacritiques ajoutés au texte original témoigne d’une volonté de préciser la
lecture coranique ou sa récitation.
Au
chapitre 3, l’éditeur s’attache à relever les nombreuses particularités
orthographiques du codex Parisino-petropolitanus en le comparant
notamment à l’édition coranique dite « du Caire ». Le chapitre suivant (p.
77-108) traite des questions relatives à la division du texte coranique en
versets. De fait, des marques de fin de verset ont été supprimées ou ajoutées
sans que l’on puisse toujours préciser la chronologie de ces modifications. Le
codex étudié présente ainsi les caractéristiques d’un manuscrit retouché au fil
des siècles et témoigne de l’évolution des pratiques liturgiques. Le dernier
chapitre et la conclusion replacent le codex Parisino-petropolitanus dans
l’histoire de la tradition coranique manuscrite (p. 109-169). Selon l’éditeur,
l’écriture des copistes serait caractéristique du style hijāzī,
marqué notamment par l’inclinaison des alifs et l’élongation verticale
de l’écriture. La scriptio defectiva constitue une autre caractéristique
de ce codex, mais son emploi varie d’un copiste à l’autre. En résumé, le codex Parisino-petropolitanus
est représentatif des copies du Coran réalisées dans le seconde moitié du
VIIe siècle ou un peu après (p. 157) ; il serait un témoin proche de la
vulgate uthmanienne du Coran, sans pour autant s’y conformer totalement. De
fait, à cette époque, il semble que le processus de canonisation du Coran ne
soit pas encore achevé.
S’il
est encore difficile de préciser le lieu de rédaction de ce codex – à Fostat,
en Syrie ou ailleurs –, il paraît clair que le ou les commanditaires de ce
Coran devaient être « des personnages de premier plan au sein de la communauté
musulmane de l’époque » (p. 161). Par ailleurs, la copie de cet exemplaire
semble avoir été destinée à un usage public. L’ouvrage, en tout point
remarquable, est destiné à un public d’experts ; il fera date dans l’histoire
des publications des manuscrits coraniques.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°1,
p. 130-131
Review : Thierry LEGRAND
Dans
cet ouvrage, l’A, professeur de Nouveau Testament à Munich, aborde un sujet
sensible et d’actualité, celui des origines du Coran et des influences qui ont
marqué sa formation. Connu de la recherche comparatiste, ce sujet a été peu
traité dans des ouvrages scientifiques, et il faut souligner l’intérêt de la
démarche de l’A. qui n’a pas succombé aux pièges d’une lecture apologétique ou à
l’attrait du concordisme.
L’essentiel
de sa thèse porte sur l’identification d’une des premières branches du
christianisme associée au nom des « Nazaréniens » (nasâra). À
partir d’une étude synthétique des passages coraniques relatifs aux Nazaréniens
(sourates 2, 3 et 5), l’A. cherche à préciser le visage de ce groupe mentionné
dans un contexte polémique, en lien avec les Juifs (p. 19-29). Les données
coraniques sont ici assez limitées et ne donnent qu’une image imprécise, voire
contradictoire de ce groupe. L’A. est ainsi conduit à revenir sur le dossier
classique et toujours débattu concernant les termes « nazarénien / nazôréen »
et la désignation par le nom de « chrétiens » des adeptes de Jésus (p.
31-39). Il prolonge son étude de l’histoire des Nazaréniens par une analyse du
contexte et des tensions dans lesquels les toutes premières communautés
chrétiennes de Jérusalem se sont développées (p. 41-85). La question de
l’intégration ou du rejet des lois juives et la problématique de l’ouverture
aux païens ont constitué des lieux de tensions qui divisèrent le christianisme
naissant. L’A. s’interroge sur l’influence possible des communautés
judéo-chrétiennes sur le milieu dans lequel vont surgir l’islam et le Coran.
La
seconde partie de l’ouvrage est alors consacrée à l’étude des matériaux
néotestamentaires repérables dans le Coran (p. 87-109). L’A. relève, entre
autres, une proximité entre l’Évangile de Matthieu et le Coran, et
l’absence de traditions relatives à Paul ou à sa théologie dans les traditions
coraniques. Par ailleurs, les traditions véhiculées par certains écrits
apocryphes chrétiens semblent connus du Coran. Cet ensemble de remarques
permettent à l’A. d’évoquer l’existence d’un lien entre les milieux
judéo-chrétiens et les communautés chrétiennes en contact avec Mahomet au début
de son ministère. De fait, par le Coran et les traditions musulmanes, on sait
que le Prophète fréquentait les milieux chrétiens et que certains membres de sa
famille et de son entourage appartenaient à ces communautés ou avaient été en
contact avec elles. Traitée en finale, d’une manière un peu rapide, la question
du rapport entre les traditions juives vétérotestamentaires et le Coran vient
conforter la thèse générale de l’ouvrage : une forme de
judéo-christianisme, marquée par le respect de la Loi, les traditions
matthéennes, le rejet de l’apôtre Paul et la connaissance de traditions
apocryphes, a pu influencer la rédaction de l’écrit fondateur de l’islam. Un
dernier chapitre, un peu inattendu, concerne les inscriptions du dôme du Rocher
à Jérusalem. Il entraîne l’A. dans une réflexion sur les origines de l’islam,
le statut de Jésus par rapport au Prophète Mahomet, et le dialogue possible
entre les trois monothéismes. Sans être révolutionnaires, les thèses de ce
livre n’en sont pas moins intéressantes et stimulantes à un moment où le
dialogue avec l’islam est plus que jamais nécessaire. Certes, on aurait aimé
des analyses plus fouillées et plus développées des passages coraniques
concernés, mais l’ouvrage vise un lectorat assez large, et l’A ne présente sans
doute que la synthèse de ses recherches. Signalons qu’il a également publié un
petit ouvrage très stimulant (Bibel und Coran, Freiburg im Breisgau,
Herder, 2004) sur les liens qui unissent la Bible et le Coran, le judaïsme, le
christianisme et l’islam.
L’ouvrage est malheureusement resté sans traduction
française, alors que, dans ce domaine, les outils scientifiques font encore
cruellement défaut.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°1,
p. 146-147
Review : Thierry LEGRAND
L’A.,
professeur associé à l’Université de Toronto, est un spécialiste de l’exégèse
coranique (Tafsīr). Son livre est tout entier consacré à une oeuvre
majeure du commentateur musulman Al-Biqāīs (fin du XVe siècle), le
traité Al-Aqwāl (titre arabe abrégé), un ouvrage de défense
précisant le point de vue de l’auteur quant à l’utilisation de la Bible
hébraïque et des Évangiles dans l’interprétation du Coran.
Pour
comprendre l’importance de la publication d’un tel traité, il est nécessaire de
rappeler brièvement le contexte et l’occasion qui présidèrent à sa rédaction.
Al-Biqāī, interprète reconnu pour sa fidélité à la Sunna, avait
préalablement rédigé un important commentaire du Coran en utilisant les sources
bibliques. La référence aux écrits bibliques n’était pas chose nouvelle dans
l’histoire de l’exégèse coranique : on utilisait régulièrement les
citations bibliques dans un contexte polémique, pour attaquer le judaïsme ou le
christianisme, ou à des fins apologétiques, pour affirmer par exemple que la
mission de Mahomet était inscrite dans les corpus sacrés antérieurs au Coran.
La particularité du commentaire d’Al-Biqāī résidait dans le fait que
cet auteur citait directement les références bibliques sur la base des
traductions bibliques arabes, et qu’il utilisait la Torah et les Évangiles pour
mieux interpréter le Coran. Ce commentaire du Coran suscita à son époque de vives
réactions dans la communauté musulmane et parmi les commentateurs reconnus du
Coran (cf. Al-Sakhāwī). En conséquence, Al-Biqāī fut accusé
d’hérésie, et son commentaire voué à la destruction. Pour répondre aux attaques
multiples qui mettaient en cause ses compétences et sa foi,
Al-Biqāī rédigea vers 1480 le traité Al-Aqwāl (The
Just Verdict on the Permissibility of Quoting from Old Scriptures), un
ouvrage imposant qui développait les arguments de l’auteur en faveur de
l’utilité et même de la nécessité d’utiliser la Torah et les Évangiles pour
commenter le Coran. Il allait jusqu’à justifier cet usage en faisant référence
au Coran lui-même, à Mahomet, et aux commentateurs musulmans qui l’avaient
précédé. Contrairement à toute attente, ce traité semble avoir circulé dans le
monde islamique de l’époque. Il témoigne de l’intérêt que certains
commentateurs musulmans ont porté aux arguments d’Al-Biqāī sur
l’importance de la Bible comme texte de référence.
Saleh
confirme, dans son introduction (p. 1-48), l’importance d’une édition critique
du traité Al-Aqwāl pour mieux comprendre les débats qui agitaient
les spécialistes de l’exégèse coranique du XIVe au XVIe siècle. Son édition est
basée sur le manuscrit arabe Escurial 1539, mais elle tient compte des trois
autres témoins de cet écrit : le Dar al-Kutub, tafsīr 49a, le Dar
al-Kutub, tafsīr 1269 et le manuscrit arabe Escurial 1540. L’édition
du texte arabe est pourvue d’un apparat critique assez peu développé, mais une
série d’index permet de retrouver les références des textes auxquels
Al-Biqāī fait allusion dans son traité. L’ouvrage comporte
quelques photographies des manuscrits utilisés dans cette édition.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2010, Tome 90 n°1,
p. 148-149
Review : Thierry LEGRAND
Depuis
quelques années, les éditions Routledge publient une série de manuels (Companion)
dans de nombreux domaines comme les sciences, l’art, l’économie, la
littérature, la religion et de nombreux autres champs. Il existe, par exemple,
un manuel du doctorant (The Routledge Doctoral Student’s Companion,
2010) utile pour les étudiants en théologie. Le volume présenté dans ces
quelques lignes vise à couvrir le vaste champ des sciences religieuses, autant
dire que le projet est ambitieux. L’éditeur, John Hinnells, est un spécialiste
du zoroastrisme dans ses formes contemporaines (voir l’énorme somme : The
Zoroastrian Diaspora, Oxford, 2005), mais ses connaissances dans le domaine
des sciences religieuses lui ont permis de diriger plusieurs entreprises
éditoriales de grande ampleur (par exemple The New Penguin Handbook of
Living Religions, dernière édition, 2003).
Après
une introduction générale qui porte sur l’intérêt de l’étude des religions et
la nécessaire contextualisation des phénomènes religieux, on lira une notice
synthétique fort intéressante sur l’histoire des sciences religieuses dans les
cinquante dernières années (G. D. Alles, p. 39-55). L’ouvrage propose alors une
série de 29 chapitres, répartis sur trois grandes sections. La première section
(« Key approaches to the study of religions », p. 73-242) s’intéresse aux
questions épistémologiques et aux différents champs de la recherche dans le
domaine des religions : philosophie, sociologie, anthropologie,
psychologie, phénoménologie, comparatisme… et théologie. Chaque notice est
accompagnée d’une bibliographie assez conséquente sur le sujet abordé.
La
section intitulée « Key topics in the study of religions » (p. 243-441)
offre un éclairage moderne sur les grands sujets abordés dans un cours de
sciences religieuses : la question du genre, la sécularisation, le
fondamentalisme, le pluralisme, les autorités religieuses, mais aussi le mythe,
le mysticisme et l’herméneutique. Il n’est pas évident de comprendre ce qui a
présidé au choix de ces différents sujets et à leur ordre de classement dans
cet ouvrage : les notices apparaissent totalement indépendantes les unes
des autres, et les approches sont assez différentes.
Le
titre général, un peu « fourre-tout », de la troisième section («
Religions in the modern world », p. 443-580) permet de rassembler des
contributions diverses sur les questions modernes qui interpellent le domaine
des religions : l’économie, la culture, l’environnement, la diaspora, la
politique, les médias, etc. On lira ici avec intérêt la notice « Religion and
the environment » (p. 492-508) rédigée par le professeur de philosophie R.
