La littérature apocryphe chrétienne et les études féministes : Marie Madeleine, modèle et anti-modèle féminin
International Summer School on Christian Apocryphal Literature (ISCAL 6)
Strasbourg, 1-5 juillet 2024
Organisée par Gabriella Aragione
L’étude de la littérature apocryphe chrétienne à partir de la perspective de l’histoire des femmes et du genre est encore peu développée. L’objectif de l’ISCAL 6 est de promouvoir ce champ d’études et de sensibiliser les jeunes chercheurs au sujet d’une approche dont l’importance et la portée heuristique sont désormais reconnues. Cette session de l’école d’été porte sur l’une des figures féminines de la période des origines chrétiennes dont la mémoire a subi le plus de détournements : Marie-Madeleine. Au fil des siècles, théologiens et écrivains ecclésiastiques ont interprété les données évangéliques, notamment celles qu’ils ressentaient comme problématiques, au regard de leurs propres conceptions théologiques et ecclésiales ; ils ont présenté Marie-Madeleine comme un modèle de sainteté féminine, une Ève renouvelée, pécheresse repentie et pénitente. Ce faisant, ils ont transmis à la postérité un portrait de la femme de Magdala qui n’a rien à voir avec le personnage historique. Il revient à l’exégèse biblique contemporaine, notamment féministe, le mérite de lui avoir restitué l’identité qui était la sienne et de lui avoir reconnu le statut de disciple à part entière. Or, la littérature apocryphe chrétienne ainsi que celle issue de courants gnostiques conservent des traditions inattendues et surprenantes, différentes de celles élaborées et transmises par l’Église majoritaire. C’est notamment le cas des écrits gnostiques, où nous rencontrons un vocabulaire théologique expressément décliné au féminin. Et pourtant, même dans cette littérature, la parole de Marie semble poser problème : le motif récurrent du conflit entre la Madeleine et Pierre est à cet égard emblématique.
Par le biais de méthodes et d’outils d’analyse adéquats, les participant.es auront l’occasion d’examiner la manière dont cette figure importante du christianisme naissant a été construite en fonction du contexte, des présupposés et des propos théologiques ou ecclésiaux des auteurs et de la réalité socio-culturelle à laquelle ils appartiennent. Les participant.es seront en outre invité.es à analyser ce que cette construction littéraire nous dit de la conception que ces textes véhiculent au sujet aussi bien de la nature féminine que de la place et du rôle de la femme dans la société et dans l’Église. En effet, vision théologique et implications sociales représentent un binôme qu’on a intérêt à ne pas séparer, car à l’arrière-plan de la plupart de ces textes figure la question de l’autorité, de la primauté masculine et de la différenciation sexuelle des rôles précisément dans la société et dans l’Église.
Contact : Gabriella Aragione, gabriella.aragione[at]unistra.fr