S. Gottlieb.
Ce
volume manque d’unité, mais la chose s’explique sans doute par le genre de la
collection et le fait qu’il s’agisse d’un collectif (31 contributeurs). Les
notices, denses et parfois difficiles, sont rédigées par des A. anglais et
américains de renommée internationale. On regrette cependant que l’éditeur
n’ait pas cherché à faire appel à quelques spécialistes français, suisses ou
allemands, pour offrir au lecteur une vision moins anglo-américaine du champ
des sciences religieuses.
On
trouvera, en fin d’ouvrage, un glossaire bien fait d’environ 200 termes ou
expressions techniques. L’index final des noms propres et des thèmes abordés
est assez exhaustif et permet de croiser les données. Cet ouvrage sera utile
aux étudiants avancés qui s’intéressent à la sociologie et à l’anthropologie
religieuses, et plus largement à la question de la pertinence des religions
dans le monde contemporain.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°1,
p. 89-90
Review : Thierry LEGRAND
Peu
d’études sont consacrées au thème difficile du sacrifice humain ; cet
ouvrage vient ainsi combler une lacune importante dans le vaste domaine des
pratiques sacrificielles. De la civilisation aztèque à la Chine en passant par
le monde grec et l’Égypte, douze spécialistes internationaux présentent leurs
recherches dans ce domaine, en étudiant une documentation textuelle diverse et
quelques données archéologiques.
Une
introduction de l’éditeur, Jan N. Bremmer, replace la question du sacrifice
humain dans le contexte des sociétés antiques et modernes, en s’appliquant à
poser les questions essentielles : quels sont les acteurs des sacrifices
humains, et dans quels types de sociétés cette pratique s’est-elle développée ?
Quelle était la condition sociale des êtres sacrifiés, quel traitement leur
faisait-on subir, et dans quel but ? Pour quels dieux et dans quel cadre
religieux pratiquait-on ces sacrifices ? Quels lieux (porte de la ville,
centre du village, espaces sacrés, etc.) étaient réservés à de telles pratiques ?
Sans oublier la question cruciale du traitement des sources :
décrivent-elles des pratiques avérées ou sont-elles évoquées pour induire la
réflexion des lecteurs ou à des fins polémiques ?
Dans
une première contribution, M. Graulich présente la variété des sacrifices
humains et leur valeur expiatoire dans le monde aztèque (p. 9-30). L’étude détaillée
de J. Borsje évalue l’importance du motif littéraire du sacrifice humain dans
la littérature médiévale irlandaise (p. 31-54) ; elle y étudie plus
précisément les différents types de sacrifices décrits. La contribution
suivante, de J. N Bremmer (p. 55-79), reprend le cas, souvent étudié, des
sacrifices humains en Grèce, en évoquant brièvement les sacrifices offerts à
Cronos, ainsi que le mythe de Polixène, la vierge sacrifiée, repris dans
l’oeuvre d’Euripide (Hécube). L’A. s’attache ensuite à préciser le cadre
des sacrifices humains offerts à Zeus Lykaios, en Arcadie et leurs rapports
avec des faits réels. La contribution de L. Roig Lanzillotta (p. 81-102)
reprend le sujet classique et passionnant des accusations de sacrifices
d’enfants ou de cannibalisme dans les écrits chrétiens et non-chrétiens des
premiers siècles de notre ère. Il montre comment ce thème, surtout véhiculé par
les apologistes chrétiens (Tertullien et Minicius Félix), accompagne le
développement du christianisme de la fin de l’Antiquité.
Cet
ouvrage présente encore d’autres études très stimulantes comme celle du
professeur Ed. Noort (p. 103-125) sur la question épineuse des sacrifices
humains dans l’Israël ancien, ou celle qui concerne les sacrifices humains à
l’époque védique (A. Parpola, p. 157-177). Signalons encore l’excellente étude
de L. Van den Bosch (p. 195-227) sur le sacrifice humain chez les Konds (à
l’est de l’Inde, Orissa), une région où de telles pratiques existaient encore
au XIXe siècle lorsque les colons britanniques investirent la péninsule
indienne. L’A. rappelle les faits et reconstitue l’histoire des Konds et de
leurs pratiques religieuses à partir des témoignages des premiers colons et des
historiens des religions. Il relève les écarts entre ce qui a été raconté par
le passé et ce que nous savons aujourd’hui de cette ethnie et de ses coutumes.
La contribution de Van den Bosch est représentative de l’orientation générale
de cet ouvrage : l’analyse critique des sources et l’étude comparée de
différents documents (écrits, traditions orales, témoignages de voyageurs et
restes archéologiques) constituent les éléments fondamentaux de la démarche
scientifique, notamment lorsqu’il s’agit d’appréhender un sujet aussi difficile
que celui des sacrifices humains. Ainsi, l’ouvrage est intéressant par le sujet
qu’il aborde, mais aussi par les questions de méthodologie mises en évidence au
fil des études de cas. Une analyse sérieuse des sources est alors indissociable
d’une étude précise du contexte historique et sociologique dans lequel les
faits étudiés se sont déroulés.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°1,
p. 92-93
Review : Thierry LEGRAND
Les
éditeurs de l’imposante Encyclopedia of Buddhism (Routledge, 2007)
rassemblent dans un ouvrage de taille raisonnable, à destination d’un large
public, les éléments essentiels à la connaissance du bouddhisme. Ce type de
manuel s’avère très utile pour comprendre, d’une part la diversité des formes
du bouddhisme asiatique, et d’autre part le développement du bouddhisme dans
les régions occidentales ainsi que l’impact de cette religion sur les sociétés
modernes.
L’ouvrage,
fidèle aux principes de la collection, présente un texte aéré, facile à lire, dans
lequel ont été insérés des illustrations et de multiples encarts (textes,
listes, témoignages, etc.). L’approche éditoriale est résolument pédagogique,
et l’on trouvera, par exemple, pour chaque chapitre, les éléments qu’il est
nécessaire de connaître (« Key points you need to know »). Cette démarche
un peu scolaire montre vite ses limites lorsqu’on entre dans la complexité du
bouddhisme. Mais il s’agit là d’un manuel pour débutants, et l’effort de
synthèse est louable, notamment parce qu’il conduit souvent le lecteur à
vérifier les connaissances acquises.
Les
Éd. ont distribué la matière de manière assez classique. Une première section
présente le contexte culturel et religieux de l’Inde dans lequel le bouddhisme
a pris naissance. Le Bouddha (naissance au Ve siècle, vie et mort, reliques) et
ses principaux enseignements (Dharma) font l’objet d’un autre chapitre.
Viennent ensuite l’étude de la communauté monastique bouddhiste (sangha)
et la présentation du Vinaya Pitaka – section importante du canon
pāli – qui permet d’organiser et de réguler la vie monastique. La deuxième
section s’intéresse aux développements du bouddhisme, à partir du IVe siècle
avant notre ère et jusqu’à son déclin en Inde à la fin du Moyen Âge. Les A.
abordent également les questions relatives à la compilation des écrits
fondateurs et au développement de la construction des stupas sous le
règne d’Ashoka (IIIe siècle). La troisième partie traite des développements du
bouddhisme au Tibet, en Asie du sud-est, en Chine, en Corée et au Japon. Une
attention spéciale est accordée aux développements du bouddhisme tibétain
(depuis son implantation au VIIe siècle jusqu’à nos jours). La dernière partie
de l’ouvrage est consacrée au déploiement du bouddhisme dans les sociétés
occidentales et aux principes éthiques développés tout au long de son histoire.
Les A. concluent par quelques bonnes pages sur l’histoire et le développement
des études bouddhologiques et les orientations de la recherche contemporaine
dans ce domaine.
L’ouvrage
comporte une série de cartes qui précisent les différentes implantations du
bouddhisme et son déploiement géographique au travers des siècles. Un premier
index offre une chronologie assez détaillée de l’histoire du bouddhisme. Le
deuxième index, fort utile, précise le contenu des différents canons de textes
fondateurs : le canon pāli, chinois et tibétain. Un imposant
glossaire des termes techniques (environ 350 entrées) et un index général,
complètent avantageusement cette introduction qui sera utile à tous ceux qui
cherchent une porte d’entrée dans l’univers du bouddhisme.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°1,
p. 93-94
Review : Thierry LEGRAND
Professeur
d’archéologie à l’Université de Haïfa, l’A. a publié plusieurs ouvrages et de
nombreux articles sur l’art et l’archéologie, les rites funéraires et les
symboles du judaïsme du Second Temple. Elle étudie depuis plusieurs décennies
l’architecture synagogale et la symbolique des panneaux de mosaïque retrouvés
dans bon nombre de synagogues, en Israël et ailleurs. L’ouvrage, de grand
format et richement illustré, s’apparente à une vaste synthèse de ses
recherches sur les représentations artistiques des pavements de mosaïque,
depuis les origines de cet art en Palestine, au IIe-Ier siècle avant notre ère,
jusqu’à la fin de la période byzantine, au VIIe-VIIIe siècle de notre ère. L’A.
offre une présentation synthétique et thématique, plutôt que strictement
chronologique. Le champ géographique de son étude couvre essentiellement le
territoire actuel de l’État d’Israël, la bande de Gaza et la zone jordanienne
de Petra, mais les sites d’autres régions du bassin méditerranéen sont aussi
évoqués. Le premier chapitre (p. 5-15) s’intéresse aux
panneaux de mosaïque découverts en Palestine, datés de la fin de la période
hellénistique et du début de l’époque romaine ; l’A. dresse un inventaire
rapide des sites importants (Massada, Jéricho, Jérusalem, etc.) dans lesquels
elle relève les figures les plus représentatives (rosaces, motifs géométriques
et floraux) d’un art le plus souvent aniconique, c’est-à-dire sans
représentation humaine ou animale. La carte de la p. 15 précise la localisation
des sites dans lesquels des panneaux de mosaïque ont été découverts.
Les
chapitres II à IV (p. 17-96) traitent des symboles représentés sur les
pavements de mosaïque des synagogues du début de notre ère. Ces grands
panneaux, encadrés de motifs floraux ou géométriques, sont généralement divisés
en plusieurs sous-panneaux (au moins trois) qui renvoient à cinq éléments
significatifs : la Torah et son coffre protecteur (évocation du
Tabernacle) ; le Temple de Jérusalem (rappel des objets cultuels, du cycle
des fêtes) ; des épisodes importants de l’AT (l’Aqeda, la sortie d’Égypte,
la révélation sinaïtique, la bénédiction de Jacob, etc.) ; des éléments
naturels, des animaux et des volutes (éléments décoratifs classiques des
édifices de l’Antiquité) ; la roue zodiacale (rapport aux saisons, rôle du
soleil, etc.).
Le
cinquième chapitre (p. 97-109) aborde les mosaïques à thèmes nilotiques de la
période byzantine. De fait, l’« exotisme » de l’Égypte, de ses paysages et
de son histoire ont influencé les mosaïstes pendant des siècles. On trouve
ainsi les traces de cette influence sous la forme de différentes
représentations : personnification du Nil, scènes de chasse et de pêche,
représentations animalières, nilomètres, évocations de la ville d’Alexandrie,
etc. Le chapitre suivant (p. 111-147) offre une étude très détaillée de
panneaux de mosaïque, très courants au Ve-VIe siècle, contenant un enchaînement
de médaillons (tiges de vignes se déployant et s’enroulant) disposés sur une
même ligne, horizontalement et verticalement. L’intérieur de ces motifs
circulaires est souvent rempli de figures animalières ou florales réalisées
avec la plus grande finesse. Le chapitre VII (p. 149-178) rassemble de
multiples exemples de pavements de mosaïque d’églises inspirés de la vie rurale :
scènes liées aux travaux de la vigne, évocation de la chasse, représentations
d’animaux sauvages et domestiques, berger menant son troupeau, joueur de flûte,
etc. Le chapitre suivant (p. 179-197) s’intéresse à la personnification des
éléments naturels ou des forces de la nature (la terre et la mer représentées
par un buste de femme ; les saisons personnifiées, etc.). Le neuvième
chapitre (p. 199-208) aborde les représentations symétriques ou antithétiques
dans les pavements d’églises ou de synagogues (un même animal ou des paires
opposées). Au chapitre dixième (p. 209-217), l’A. s’attarde assez peu sur les
panneaux de mosaïque défigurés durant la crise iconoclaste des alentours du
VIIe-VIIIe siècle, mais les illustrations fournies témoignent de la violence
qui s’est exprimée à cette époque dans les églises, et dans une moindre mesure
dans les synagogues.
Le
chapitre intitulé « Between Synagogue and Church » (p. 219-242) offre
quelques conclusions très stimulantes d’un point de vue comparatiste. L’A.
évoque le développement parallèle des deux institutions et les divergences qui
s’expriment dans les pavements de mosaïque : par exemple, le choix de la
représentation de motifs symboliques tels que l’arche de la Torah ou les objets
cultuels dans les synagogues, et la représentation de scènes de la vie rurale
dans les églises.
Avant
la synthèse finale, l’A. s’attarde sur le travail de l’artiste mosaïste, les
écoles et les ateliers de ces façonneurs de tesselles (p. 243-280). Quelques
inscriptions en grec et en araméen leur ont permis de s’exprimer et parfois
même de décliner leur identité. Mais les informations sont rares et
fragmentaires : existait-il des livres ou des catalogues de motifs usuels ?
Comment se faisait la transmission du savoir-faire de l’artisan ? Y
avait-il des ateliers généraux qui fournissaient la région en artistes
itinérants ? Toutes ces questions, rarement abordées dans d’autres
ouvrages, trouvent ici quelques réponses. L’ouvrage comporte une bibliographie
alphabétique de plus de 400 références et un index thématique assez complet. On
ne peut que se réjouir de la publication d’un travail d’une aussi belle facture
et d’un intérêt remarquable pour les spécialistes de l’art antique et du
symbolisme religieux.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°1,
p. 94-96
Review : Thierry LEGRAND
Spécialiste des religions, professeur
émérite de la Ruhr-Universität de Bochum, l’A. a consacré plusieurs articles à
la mort et à l’au-delà. Le petit ouvrage qu’il publie se rapproche par sa
taille, sa présentation et sa clarté de la célèbre collection « Que sais-je ? ».
Comprenant cinq chapitres, il est structuré en deux sections équilibrées, l’une
consacrée à une réflexion sur le concept de mort, les différents types et
figures de la mort (la mort bénie, violente ou prématurée, la mort sociale,
etc.) et la question de la vie après la mort, l’autre centrée sur le thème de
la mort dans les grandes religions (AT et judaïsme, christianisme, islam,
hindouisme et bouddhisme).
Traitant rapidement de la mort dans les
trois monothéismes (seulement cinq pages sur l’AT et le judaïsme, et très peu
de références à la littérature rabbinique), l’A. s’attarde plus longuement sur
l’hindouisme (p. 81-104), le thème de la réincarnation et le Samsara
(transmigration, cycle de renaissances). Au fil de l’exposé, il insère des
extraits de textes qui illustrent son propos et rendent la lecture plus
attractive, mais les références scripturaires, placées dans des notes en fin
d’ouvrage, ne facilitent pas la recherche et le prolongement de la réflexion.
L’intérêt
principal de cet ouvrage réside dans le fait qu’il offre une approche globale,
un parcours rapide et clair d’une question universelle. On regrettera cependant
que l’A. n’ait pas prolongé son enquête au-delà des religions les plus connues.
Il manque, par exemple, quelques pages sur la conception de la mort dans le
mazdéisme et les religions animistes. Une bibliographie d’environ 120 titres
complète avantageusement ce livre.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE
PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°4, p. 604
Review : Thierry LEGRAND
Réédition corrigée et augmentée d’un petit
ouvrage publié en 1993 chez Nathan, ce livre offre à la fois une excellente introduction
à la mythologie grecque et un panorama de l’interprétation des mythes par les
mythologues de l’époque moderne. À la suite d’une introduction brève qui
propose une réflexion sur les mythes ainsi que quelques éléments de définition
(p. 10-11), le premier chapitre offre un essai de typologie qui distingue trois
grandes catégories : les
récits des origines (cosmogonies, combats pour la souveraineté, récit de
création, origines des peuples et des cités), les aventures des dieux
(relations d’opposition et de complémentarité, domaines d’interventions des
dieux) et les gestes des héros (exploits, épreuves, malheurs des héros et des
héroïnes, l’exemple d’Héraclès et de Thésée, les cycles légendaires de Thèbes
et d’Argos, etc.). Cette typologie est intéressante, mais on attendrait une
réflexion plus approfondie sur le classement proposé et sa pertinence. Le
deuxième chapitre, plus développé, se concentre sur l’écriture des mythes par
les poètes et les prosateurs (p. 33-92). Il s’agit pour l’A. de montrer comment,
depuis Homère (VIIIe siècle av. J.-C.) et jusqu’à Nonnos de Panopolis (Ve
siècle ap. J.-C.), s’est progressivement constitué un immense corpus de textes
qui n’a cessé d’évoluer. Ainsi, sur plus d’un millénaire d’écriture, les mythes
grecs ont été compilés, modifiés et utilisés dans les compositions poétiques et
les productions littéraires des orateurs, des philosophes, des historiens et
des mythographes. Le chapitre suivant (p. 93-102) s’intéresse aux lectures des
mythes dans la Grèce ancienne, car comme le dit l’A., « Les Grecs ne se sont pas contentés de créer des mythes. Ils ont
aussi été les premiers à en faire la critique […] » De fait, ce chapitre
passionnant montre comment historiens et philosophes ont inventé une véritable « science des mythes » en cherchant à en extraire le fond de
vérité ou en les passant au crible d’une lecture critique (p. 93). Prolongement
logique de la section précédente, le quatrième chapitre dresse le tableau des
lectures des mythes grecs par les auteurs et savants de l’époque moderne, puis
offre un panorama dense des théories modernes sur l’origine et la nature des
mythes (lectures historiques, structurales, psychanalytiques et approches
combinées).
L’ouvrage est accompagné de deux annexes
utiles : un répertoire des écrivains de l’Antiquité
qui comporte plus d’une centaine de notices bibliographiques succinctes et qui
donne quelques indications sur les publications à consulter ; une bibliographie classée selon les têtes de chapitres de ce
livre. À eux seuls, ces deux instruments de travail permettent de saisir
l’ampleur du dossier et l’extrême variété des sujets traités dans les écrits de
la mythologie grecque.
Pour
conclure, nous dirons que l’A. a réussi, en peu de pages, à parcourir le champ
immense de la littérature mythologique sans lasser le lecteur. Au contraire,
cet ouvrage très pédagogique est une invitation à creuser davantage un domaine
qui a marqué notre culture et qui continue de fasciner le public. Un regret
demeure néanmoins, s’agissant des représentations figurées des héros de la
mythologie. L’ouvrage aurait gagné en intérêt s’il avait comporté un chapitre
sur l’immense domaine des arts de la Grèce antique (architecture, sculpture,
poterie, monnaie, etc.) fortement influencé par la diffusion des thèmes mythologiques.
Mais il n’est pas possible de tout traiter, et l’A. avait prévenu son lecteur
quant aux limites de son ouvrage (p. 12).
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE
PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°4, p. 604-605
Review : Thierry LEGRAND
Cet ouvrage offre une synthèse stimulante
concernant le domaine déjà bien étudié de la divination en Grèce (voir les
différents travaux d’A. Bouché-Leclerq, E. R. Dodds et J.-P. Vernant). Sans
entrer dans les classifications courantes (divination inspirée, divination
déductive, ou divination naturelle et technique, etc.) et ne s’attardant pas à
définir les types de divination, l’A. organise la matière de son exposé en deux
grandes sections : les
pratiques oraculaires de la Grèce antique attachées à des lieux significatifs
d’une part et, de l’autre, les manteis, acteurs indépendants de la divination.
Dans un chapitre introductif très
accessible (« Why Divination », p. 1-32), l’A. aborde le
thème de la divination sous l’angle de la fascination que lui porte le monde
contemporain (publications, pratiques divinatoires modernes, consultations
divinatoires des grandes personnalités de ce monde, etc.). Puis, revenant aux
sources grecques et romaines anciennes (Eschyle, Platon, Cicéron, Plutarque,
etc.), elle montre comment les questions de nos contemporains sont à rapprocher
des récits mythologiques et des témoignages des auteurs antiques : par le jeu des questions-réponses, la divination ouvre un
espace de dialogue avec le monde des dieux que le culte ne permet pas vraiment.
La fin de ce premier chapitre est consacrée à l’histoire de la recherche (« The History of the History of Divination », p. 17 sq.) et à une
réflexion sur le couple magie / divination dans les ouvrages spécialisés du XXe
siècle. Les deux chapitres suivants (« The
Divine Experience, 1 et 2 ») s’attachent à préciser la place des pratiques
oraculaires dans les grands sanctuaires antiques de Delphes et de Dodone (p.
33-75), puis de Claros et de Didymes (p. 76-108), tout en évoquant la grande
variété des pratiques divinatoires en Grèce antique : la divination par les dés ou les surfaces réfléchissantes
(catoptromancie et hydromancie), l’observation des flammes (l’empyromancie),
les pratiques et oracles incubatoires à Épidaure, l’usage des tablettes de
plomb pour interroger les dieux (1 400 tablettes provenant de Dodone) et le
culte de Trophonius. Ces chapitres bien documentés mettent en évidence le rôle
des grands sanctuaires dans la vie religieuse et politique de la Grèce antique.
Les deux derniers chapitres présentent une
étude assez originale sur les devins indépendants (« Freelance divination », p. 109-143), les manteis, ces
hommes et ces femmes qui entretenaient un contact avec le monde divin en dehors
des sanctuaires oraculaires. L’A. interroge les sources anciennes pour
comprendre comment ces individus sont devenus ce qu’ils sont et quelles étaient
leurs véritables fonctions dans la société d’alors. Une section finale traite
du rapport entre magie et divination, magiciens et devins, dans une société
grecque passionnée par la communication avec le monde des dieux. C’est ici
l’occasion pour l’A. de revisiter le corpus étonnant des papyrus grecs magiques
(PGM), sources incontournables pour connaître les rites magiques, les rituels
d’envoûtement, les exorcismes et les pratiques divinatoires. Chaque section de
ce livre est accompagnée de nombreuses références bibliographiques classées
selon les têtes de chapitres de cet ouvrage. L’index final des citations
d’auteurs antiques constitue un outil fort utile pour ceux qui chercheront à
prolonger la réflexion.
Le
public francophone ne manque pas d’ouvrages et d’études spécialisées dans le
domaine de la divination ; le
présent volume offre un cheminement qui a le mérite de sortir des sentiers
battus.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE
RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°4, p. 604-605-606
Review : Thierry LEGRAND
Directeur de recherche au CNRS, l’A. est
spécialisé dans l’étude des rapports entre littérature, histoire et religion
dans les contextes sikh et musulman. Son ouvrage traite de l’histoire des sikhs
de la région du Panjab depuis les origines, au XVe siècle, jusqu’à nos jours.
Il s’agit avant tout d’une synthèse historique qui n’aborde que très rapidement
la religion des sikhs, même si, comme le dit l’A., « le fait religieux est au coeur de leur histoire » (p. 13).
Comptant à l’heure actuelle environ 20 millions d’adeptes en Inde (2 % de la
population, principalement au Panjab), le sikhisme est considéré par les uns
comme une simple branche de l’hindouisme, tandis que d’autres le tiennent pour
un syncrétisme d’islam et d’hindouisme, ou encore une religion à part entière.
Il n’en demeure pas moins que le sikhisme se présente comme une forme de
monothéisme qui dispose d’un corpus d’écrits sacrés jouissant d’une grande
vénération (l’Âdi Granth ou Guru Granth Sâhib), d’un calendrier (surtout les gurpurab,
fêtes-anniversaires des gurus), de rites, de centres spirituels (les gurdwaras, voir le
célèbre Temple d’or d’Amritsar) et qu’il a été fondé par une figure mystique.
L’A. présente l’histoire des sikhs en distinguant trois phases qui forment la
structure de son livre.
La première section (« Du Nânak Panth au Khalsa », p. 21-113) traite des origines et du
développement du sikhisme en présentant son fondateur (Guru Nânak, 1469-1539,
premier des dix gurus du sikhisme) et son message (foi en un Dieu unique), les
premières communautés (panth) et les événements qui ont conduit à la compilation du Guru Granth,
véritable guide spirituel des sikhs. Plusieurs pages de cette section sont
consacrées au dernier des grands gurus, Gobind Singh (seconde moitié du XVIIe siècle)
à qui la tradition attribue la rédaction d’un ouvrage important, le Dasam Granth. La
deuxième section (p. 117-225) traite notamment de la conquête du Panjab aux
XVIIIe-XIXe siècles, puis de l’annexion de cette région par l’Empire
britannique jusqu’à sa partition entre l’Inde et le Pakistan. L’A. évoque au
passage les différentes réformes religieuses que connut le sikhisme durant
cette période et l’activité des missionnaires chrétiens (notamment protestants)
à partir du milieu du XIXe siècle ; la région
du Panjab comptait ainsi plus de 400 000 baptisés en 1931. La dernière partie (« De l’indépendance à nos jours », p. 229-300) expose l’histoire
des sikhs dans une Inde indépendante (1947) et un Panjab divisé. Les multiples
tensions politiques, sociales et religieuses qui marquent cette période et la
détérioration des relations entre hindous et sikhs conduiront aux événements
dramatiques de l’assaut du Temple d’or et de l’assassinat d’Indira Gandhi par
ses gardes sikhs en 1984. Dans cette même section, figure un chapitre sur « Les sikhs dans la société indienne et dans le monde ». Quelques
pages fort intéressantes sont consacrées à la diaspora sikhe. On y apprend que
plus de 1,5 million de sikhs résident à l’étranger, notamment au Royaume-Uni et
en Amérique du Nord. En France, on compte une dizaine de milliers de sikhs dont
beaucoup résident en Seine- Saint-Denis ; ils
disposent d’un temple sikh à Bobigny.
Du point de vue de la présentation de
l’ouvrage, le renvoi des notes en fin de livre ne facilite pas l’accès aux
références savantes, même s’il allège la lecture. La bibliographie, très à
jour, est précédée d’une note historiographique pertinente sur le développement
des études sikhes. L’ouvrage est accompagné de quelques outils indispensables
pour un domaine si méconnu : une
chronologie (de la naissance du fondateur Nânak en 1469 à la nomination d’un
sikh comme premier ministre de l’union indienne, en 2004), un index général et
un glossaire très utile (95 entrées) dans lequel manquent cependant plusieurs termes
importants.
Malgré la difficulté du sujet, ce livre est
de lecture agréable et facile, notamment parce que l’A. agrémente son exposé
par l’analyse et le commentaire de quelques textes (voir, par exemple, le
chapitre sur l’Âdi Granth, p. 76-83). Ajoutons qu’il n’est pas nécessaire d’être un
spécialiste des religions asiatiques pour apprécier cet ouvrage ; nous le recommandons à tous ceux qui cherchent à s’informer sur
l’une des religions qui ont marqué l’histoire de l’Inde.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE
PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°4, p. 604-609-610
Review : Thierry LEGRAND
Professeur d’histoire des religions à
l’université de Chicago, spécialiste de la mythologie hindoue, l’Éd. a publié
de nombreux livres et articles sur les écrits anciens de l’hindouisme,
l’interprétation des textes mythologiques, l’érotisme, la violence et le mal.
Cet ouvrage est une reprise en allemand de textes publiés en anglais (voir
notamment, du même A., Hindu
Myths : A Sourcebook,
Penguin Books, 1975).
Après une brève introduction centrée sur
des questions méthodologiques, l’A. présente une collection de 75 passages
d’époques différentes, tirés de différents corpus de textes sanscrits comme les
hymnes anciens du Rig-Veda, le Mahâbhârata (grand poème épique) et les Purana
(Siva-Purana, Skanda- Purana, Bhagavata-Purana, Vishnu-Purana, etc.), écrits mythologiques très populaires qui célèbrent les
dieux en évoquant leur geste.
L’intérêt majeur de cette compilation est
d’offrir une traduction de textes difficiles et encore trop souvent
inaccessibles au public non spécialiste. L’A. propose un parcours utile des
grands textes mythologiques hindous centrés sur quelques divinités majeures
(Prajapati, Visnu, Agni, Rudra / Siva, Devi) et sur une période de près de 2000
ans d’histoire (voir la datation des écrits, p. 14). Les introductions ou
commentaires de ces passages sont parfois trop brefs pour que le lecteur en
saisisse toute la richesse, mais il est si rare de disposer de commentaires
pour ces textes que l’on s’en accommode.
L’ouvrage offre une présentation sobre et
agréable ; il comporte peu de notes savantes, et la
bibliographie est très succincte. On regrettera l’absence d’un index des textes
cités et traduits, ainsi que des thèmes abordés. Une synthèse finale aurait été
fort utile.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE
PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°4, p. 611
Review : Thierry LEGRAND
Spécialiste de l’Inde, collaboratrice de la
Brill’s Encyclopedia of Hinduism, l’A. offre au lecteur une révision en anglais d’un ouvrage
qu’elle a publié en 1996 chez Harrassowitz : Rājavidyā.
Das
königliche Wissen um Herrschaft und Verzicht. Studien zur
Bhagavadgītā. Dans le présent
volume, l’A. se concentre sur l’interprétation de la Bhagavadgītā (= BhG) et tente d’expliquer la situation de cet écrit au sein du Mahâbhârata, grand
corpus poétique sacré de l’hindouisme postvédique. Le texte de la BhG, un
poème de 700 vers répartis en 18 chants, n’est pas intégré à ce commentaire
savant, mais on pourra suivre la traduction française, accessible, d’A.-M.
Esnoul et d’O. Lacombe (Paris, 1977). Peut-être n’est-il pas inutile de
préciser que la BhG met en scène un dialogue entre Khrishna, maître de sagesse qui
n’est autre qu’une manifestation du Dieu suprême, et le guerrier Arjuna,
tourmenté par de multiples questions juste avant de s’engager dans une guerre
qui oppose des amis et des proches parents. Cette vaste composition poétique
est alors l’occasion d’un enseignement complexe sur les devoirs de caste, la bhakti (dévotion,
attachement) et les moyens d’obtenir la libération du cycle des renaissances
successives (samsāra).
Après une brève présentation de la BhG, son
cadre, son contenu et les idées qui s’y déploient, l’A. offre une présentation
magistrale de l’histoire de la recherche sur la BhG (p.
17-34). Le chapitre suivant est consacré aux liens qu’il est possible
d’établir, notamment sur les questions relatives à la guerre et à la paix,
entre l’Udyogaparvan (5e livre du Mahâbhârata) et la BhG, contenue dans le 6e livre (Bhismaparvan). L’A. consacre alors le coeur de son ouvrage (« The doctrines of the Bhagavadgītā
», p. 54-213) à un commentaire détaillé,
chant par chant, des enseignements de la BhG. L’attention de la spécialiste se porte davantage sur les idées
de la BhG que sur les problèmes textuels de cette compilation. Fort
heureusement pour le lecteur, l’A. rassemble dans une synthèse finale le fruit
de ses recherches sur les enseignements philosophiques et religieux de la BhG (p.
226-241). Un chapitre complémentaire s’intéresse au contexte historique et
culturel dans lequel la BhG
a pu être rédigée. L’A. avance prudemment
l’hypothèse d’une rédaction au début de l’ère commune, à l’époque du règne de
la dynastie des Kusana.
En plus d’une présentation remarquable, ce
livre comporte plusieurs centaines de notes savantes et une bibliographie de
près de 400 références. À n’en point douter, cet ouvrage dense, à destination
des spécialistes de la littérature indienne sacrée, fera date dans l’histoire
de la recherche sur le Mahâbhârata
et la Bhagavadgītā, une oeuvre que les hindous considèrent aujourd’hui encore
comme un livre saint.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE
PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°4, p. 612
Review : Thierry LEGRAND
Ce livre rassemble trois conférences sur la
méditation Vipassanā données en 1991 par l’A à l’Université de Rangoon (Birmanie).
Ces enseignements ont été donnés sur trois jours, ce qui explique la division
du livre en trois sections (premier, deuxième et troisième jour).
La mission et l’enseignement de l’A.,
disciple de Sayagyi U Ba Khin, consistent à répandre la doctrine et la sagesse
de Bouddha (dharma ou dhamma) sous la forme de Vipassanā, des exercices spirituels. Dans la langue ancienne de l’Inde,
le pāli, le terme Vipassanā
peut être traduit par « vision pénétrante ». Cette technique de méditation actuellement
très en vogue consiste à suivre un chemin de sagesse constitué de trois étapes.
Sīla, la pratique de l’éthique (« l’abstention de toute action négative du corps et de la parole »
p. 23 ; par exemple, s’abstenir de tuer, de voler,
de mentir et de se droguer), constitue un premier pas vers la tranquillité
d’esprit. La maîtrise de sīla
doit passer par la concentration de
l’esprit que l’on désigne par le terme samādhi, discipline qui cherche, entre autres, à dominer le rythme de
la respiration individuelle. La troisième étape ou paññā, plus
complexe, consiste en une discipline de sagesse qui vise à la purification de
l’esprit au niveau le plus profond. L’ensemble de cette démarche (conduite
éthique, concentration, sagesse) cherche l’équilibre et la paix de l’esprit qui
passe par l’apaisement des tensions présentes en chaque être humain.
S’adressant à un public mixte de moines et
de laïcs, les enseignements de l’A. sont accessibles à tous, pratiquants
bouddhistes ou non connaisseurs de la doctrine de Bouddha et des techniques de
méditation. Le style des conférences reste proche de l’oral, ce qui en fait un
ouvrage facile à lire et accessible à un public de non-initiés. Chaque journée
d’enseignement, et donc chaque conférence retranscrite, est suivie d’un échange
avec l’auditoire : les
questions concrètes posées par l’assistance (par exemple : « Si les
prières ne reçoivent pas de réponse, pourquoi est-ce que les bouddhistes prient ? », « Quelle
sont les contributions du Bouddha par rapport aux autres religions ? ») reçoivent des réponses directes et claires.
Ce livre, de lecture agréable, est équipé
d’un glossaire fort utile explicitant une soixantaine de termes difficiles. Une
liste des adresses des principaux centres de méditation Vipassanā est
donnée en fin d’ouvrage.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE
PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°4, p. 612-613
Review : Thierry LEGRAND
Poursuivant une entreprise éditoriale de
mise à disposition de manuels sur les religions actuelles, la série World Religion des éd.
Routlege offre ici un volume à destination d’un public large, fort utile pour
comprendre les fondements de l’islam et la diversité de ses formes et de ses
pratiques. Encadré par une introduction et un chapitre final sur le thème de la
« mondialisation », le corps de l’ouvrage est
divisé en trois parties :
histoire, aspects de l’islam, développements contemporains. Il s’agit d’un
manuel pour débutants, qui présente, à la fin de chaque chapitre, les points à
retenir (« Key points »), les questions sur le contenu
du chapitre et quelques références bibliographiques pour approfondir le sujet.
Cette démarche très scolaire peut faire sourire le lecteur averti, mais elle
conduira souvent le néophyte à revenir sur ses lectures pour vérifier ou
approfondir une question particulière.
La première section (p. 13-52) s’intéresse
au cadre culturel et religieux dans lequel l’islam a trouvé naissance ; l’A. expose ensuite l’histoire de Mahomet au VIIe siècle et le
développement de l’islam jusqu’au XVIIIe siècle. Quelques cartes et encadrés
viennent éclairer un exposé assez dense. Une deuxième section plus développée
(p. 55-192) aborde les thèmes classiques d’un enseignement sur l’islam : le Coran, le prophète Mahomet, les pratiques religieuses, la
loi islamique, les thèmes théologiques et la philosophie musulmane, la sagesse
et le soufisme. Les différentes branches de l’islam (kharidjisme, chiisme,
sunnisme, etc.) font l’objet d’un sous-chapitre qui aurait mérité quelques
développements supplémentaires. Le chapitre suivant, moins habituel dans ce
type d’ouvrage, présente trois figures importantes de l’islam : Ibn Sina (980-1037), Al-Ghazali (1058-1111) et Ibn Taymiyya
(1263-1328). Cette deuxième section s’achève par une brève incursion (p.
178-192) dans le domaine des arts, de l’architecture (origine et développement
des mosquées), de la littérature et de la musique. La troisième partie de ce
manuel offre une ouverture sur le monde musulman actuel, les défis auxquels il
est confronté et ses développements dans diverses régions du monde, notamment
en Turquie, en Égypte, en Iran et en Indonésie. L’A. n’évite pas les questions
actuelles (islamisme, développements nationalistes, mouvements
révolutionnaires, etc.). L’ouvrage ayant été publié en 2009, la présente
édition n’a pu tenir compte des événements politiques majeurs qui ont marqué
l’histoire récente des pays arabes.
Comme tout bon manuel, l’ouvrage est équipé
d’une série d’appendices utiles : un
glossaire d’environ 300 noms ou termes, une chronologie, un exposé sur le
calendrier musulman, une liste des 13 épouses de Muhammad, deux listes de
références bibliographiques pour prolonger l’étude. Enfin, un index général des
noms et des thèmes vient compléter cette introduction que nous recommandons à
tous ceux qui cherchent à s’informer davantage sur l’islam. Ajoutons que la
lecture de ce livre pourra être complétée par celle d’un autre manuel
indispensable, The Blackwell Companion to the
Qurān (Oxford, 2008).
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE
PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°4, p. 613-614
VIENT DE PARAITRE
L’actualité du thème du monothéisme, dans
les médias et les débats politiques, a suscité un regain d’intérêt pour des
questions anciennes et récurrentes : le
rapport entre violence et religion(s), la possibilité d’une tolérance
religieuse et d’un dialogue interreligieux, l’impact des trois religions
monothéistes – judaïsme, christianisme, islam – sur l’histoire et la politique,
la question du blasphème et de l’image, etc. L’Équipe de Recherche en Exégèse
Biblique (EREB) de l’Université de Strasbourg a jugé utile de contribuer au
débat actuel en analysant en premier lieu les textes de la Bible, les écrits de
la littérature juive et chrétienne non inclus dans le canon biblique et, enfin,
la littérature du monde gréco-romain. Cette enquête, menée dans différents
milieux culturels, religieux et intellectuels a permis d’aborder à frais
nouveaux des aspects et des questions souvent négligés dans le débat : comment parler du « Dieu
unique » dans un environnement polythéiste ?
Comment vivre dans une société mixte qui connaît une pluralité de cultes, de
coutumes et de manières de vivre ? La
polémique s’impose-t-elle dans le dialogue entre les adeptes du monothéisme et
leurs interlocuteurs qualifiés de « païens
» ? Enfin, quelle a été la réaction du monde
gréco-romain face à l’émergence du christianisme et à son exclusivisme
religieux ?
Au fil des 24 contributions qui composent
cet ouvrage, il apparaît que les débats menés dans l’Antiquité révèlent toute
leur pertinence et apportent un éclairage significatif sur les discussions
contemporaines. De la même manière, l’analyse des écrits anciens et de leurs
interprétations ouvre de nouvelles perspectives quant à la compréhension de
l’émergence des monothéismes et à leur évolution jusqu’à l’époque actuelle.
Liste
des contributeurs : E.
Bons, F. Chapot, Cl. Coulot, É. Cuvillier, M. Deneken, B. Ego, E. Eynikel,
D. Fricker, D. Gerber, J. Goeken, D. Hamidović, J. Joosten, F. Laurent,
Th. Legrand, Y. Lehmann, C. Merckel, Th. Osborne, F. Rognon, R. Roukema, N.
Siffer, E. W. Stegemann, Cl. Tassin, J.
Zumstein.
Th. Legrand et E.
Bons
© REVUE D’HISTOIRE ET DE
PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2011, Tome 91 n°4, p. 622-623
Review : Thierry LEGRAND
Après
un premier volume sur la figure d’Abraham dans les trois religions monothéistes
(Abraham in Judentum, Christentum und Islam, Vandenhoeck & Ruprecht,
2009), les mêmes A. s’attachent à présenter Moïse, l’un des personnages les
plus importants de la tradition biblique et coranique. On notera par exemple
que Moïse (Mūsā) est le personnage prophétique le plus cité
dans le Coran après Muhammad.
Comme
son titre l’indique, l’ouvrage offre trois sections équilibrées traitant de la
figure de Moïse dans le judaïsme, le christianisme et l’islam. Chacune des
sections présente la même structure :
1. Introduction et questions en débat ;
2. Étude des sources (références scripturaires, autres
traditions sur Moïse) incluant pour le judaïsme et l’islam de larges extraits
de textes ;
3. Mise en perspective, questions diverses.
Pour
chacune des sections, l’ouvrage comprend une sélection bibliographique de
quelques dizaines de références qui distingue, pour le judaïsme et l’islam, les
sources de la littérature secondaire.
La
section présentant la figure de Moïse dans les sources juives est traitée de
façon exemplaire. Elle aborde en effet, de manière assez détaillée
(p. 12-60), la présentation de Moïse dans les traditions bibliques, la
littérature intertestamentaire et apocryphe, les écrits de Philon d’Alexandrie
et la littérature rabbinique ; plusieurs extraits de ces sources sont
proposés en traduction. Le dossier concernant la figure de Moïse dans le
christianisme accorde une large place à l’étude des références
néotestamentaires, mais néglige quelque peu la tradition chrétienne et l’interprétation
de la figure de Moïse dans la littérature patristique (p. 100-105). De la
même façon, on regrettera que la section présentant Moïse dans l’islam soit
presque uniquement consacrée à une étude de passages significatifs du Coran (en
particulier les sourates 7, 10, 19, 20, 28 et 40, qui sont largement
commentées), tandis que les traditions de la sunna et les commentaires des
théologiens musulmans ont été assez peu pris en compte. On ajoutera que
l’ouvrage aurait gagné en intérêt si les A. avaient porté leur regard sur le
domaine des arts (sculpture, architecture, peinture et enluminure), riche en
représentations figurées de Moïse.
Quoi
qu’il en soit, dans un contexte occidental préoccupé par les questions
interreligieuses, ce livre sera utile à tous ceux qui recherchent un exposé
clair et stimulant sur la perception de la figure de Moïse dans les traditions
judéo-chrétiennes et coraniques. Pour autant, il ne faudrait pas croire que les
A. se sont engagés sur la voie d’une lecture globalisante et lénifiante. Au
contraire, ils s’attachent à montrer les différentes perceptions de ce
personnage dans les trois traditions monothéistes et à l’intérieur même de
chacune d’elles.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE
PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2012, Tome 92 n°2, p. 295
Review : Thierry LEGRAND
Après
une introduction trop succincte du sujet par Y. Le Bohec, spécialiste
d’histoire romaine, cet ouvrage juxtapose une présentation des trois
monothéismes (judaïsme, christianisme, islam) au Moyen Âge. Mais il ne s’agit
pas, comme l’indique la 4e de couverture, d’un « vrai catéchisme
multiconfessionnel ». De fait, mises à part quelques réflexions transversales
énoncées dans le dossier sur le judaïsme, les trois contributeurs sont restés
cantonnés à leur domaine d’étude. Une synthèse finale portant sur la
cohabitation des trois grandes communautés religieuses aurait été la bienvenue,
d’autant que le sous-titre, « De Mahomet à Thomas d’Aquin », laissait supposer
qu’il se trouverait quelques éléments de réflexion sur ce sujet.
La
structure de chacun des exposés est similaire :
1. Introduction ;
2. Conception de Dieu ;
3. Écrits de références ;
4. Culte (acteurs, lieux, rites et pratiques) ;
5. Histoire.
On
relèvera que la section « historique » est traitée beaucoup trop brièvement
dans la contribution sur l’islam (D. Sourdel), tandis qu’elle est très
développée pour le christianisme (M. Sot). Rédigée par B. Leroy, spécialiste du
monde juif de la Méditerranée, la partie consacrée au judaïsme offre un
parcours rapide mais très éclairant sur ce qu’il est indispensable de connaître
du judaïsme au Moyen Âge. On signalera en particulier la brève synthèse sur le
judaïsme et l’antijudaïsme médiévaux (p. 31-45).
L’ouvrage,
bien structuré, est destiné à un public cultivé ; les étudiants et les
spécialistes n’y trouveront quant à eux pas leur compte. On regrette par
exemple l’absence quasi totale de notes et de références bibliographiques
(excepté quelques indications pour le judaïsme). Nombreuses sont les
affirmations qui mériteraient d’être nuancées ou appuyées par des références à
des œuvres ou des textes sources de l’époque concernée. Par ailleurs, et d’une
manière générale, les trois exposés ne mettent pas suffisamment en évidence ce
qu’il y a de particulier dans telle ou telle religion monothéiste dans le cadre
chronologique étudié.
Cet
état de choses n’enlève rien à l’intérêt de ce petit livre qui offre un
parcours utile pour ceux qui cherchent à s’informer rapidement sur les
institutions, les écrits, et l’histoire des religions monothéistes à l’époque
médiévale.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE
PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2012, Tome 92 n°2, p. 296
Review : Thierry LEGRAND
Dans
cet ouvrage, d’une belle tenue littéraire, l’A. s’est donné pour tâche de
réfléchir à la notion de lecture en partant de sa propre démarche
interprétative ainsi que de ses travaux sur le Midrash, et en analysant les
approches herméneutiques d’une série d’auteurs juifs du Moyen Âge et de
l’époque moderne. Encadré par un avant-propos et une conclusion, l’ouvrage
rassemble 25 études assez indépendantes les unes des autres, regroupées dans
trois sections.
La
première section, intitulée « Le midrash : une sagesse blanchie par le
temps », présente une série d’études qui évoquent de manières diverses les
présupposés de la lecture juive et le rôle essentiel de la halakhah, un genre
littéraire prescriptif « qui assure la communication et l’unité entre tous les
autres » (p. 52). Citant de nombreux exemples tirés des midrashim et du Talmud,
l’A. montre notamment comment l’acte de lecture, toujours producteur de sens,
ne s’attache pas seulement aux éléments isolés du texte, mais tient compte de
l’ensemble du discours biblique et des autres écrits rabbiniques.
Ce
faisant, il reprend quelques-uns des concepts qu’il affectionne (par exemple,
l’idée de « sollicitation » du texte) pour préciser la définition et les
orientations du midrash rabbinique, un écrit qui vise principalement
l’intelligibilité du texte et la novation de sens (p. 65) par la
confrontation et le dialogue des sages. Deux études présentent alors la méthode
de Rachi (1040-1105) – maître incontesté de l’exégèse biblique et talmudique –,
qui offre un bel exemple d’une approche littérale utilisant à merveille un
large éventail de sources anciennes ainsi que les exégèses de ces
prédécesseurs. On lira ici avec intérêt l’étude portant sur l’utilisation des
accents (te‛amim) du texte hébraïque dans l’exégèse de Rachi. La
section est conclue par une présentation didactique de la production littéraire
des exégètes et philosophes juifs du monde séfarade.
Dans
la deuxième section de son livre, « Le midrach au présent », l’A., poursuivant
sa réflexion sur l’acte de lecture, rassemble plusieurs études qui présentent
la pensée, la méthode et l’oeuvre littéraire de quelques grands érudits juifs
des XXe et XXIe siècles : André Néher, Abraham Yéhoshoua Heschel, Léon
Askénazi, George Steiner, Jonah Fraenkel et Néhama Leibovitz. Il prolonge ce
parcours par une réflexion critique portant sur les idées développées par
l’égyptologue Jan Assmann. Comparant les notions de « mythe » et de « midrach »
dans une dernière étude, l’A. évoque la Théogonie d’Hésiode en lien avec
le récit biblique de la création, et les correspondances mythologiques du livre
de Jonas en rapport avec le récit mythique d’Héraclès et d’Hésione.
La
dernière partie, « Exégèse et métaphysique », est consacrée à une « mise à
l’épreuve » de la méthodologie exégétique présentée dans les sections
précédentes. De fait, l’A. s’attarde sur quelques grands textes et thèmes
bibliques (création, déluge, Babel, sortie d’Égypte) pour en donner sa propre
interprétation. On signalera ici deux études un peu inattendues, mais qui ne
manquent pas d’intérêt : « Le rêve entre midrach et psychanalyse » ; «
Bible et écologie ».
Quelques
pages de conclusion offrent une synthèse critique des recherches d’Henri
Meschonnic dans le domaine de l’analyse et de la traduction du texte
massorétique conçu comme « discours ». Nous recommandons vivement cet ouvrage à
tous ceux qui, passionnés par l’Écriture, s’intéressent à sa lecture en
contexte juif.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE
PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2012, Tome 92 n°2, p. 323-324
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et le choc de la Shoah, les grandes Églises chrétiennes ont entrepris de repenser leur relation avec le judaïsme. Le monde chrétien découvre aujourd’hui les richesses des « racines qui le portent ». Ce livre constitue une première approche du judaïsme, de son histoire, de sa culture, de sa foi, de sa vie spiritualité et des questions que pose le dialogue des deux traditions de foi juive et chrétienne réunies dans l’unique alliance de Dieu. Cet ouvrage prépare à la rencontre avec les communautés juives et de leurs membres, à la découverte de leurs traditions et de leur foi ; il est un appel, comme le rappelle le Père Jean Dujardin, à « ne plus voir le juif comme un autre soi-même, mais le comprendre comme il se comprend lui-même. »
Les auteurs inscrivent leur démarche dans la Communion des Églises protestantes en Europe qui rappelle l’importance des relations avec le judaïsme et l’urgence d’un dialogue des Églises avec les juifs. Ce livre pose enfin les questions essentielles pour entrer en dialogue concret avec les juifs : il dit l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur le judaïsme ; il permet un accès aux racines de la foi chrétienne ; il est porté par la réflexion théologique des Églises protestantes d’Europe. En plus des 17 chapitres qui le compose, on trouvera un lexique de 130 termes et une bibliographique très détaillée des ouvrages et articles essentiels en langue française. De prix modique, et de lecture facile, ce livre offre un instrument très utile pour le dialogue interreligieux et la réflexion paroissiale.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE
RELIGIEUSES 2013, Tome 92 n° 3, pages 548-549
Review : Thierry LEGRAND
Bien que d’une certaine ampleur, le patrimoine littéraire et artistique syriaque est encore trop souvent négligé dans les recherches bibliques, patristiques et iconographiques. Ce dictionnaire, rédigé par 76 collaborateurs, vient apporter une contribution substantielle pour l’étude de ces domaines respectifs. L’entreprise a connu de nombreuses vicissitudes comme le souligne G. A. Kiraz dans son introduction, et c’est finalement la ténacité d’une poignée de chercheurs passionnés qui a permis l’édition d’un outil utile aux étudiants et aux chercheurs du domaine des études syriaques.
Ce dictionnaire encyclopédique comporte 622 notices consacrées au christianisme syriaque et aux recherches menées dans ce domaine. En ce sens, ce volume de grand format couvre une période allant des premiers siècles de notre ère (le développement des Églises syriaques, les "pères" syriaques, etc.) jusqu’à notre époque (éditions critiques, numérisation des textes, concordances électroniques, etc.). Les Éd. ont porté leur attention sur les grandes figures de la culture syriaque et leurs oeuvres, mais ils n’ont pas négligé de présenter la diversité des christianismes syriaques et les contacts qui se sont établis au fil des siècles avec le judaïsme et l’islam, ainsi qu’avec les différentes branches du christianisme (copte, arménien, géorgien, éthiopien).
La plupart des notices de ce dictionnaire sont de taille moyenne, mais quelques-unes, plus thématiques, s’étendent sur plusieurs colonnes. En voici un relevé, par ordre alphabétique: "Aramaic" ; "Armenian Christianity" ; "Art and architecture" ; "Bible – OT – NT" ; "China, Syriac Christianity in" ; "Coptic Christianity" ; "Diaspora" ; "Diatessaron" ; "Ecumenical dialogue" ; "Edessa" ; "Ephrem" ; "Harqlean version" ; "Historiography, Syriac" ; "Inscription" ; "Islam, Syriac Interactions with" ; "Judaism, Syriac contacts with" ; "Liturgy" ; "Malankara Syriac Orthodox Church" ; "Maronite Church" ; "Masora" ; "Musa al-Habashi, Dayr Mar" ; "Old Syriac Version, Vetus Syra" ; "Peshitta" ; "Polycarpos" ; "Thomas Christians". Certaines notices sont un peu chétives, comme celles sur Mani, Bardesane d’Édesse, l’araméen christo-palestinien, la Syrohexaplaire, Les Actes de Thomas, les Odes de Salomon ou les femmes dans la tradition syriaque.
Les Éd. ont visiblement privilégié les auteurs et les personnalités du monde syriaque, y compris les spécialistes contemporains (Sachau, Nöldecke, Payne Smyth, Costaz, etc.). Chaque notice est accompagnée de quelques références bibliographiques fort utiles, notamment pour les auteurs anciens dont il est difficile de retrouver la trace, même dans les ouvrages spécialisés. La qualité de l’ouvrage est remarquable, tant du point de vue du fond que de la forme. On relèvera par exemple la présence d’une série de grandes cartes et d’illustrations en couleur placées en fin d’ouvrage (p. 451-480). Une centaine d’autres illustrations en noir et blanc viennent enrichir les notices. Une liste des Patriarches des Églises syriaques est donnée en fin de livre (p. 451-491), et un index général très fourni, des noms et des thèmes, permet de cheminer facilement à travers l’ouvrage.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE
RELIGIEUSES 2013, Tome 93 n° 3, p. 654-655
Review : Thierry LEGRAND
Si les librairies actuelles comptent souvent un rayon "ésotérisme" bien fourni, la publication d’un ouvrage de réflexion sur l’ésotérisme, ses courants, ses développements et ses apôtres est beaucoup plus rare et, par conséquent, fort appréciable. Les Éd. ont souhaité rendre hommage à l’un des spécialistes en la matière, J.-P. Laurant, chargé de cours à l’École Pratique des Hautes Études (1975-2000), spécialiste de l’histoire de l’ésotérisme aux XIXe et XXe siècles et grand connaisseur de la pensée et des oeuvres de René Guénon (1886-1951). On trouvera en fin d’ouvrage le relevé précis des publications du récipiendaire, de 1967 à 2006. L’avant-propos d’É. Poulat évoque la vie et l’oeuvre de Laurant, les "déplacements" de ses recherches (de l’oeuvre de René Guénon à l’ésotérisme en général, puis une orientation marquée sur le terrain de l’ésotérisme chrétien). L’ouvrage comprend cinq sections qui reprennent les principaux axes de recherche du récipiendaire: 1. Histoire et sociologie de l’ésotérisme ; 2. Ésotérisme chrétien ; 3. Franc-maçonnerie et occultisme ; 4. "Politica hermetica" ; 5. Ésotérisme, art et littérature. Le genre des "Mélanges" ne permet pas toujours de trouver une organisation parfaitement cohérente de la matière. De fait, les 29 contributions rassemblées dans ce livre sont d’une grande diversité et d’une grande richesse, mais l’on a parfois quelques difficultés à saisir l’unité de l’ensemble ou même celle d’une section. Par exemple, la brève contribution de J.-J. Glassner, spécialiste de la Mésopotamie ancienne ("La divination et ses secrets en Mésopotamie"), fournit une traduction d’une tablette divinatoire, mais sans introduction et sans le moindre commentaire en rapport avec l’ouvrage ; le contenu de cette tablette est fort intéressant, mais l’on aurait souhaité quelques références précises et quelques rapprochements explicites avec le thème de l’ésotérisme. Plusieurs articles suscitent la curiosité, puis l’intérêt. Ainsi, l’article "Les apocryphes modernes" de J.-F. Mayer relève le succès et l’intérêt des apocryphes rédigés et publiés aux XIXe et XXe siècles (par exemple La vie inconnue de Jésus-Christ ; L’Évangile du Verseau ou L’Évangile des douze) et la crédibilité qu’ils finissent par obtenir dans certains cercles ; il montre comment ces écrits en arrivent à mener une vie propre, indépendante du projet que leurs auteurs avaient imaginé lors de leur publication. Tout aussi passionnante est l’analyse de M. Introvigne sur "L’interprétation des société secrètes chinoises", qui montre les interactions entre le politique, l’ésotérisme et la criminalité en Chine, dès le XVIIIe siècle (voir ici l’organisation Tiandihui, considérée comme une franc-maçonnerie chinoise). Dans le domaine de l’art, la contribution de R. Ladous sur "Le symbolisme de la croix et de la crucifixion dans l’art contemporain" ne manque pas de pertinence lorsqu’il évoque, notamment, la croix ou la crucifixion comme symboles qui permettent "de profaner le sacré, de sacraliser le profane, ou de dire à la fois le profane et le sacré" (p. 426). Plusieurs autres contributions portent sur l’oeuvre ou les champs de recherche de R. Guénon. D’un point de vue formel, on relève que les notes scientifiques de bas de page sont peu abondantes, mais il s’agit là, sans doute, d’un choix éditorial ; la plupart des articles sont suivis d’une bibliographie conséquente, ce qui permet de prolonger l’étude d’un sujet. Si, à première lecture, le contenu de cet ouvrage peut paraître un peu déconcertant pour les théologiens, il permet cependant de jeter quelques lumières sur un domaine encore peu étudié dans le champ des sciences religieuses, mais qui fascine nombre de nos contemporains.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2013, Tome 93 n° 3, p. 686-687
Review : Thierry LEGRAND
Publié sous la direction d’un spécialiste du taoïsme chinois, cet ouvrage rassemble 16 contributions de 12 spécialistes de la culture et de la religion chinoise. L’Éd. contribue largement à ce volume, en proposant notamment une introduction qui résume fort utilement la philosophie de l’ouvrage et l’ensemble des contributions. Le livre suit une organisation chronologique en deux sections équilibrées: La Chine antique (1570 av. J.-C. – 220 ap. J.-C.) et La période de division (221-589).
Dans la première section de l’ouvrage, les différentes contributions portent essentiellement sur l’émergence de la religion en Chine et évoquent notamment l’importance des pratiques divinatoires et leur rôle dans la société chinoise, les notions de Tao et de Wu (en lien avec le chamanisme), ainsi que les pratiques funéraires. En ce sens, elle fournit un dossier très complet fondé sur les recherches archéologiques récentes (voir les illustrations, en encart, p. 48 et 352) et l’étude des sources anciennes. On signalera par exemple les contributions de M. Kalinowski, "La divination sous les Zhou orientaux (770-256 avant notre ère)" ; M. Bujard, "Cultes d’État et cultes locaux dans la religion des Han" ; M Pirazzoli-t’Serstevens, "Autour de la mort et des morts: pratiques et images à l’époque des Qin et des Han". Une bibliographie conséquente est fournie à la fin de chaque article.
La seconde section ("La période de division") se concentre sur la "conquête" de la Chine par le bouddhisme et l’évolution des cultes et pratiques dans cet empire, aux premiers siècles de notre ère. Signalons l’article de S. Hureau ("Production et dissémination de textes bouddhiques: traductions et apocryphes") qui fait le point sur la pénétration des écrits bouddhiques en Chine et les processus de canonisation progressivement mis en place pour réguler la traduction (critères d’authenticité) et l’usage de ces oeuvres ; c’est ainsi que les ouvrages relatifs au bouddhisme, non traduits d’un texte originaire d’Inde ou d’Asie centrale, mais directement écrits en chinois, ont rapidement fait l’objet de suspicions. Cela n’a pas empêché la circulation de ces écrits, puisqu’un certain nombre d’entre eux ont pu être retrouvés dans des monastères chinois ou encore au Japon. Le chapitre « Littérature taoïste et formation du Canon » (p. 459-492) rédigé par J. Lagerwey vient compléter, pour le domaine du taoïsme, le dossier textuel impressionnant des corpus d’écrits sacrés en Chine.
Ce livre est une somme d’érudition et de connaissances qui se lit malgré tout assez facilement. Il comporte un index général très développé qui répond bien à la demande du lecteur intéressé par une approche transversale ou thématique. Le glossaire indiquant la transcription des termes chinois (p. 685-694) est à destination des spécialistes, mais il aurait mérité quelques lignes explicatives pour les non-spécialistes !
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2013, Tome 93 n° 3, p. 687-688
Review : Thierry LEGRAND
Écrit par des spécialistes des religions asiatiques, cet ouvrage renferme une somme impressionnante de données sur l’histoire du bouddhisme dans le monde, ses écrits fondateurs, ses fondements éthiques, ses pratiques et ses productions artistiques. Après une introduction dans laquelle les A. font le point sur les recherches menées dans les siècles précédents et les dernières décennies, la matière est organisée de manière cohérente et exhaustive, en douze chapitres: 1. Aperçu historique (vie de Bouddha et développements du bouddhisme dans la zone asiatique) ; 2. Langues et textes (littérature et canon bouddhistes) ; 3. Doctrines principales, histoire des idées (cosmologie, philosophie mahāyānah, etc.) ; 4. Éthique et morale (enracinements et défis) ; 5. Pratiques religieuses (méditation, ascèse et rituels) ; 6. Acteurs du bouddhisme (moines, nonnes, laïcs, etc.) ; 7. Écoles, ordres et sectes ; 8. Bouddhisme, politique et économie ; 9. Art et architecture (stupas, monastère, calligraphie, sculpture) ; 10. Bouddhisme, modernisation et mondialisation ; 11. Mission bouddhiste et interaction avec d’autres religions ; 12. Erreurs et préjugés populaires concernant le bouddhisme.
Soulignons que l’originalité de ce livre tient au fait qu’il prend en compte les différentes formes du bouddhisme. Alors que de nombreuses introductions se contentent d’évoquer les différentes branches du bouddhisme, les A. ont choisi de mettre en évidence son extraordinaire diversité dans les différentes régions du monde. L’introduction historique donne ainsi la direction de l’ouvrage en précisant pays par pays (Inde, Sri Lanka, Laos, Vietnam, Tibet, Chine, Corée, Japon, etc.) les développements du bouddhisme et ses particularités régionales. Les autres chapitres suivent une organisation similaire lorsque cela s’avère pertinent (voir "Kunst und Architektur", p. 385-416). Dans le cadre des relations interreligieuses, on lira avec intérêt le chap. 12 ("Buddhistische Mission und die Interaktion mit anderen Religionen", p. 435-460) qui offre un parcours utile, quoique rapide, des contacts et des échanges menés au fil de l’histoire entre le bouddhisme et les autres religions (brahmanisme et hindouisme, jaïnisme, confucianisme, taoïsme, christianisme et islam). La réflexion sur les aspects missionnaires du bouddhisme (persécutions, violences, etc.) a toute sa pertinence dans le contexte actuel. L’ouvrage est dépourvu de notes, mais il est accompagné d’environ 800 références bibliographiques distribuées par chapitre. En outre, pour les textes sources, une série de références bibliographiques est fournie pour le bouddhisme indien, chinois, japonais et tibétain. Un index très complet (environ 900 entrées) des noms, des notions et des thèmes vient compléter ce volume. Il est à souhaiter qu’un tel ouvrage, remarquable par sa présentation et son contenu scientifique, soit prochainement traduit en français.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2013, Tome 93 n° 3, p. 688-689
Review : Thierry LEGRAND
Grand connaisseur du bouddhisme et des religions indiennes, mais aussi du judaïsme, l’A. nous offre ici une excellente présentation d’un joyau de la littérature bouddhique ancienne: le Vessantara-jātaka (= VJ). L’ouvrage, de style soutenu, comporte deux grandes sections: une introduction au VJ, incluant une présentation remarquable du recueil des jātaka, suivie de la première traduction française commentée de cet écrit. Les notes y sont riches et abondantes, mais on regrettera le manque d’informations concernant le texte source traduit par l’A. Une bibliographie de 110 références vient compléter l’ouvrage qui ne comporte malheureusement aucun index des noms propres ou des thèmes.
Le VJ constitue la dernière section d’un recueil de 547 textes (les jātaka: narrations des vies antérieures de Bouddha), rédigés entre le IIIe siècle avant notre ère et le IIIe siècle après, qui appartient au canon pali. Connu comme le plus long et le plus riche des jātaka, cet écrit a remporté un succès considérable en Inde et en Asie du Sud-Est. Le VJ est un conte, une histoire extraordinaire pleine de vie et de poésie qui expose les aventures de Vessantara, un vice-roi à la générosité hors norme, frappé de disgrâce et contraint à s’exiler dans la forêt avec sa femme (la princesse Maddi) et ses enfants. Dans ce lieu propice aux rencontres les plus inattendues, ils vivront comme des ascètes. Après de multiples péripéties, Vessantara ayant fait don de ses enfants et de son épouse à un brahmane, le roi des dieux (Sakka), constatant les mérites de Vessantara, lui accorde une série de faveurs qui lui permettront de retrouver ses proches et sa situation de roi. Le récit s’achève dans une ambiance de liesse: les prisonniers de la ville sont libérés, la fête bat son plein, et une pluie de pierres précieuses vient se répandre sur le domaine royal. Vessantara pourra donc poursuivre sa mission de généreux donateur comme l’indique la dernière ligne de cette épopée: "Puis, après avoir effectué des dons, le roi Vessantara, un ksatriya, mourut pour ensuite renaître, sage, au ciel" (p. 223). Comme l’A. le relève dans son introduction, le VJ ne se contente pas de nous présenter la biographie du héros, mais il vise aussi à faire réfléchir le lecteur et la société à laquelle il appartient. Le thème du don y occupe une place centrale, et, comme le sacrifice, il est, dans la société indienne, constitutif du lien social parce qu’il implique la réciprocité. L’épopée offre également une critique de la vie politique (l’État) et sociale (la famille). Au fil de son introduction, l’A. fait quelques rapprochements entre l’aventure de Vessantara et les personnages bibliques d’Abraham et de Job, mais cette épopée bouddhique est aussi intéressante à étudier dans le cadre d’une réflexion théologique sur la liberté et le don de soi (voir le chap. "La résolution, moteur unique de l’épopée bouddhique"). Dans le sous-chapitre intitulé "L’actualisation du sens", l’A. présente les diverses formes de réception du VJ. Recopié et transmis dans des versions différentes, cet écrit eut un succès considérable dans le monde asiatique et reste important en Thaïlande ou au Laos où le poème est lu ou chanté pour encourager les fidèles aux dons. L’épopée connaît aussi plusieurs versions iconographiques et de nombreuses adaptations théâtrales. Ce volume fort utile pour les spécialistes de l’Inde et les passionnés de littérature bouddhique ancienne fait honneur à la collection "Patrimoines. Bouddhisme" des Éditions du Cerf.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2013, Tome 93 n° 3, p. 689-690
Review : Thierry LEGRAND
Cet ouvrage est une première dans l’histoire des relations entre le judaïsme et le christianisme. L’A. est le fondateur du Centre for Jewish- Christian Relations (Cambridge) ; il a codirigé l’édition d’un volume remarquable: A Dictionary of Jewish-Christian Relations, Cambridge, 2005. Le présent ouvrage cherche à rassembler les éléments essentiels de l’histoire des relations entre le judaïsme et le christianisme, depuis les premiers siècles de notre ère jusqu’à nos jours ; il offre, en quelque sorte, une synthèse des éléments développés dans le dictionnaire mentionné ci-dessus. L’A. explore les aspects importants de l’histoire riche et complexe d’une confrontation, d’une rencontre et d’un dialogue entre deux grandes religions monothéistes. Il analyse tour à tour les écrits importants du christianisme et du judaïsme et les différentes phases de l’histoire de l’interprétation de ces textes. Il parcourt à grands traits les périodes clés de cette histoire: le développement du christianisme, le Moyen Âge, la montée de l’antisémitisme en Europe, l’Holocauste, le sionisme et la création de l’État d’Israël, jusqu’à la période actuelle marquée par un dialogue interreligieux intense et renouvelé. On aurait certes souhaité une analyse plus approfondie des écrits du NT, des Pères de l’Église et de la littérature rabbinique, mais il ne s’agit là que d’une "introduction" qui vise à l’essentiel et s’adresse à un large public. En ce sens, l’introduction de l’ouvrage (p. 1-24) offre une synthèse remarquable de ce qu’il faut retenir de l’histoire des relations entre le christianisme et le judaïsme ; l’A. trouve même l’occasion d’y traiter brièvement de questions peu étudiées comme celles relatives à la liturgie et à l’art. Le livre est accompagné d’une bibliographie conséquente et d’une chronologie des événements marquants de l’histoire des relations entre judaïsme et christianisme, depuis la rédaction de la LXX jusqu’à 2009 (révision de la déclaration des "Dix points de Seelisberg"). Un glossaire d’une centaine de termes en facilite la lecture. L’ouvrage trouvera son public parmi les nombreuses personnes intéressées par le dialogue interreligieux, soucieuses de remonter à la source pour découvrir la complexité d’un dossier qui n’a pas fini de susciter l’intérêt.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2013, Tome 93 n° 3, p. 698-699
Review : Thierry LEGRAND
Spécialiste des langues bibliques ayant publié plusieurs grammaires et lexiques (cf. A Grammar of Egyptian Aramaic, Leiden, Brill, 1998), l’A. offre une étude systématique des éléments constitutifs d’une forme d’Araméen Moyen (Middle Aramaic), bien attestée à Qumrân (en particulier les grottes 1, 4 et 11) et dans quelques manuscrits de sites environnants (Nahal Hever, Nahal Seʼelim, Wadi Murabbaʼat et Massada). D’autres écrits comme le Document araméen de Lévi (Aramaic Levi Document = ALD), dont une partie est reconstruite à partir des manuscrits médiévaux de la Guénizah du Caire, ont été intégrés à cette grammaire.
La structure de l’ouvrage suit le plan classique : I. Phonologie ; II. Morphologie ; III. Morphosyntaxe ; IV. Syntaxe. Dans sa présentation descriptive, l’A. ne se contente pas de relever et d’analyser minutieusement les éléments grammaticaux propres aux manuscrits araméens de la mer Morte, il les confronte également aux écrits araméens d’autres époques (araméen ancien, biblique, tardif, etc.) et aux diverses formes dialectales de cette langue (p. XXV-XXVI). On aurait souhaité que l’A. évoque, au moins à grands traits, le type d’araméen et les particularités de chacun des grands manuscrits étudiés (par exemple 1Q20 par comparaison avec 11Q10).
L’ouvrage est si détaillé qu’il offre une analyse précise de nombreux passages des grands manuscrits araméens de Qumrân : l’Apocryphe de la Genèse (1Q20), le Targum de Job (11Q10) et les fragments araméens de Tobit, du Premier livre d’Hénoch et du Livre des Géants, ainsi que les fragments de 4Q Nouvelle Jérusalem. En ce sens, ce livre sera particulièrement utile aux éditeurs et aux traducteurs contemporains de ces manuscrits.
Une bibliographie de plus de 350 titres et une série d’indices (passages étudiés, auteurs cités, sujets, termes araméens, grecs et akkadiens) viennent compléter l’ensemble. On notera cependant que l’index des termes araméens est loin de rassembler toutes les occurrences des termes cités dans cette grammaire, ce qui est bien regrettable pour le spécialiste qui étudie un mot en particulier. Un lexique des termes techniques utilisés par l’A. facilite la lecture de cet ouvrage résolument technique. Mis à part quelques erreurs typographiques, déjà signalées dans une recension récente (cf. SBL, Review of Biblical Literature : http://www.bookreviews.org), cet ouvrage, par sa qualité scientifique indéniable et sa présentation impeccable, fait désormais partie des outils incontournables à destination des spécialistes des études araméennes et qumrâniennes.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2013, Tome 93 n° 3, p. 424-425
Review : Thierry LEGRAND
L’Éd. de ces deux volumes imposants offrant une approche moderne et globale de l’histoire, de la culture, de l’art et de la littérature égyptienne est un grand spécialiste d’Hérodote et de l’Égypte ancienne. L’ouvrage, d’une excellente tenue scientifique, a été réalisé par une équipe internationale de cinquante spécialistes : universitaires, archéologues et conservateurs de musée. La matière est structurée de manière assez classique : I. Le pays d’Égypte (aspects géographiques) ; II. L’histoire de l’Égypte (des origines à la période romaine) ; III. Le fonctionnement politique (Pharaon, l’administration, les temples), l’économie et l’armée ; IV. La société, la vie quotidienne et la religion ; V. Langues et littérature (de l’égyptien ancien à la littérature copte et grecque) ; VI. L’art (de l’architecture des temples et tombeaux pharaoniques aux fresques et mosaïques de la période gréco-romaine) ; VII. L’impact de la culture égyptienne à travers les âges : l’Antiquité, l’Égypte islamique, l’Europe et la muséographie contemporaine. L’ensemble est précédé d’une table chronologique introduite et commentée (p. XXXII-XLIII), fort utile pour se repérer dans plus de trois millénaires d’une histoire complexe. Les deux cartes de l’Égypte qui font suite à cette chronologie (p. XLIV-XLV) sont hélas ! beaucoup trop petites et difficilement exploitables : dans un ouvrage de cette qualité, on aurait pu espérer des éléments cartographiques plus fournis, pour chacun des chapitres. L’étudiant en histoire des religions trouvera les informations relatives à son domaine dans plusieurs chapitres dispersés dans l’ouvrage : « Priests and Temples : Pharaonic », p. 255-273 ; « Egyptian Temples and Priests : Graeco- Roman », p. 274-290 ; « Religion in Society : Pharaonic », p. 507-525 ; « Religion in Society : Graeco-Roman », p. 526-546 ; « Temple Architecture and Decorative Systems », p. 781-803 ; « Mortuary Architecture and Decorative Systems », p. 804-825. On consultera également les sections consacrées à la littérature et à l’art qui transmettent bon nombre d’informations intéressant le domaine religieux.
Avec près de 3 500 références bibliographiques et plus de 2 000 entrées d’index, cet ouvrage contient une mine d’informations accessible à un public assez large : étudiants en histoire de l’Antiquité ou de l’art, enseignants et public cultivé. Plus de 350 illustrations agrémentent ces deux volumes et rendent leur lecture agréable. En bref, ces deux superbes volumes édités dans un coffret ornementé font honneur à la collection encore récente des Blackwell Companions to the Ancient World.
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE
RELIGIEUSES 2013, Tome 93 n° 3, p. 431-432
Rubrique : « Vient de paraître », RHPR 2014
Le troisième
volume de La Bibliothèque de Qumrân (neuf vol. prévus) rassemble
les fragments de manuscrits du Deutéronome qui présentent des variantes
significatives par rapport au texte massorétique, et toutes les compositions
qui sont principalement en rapport avec le Deutéronome ou avec le Pentateuque
dans son ensemble. Il inclut les
manuscrits bibliques en hébreu ou en grec (par ex. 1QDeutéronomeb,
4Qpaléo-Deutéronomer, 4QSeptante du Deutéronome), lorsque le texte qu’ils transmettent
diffère de manière significative du texte massorétique sur lequel reposent les
traductions bibliques actuelles. On y trouve également des textes halakhiques,
le célèbre Rouleau du Temple, les manuscrits de type « Pentateuque
remanié », les fragments d’une lettre halakhique (4QMMT), les textes
calendaires et Mishmarot, ainsi que d’autres écrits apocryphes qui développent,
explicitent ou explorent des thèmes bibliques ou législatifs (table complète
ci-dessous).
Ce troisième
volume est pourvu d'une introduction générale explicitant le projet et
précisant le contenu du livre et son organisation. Chaque écrit qumrânien fait
également l’objet d’une courte introduction comprenant une description des
manuscrits : nombre et état des fragments, problèmes éventuels de
reconstitution, datation proposée, etc. L’introduction présente les enjeux du
texte et cherche à en fournir des clefs de compréhension. Une bibliographie
sélective accompagne chaque introduction. Des tableaux récapitulatifs donnent
les listes exhaustives des manuscrits bibliques et non bibliques en rapport
avec le Deutéronome ou le Pentateuque dans son ensemble.
Le corps
principal du volume offre l'édition de tous les fragments significatifs du
texte original ; des notes critiques accompagnent le texte hébreu, araméen
ou grec et les divergences entre cette nouvelle édition et les éditions
antérieures sont signalées dans les notes. La traduction française, placée en
vis-à-vis du texte hébreu, araméen ou grec, suit scrupuleusement le texte
original, tout en restant lisible et compréhensible. Elle est complétée par des
notes explicatives ; celles-ci précisent les difficultés de traduction, le
sens des textes, mais aussi leurs rapports aux autres écrits bibliques ou aux autres
manuscrits de Qumrân.
Un index des
sources anciennes, des textes bibliques, des manuscrits qumrâniens, des écrits
anciens et de la littérature rabbinique vient compléter cette édition des
textes. Un glossaire des termes techniques fournit une aide précieuse au
lecteur non-spécialiste. Enfin, trois listes classées des manuscrits édités
offrent la possibilité de retrouver n'importe quel nom ou numéro de manuscrit
dans cette publication.
Ce troisième volume est divisé en deux tomes (3a et
3b) pour des raisons matérielles. Le tome 3b (en préparation) comportera le
texte de la Règle de la communauté (1QS, 4QS, etc.), l’Écrit de Damas
(manuscrits de la Gueniza du Caire et fragments qumrâniens) et plusieurs autres
écrits fragmentaires.
Liste des manuscrits
édités en totalité ou en partie (dans l’ordre de la publication) :
1QDeutéronomea (1Q4) / 1QDeutéronomeb (1Q5) / 2QDeutéronomea (2Q10) / 4QDeutéronomea (4Q28) / 4QDeutéronomeb (4Q29) / 4QDeutéronomec (4Q30) / 4QDeutéronomeh (4Q35) / 4QDeutéronomek1 (4Q38) / 4QDeutéronomem (4Q40) / 4QDeutéronomeq (4Q44) / 4Qpaléo-Deutéronomer (4Q45) / 4Qpaléo-Deutéronomes (4Q46) / 4QSeptante du Deutéronome (4Q122) / 5QDeutéronome (5Q1) / Fragment du Deutéronome de type « samaritain » (XDeut?) / Extraits harmonisés du Deutéronome (4Q41) / Extraits du Deutéronome et de l'Exode (4Q37)
Extraits du Lévitique ou du Pentateuque (4Q367) / Morceaux choisis du Pentateuque (?) (4Q366) / Pentateuque remanié (?) B (4Q364) / Pentateuque remanié A (4Q158) / Pentateuque remanié C (4Q365 + 4Q365a)
Rouleau du Temple (11Q19 -11Q20 - 11Q21; 4Q524)
Interprétation des lois
de l'Alliance (4Q251) / Lois diverses (4Q159) / Ordonnances sacerdotales
(4Q513) / Lois du sabbat (4Q264a) / Commentaire du Livre de Moïse (4Q249)
À propos de quelques œuvres de la Loi (4QMMT / 4Q394 3–8; 4Q395 - 4Q396 -
4Q397 - 4Q398 - 4Q399; 4Q313
Document calendaire E?
(4Q337) / Document calendaire A sur
papyrus (4Q324b) / Fragment de
calendrier (6Q17) / Document
calendaire cryptique Aa (4Q324d) / Document calendaire D (4Q394 1–2) / Document calendaire C (4Q326) / Document calendaire-Mishmarot A (4Q320) / Document calendaire-Mishmarot B (4Q321) / Document calendaire-Mishmarot C (4Q321a) / Document calendaire-Mishmarot D (4Q325) / Mishmarot A (4Q322) / Mishmarot
B (4Q323) / Mishmarot C (4Q324) / Mishmarot D (4Q324a) / Mishmarot E (4Q324c) / Mishmarot F (4Q328) / Mishmarot G (4Q329) / Mishmarot H (4Q329a) / Mishmarot I (4Q330) / Calendrier des Signes célestes
(4Q319) / Calendrier lunisolaire cryptique A (4Q317)
Texte en rapport avec le Deutéronome (?) (6Q20)
Dires de Moïse (1Q22; 4QDM)
Apocryphe de Moïse (1Q29;
4Q375 - 4Q376; 4Q408)
Intercession de Moïse
(2Q21)
Apocryphe du Pentateuque
A (4Q368)
Éloge de Moïse (4Q377)
Liste des contributeurs :
Stéphanie ANTHONIOZ, Katell BERTHELOT,
Jean-Claude DUBS, Michaël LANGLOIS, Jean-Baptiste LATOUR, Thierry LEGRAND,
Jean-Sébastien REY, Stéphane SAULNIER, Ursula SCHATTNER-RIESER.
Theirry Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE
RELIGIEUSES 2013, Tome 94 n° 1, p. 124-125
Rubrique : « Vient de paraître »
Rédigé pour servir d’instrument de travail simple et utile aux étudiants et aux enseignants, muni d’une bibliographie et de deux indices, cet ouvrage aurait pu aussi bien s’intituler Manuel d’Histoire des religions, dans la mesure où son organisation et ses multiples définitions, exemples et références, sont destinés à venir en aide à toutes celles et à tous ceux qui s’essaient à parler des religions de manière un tant soit peu rigoureuse. Les A. n’y exposent pas une nouvelle théorie sur les religions, le sacré ou l’homo religiosus, mais passent en revue et mettent en perspective les différents modèles conceptuels qui ouvrent à l’intelligence des religions. L’ouvrage n’est pas davantage un traité systématique présentant tour à tour chacun des grands systèmes religieux de l’histoire humaine, non plus qu’il ne constitue un exposé strictement disciplinaire, puisqu’il emprunte résolument idées, modèles et outillage sémantique à d’autres champs comme l’anthropologie, la sociologie et l’histoire.
Il présente bien plutôt, de la manière la plus cohérente possible, un itinéraire fléché à travers une dense forêt de mots, présentés de façon dynamique et intégrés dans le courant d’une pensée réflexive sur l’Histoire des religions. Les A. se sont donné pour objectif d’introduire à l’Histoire des religions en faisant découvrir aux lecteurs, de manière systématique, ce dont parle cette discipline, les termes qu’elle emploie (religion, mythe, rite, sacré, eschatologie, mission, etc.), la compréhension qu’elle vise à transmettre, les questions qu’elle a qualité pour soulever. L’ouvrage comprend huit sections principales introduites par un « avant-propos » et précédées d’une « entrée en matière » qui présentent la méthode suivie par les A. et les enjeux de la recherche en Histoire des religions.
Les titres des sections sont les suivants : 1. La religion et les religions ; 2. Le mythe ; 3. Le rite ; 4. Le sacré ; 5. Dedans, dehors : des personnes à l’égard de la religion ; 6. Des rôles en religion et du personnel religieux ; 7. Communication avec le divin ; 8. Et après ?
Th. Legrand
© REVUE D’HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE
RELIGIEUSES 2013, Tome 94 n° 2, p. 234-235
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Mise à jour juillet
2014
Thierry LEGRAND (thierry.legrand@unistra.fr)
Maître
de conférences en Histoire des religions
Faculté de Théologie
protestante
Université de Strasbourg
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